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Friday 24 July 2015

ORDONNANCE BULLOCK et autres sujets d'intérêt général



Le 8 juillet 2015, la Cour d’appel a rendu un jugement dans un dossier de construction où SNC-Lavalin fut condamnée en première instance à payer des dommages-intérêts de 8 755 143 $ (SNC-Lavalin inc. c. Société Québécoise des infrastructures, et als., 2015 QCCA 1153). Suite à la construction d’une annexe à un établissement de la CSST à Trois-Rivières, il s’est révélé que la nouvelle construction s’enfonçait graduellement dans le sol parce que les fondations étaient inadéquates pour ce type de sol. SNC-Lavalin, responsable de la conception de la structure et des fondations, a été condamnée à payer des dommages-intérêts de 8 755 143 $.

Hormis la rectification d’une seule conclusion, la Cour a rejeté l’appel de SNC, laquelle avait soulevé au moins sept motifs d’appel.

En plus d’analyser l’appréciation des faits par la juge de première instance, la Cour d’appel traite en plus de sujets d’intérêt plus général, dont :

1.                  Le jugement est-il suffisamment motivé ? 

La Cour reconnait que les motifs auraient pu être plus persuasifs :

[34] En l’espèce, force est de reconnaître que la section du jugement intitulée « Analyse et décision », qui tient sur huit paragraphes, est plutôt succincte et un renvoi plus immédiat à la preuve acceptée au soutien des conclusions aurait contribué à renforcer le caractère persuasif des motifs.

Cependant, la Cour note que la juge de première instance a commenté la preuve et le bien-fondé des allégations des parties dans son résumé des faits. La Cour conclut donc qu’il est possible de comprendre les fondements du jugement et de le réviser dans le cadre d’un appel.

2.           Est-ce que le régime de responsabilité de l’article 2118 C.c.Q. s’applique à une firme de génie-conseil agissant par l’entremise d’une société par actions ?

Bien que SNC n’a pas inclus cet argument dans son mémoire, elle a plaidé que le régime de responsabilité de l’ingénieur qui dirige ou surveille les travaux ne peut pas s’appliquer à une société par actions. Sans décider si l’argument fut valablement invoqué en appel, la Cour le rejette néanmoins de façon catégorique.

[82] Certes, la Loi sur les ingénieurs confère aux membres de cette profession des actes exclusifs. Elle mentionne aussi qu’un ingénieur peut exercer ses activités professionnelles au sein d’une société par actions.[1] La loi ne va cependant pas jusqu’à prévoir que l’ingénieur agissant par l’entremise d’une personne morale est à l’abri de toute responsabilité professionnelle. Compte tenu des objectifs de l’article 2118 C.c.Q., la même logique s’impose – à plus forte raison – à l’égard d’une firme de génie-conseil qui pose des actes réservés sous le couvert d’un statut corporatif. La protection conférée par cette disposition vise au premier chef l’intérêt du client, peu importe le véhicule juridique utilisé pour accomplir l’acte professionnel à l’origine de la responsabilité alléguée. 

3.                  La juge a-t-elle erré en prononçant une ordonnance de type Bullock ?

La Cour rappelle que le pouvoir discrétionnaire conféré au tribunal par l’article 477 alinéa 1 C.p.c. lui permet d’émettre une ordonnance de type Bullock. Par le biais d’une telle ordonnance, le tribunal peut non seulement dégager le demandeur de sa responsabilité pour le paiement des frais et dépenses de certains défendeurs exonérés à l’issue du procès, mais peut aussi imposer cette responsabilité sur un autre défendeur, ce qui fut le cas ici. La Cour conclut que l’ordonnance Bullock rendue à l’encontre de SNC est le résultat d’un exercice acceptable du pouvoir discrétionnaire de la juge puisque la décision de poursuivre une pluralité de défendeurs était raisonnable et prudente.



[1] Loi sur les ingénieurs, RLRQ, c. I-9., art. 28.1.

ESTATES: Whose fees get paid out of the estate?





In my estate practice, I am frequently consulted by beneficiaries of estates who are contemplating or who are involved in estate litigation. When I explain to them that the liquidators of the estate will be permitted to charge their legal fees to the estate in the context of such litigation, the beneficiaries are always surprised and frustrated since, from their perspective, this means that not only are they responsible for their own legal fees, but they are indirectly responsible for the adverse parties’ legal fees as well.

Unfortunately for them, the Court of Appeal has recently confirmed that as long as the liquidators’ legal position is not abusive, their legal fees can be paid out of the estate patrimony and the beneficiaries’ legal fees will not be.

In Vincent v. Dufresne, 2015 QCCA 966, after deciding in favour of the Defendant spouse of the Deceased, the Superior Court held:

[159] Sans qualifier les procédures ainsi intentées d'abusives et de répétitives, le Tribunal considère qu'il serait inapproprié que madame Dufresne assume, non seulement les honoraires qu'elle doit encourir pour sa défense, mais également le tiers des dépenses encourues par les demandeurs à titre de liquidateurs.

[160] L'article 789 du Code civil du Québec prévoit que le liquidateur a droit au remboursement des dépenses effectuées dans l'accomplissement de sa tâche.

[161] À ce sujet, la Cour d'appel, dans un arrêt prononcé par le 5 février 2013, s'exprime ainsi aux paragraphes 13 et 14 :

[13]  La procédure ayant été intentée au bénéfice de tous les héritiers, les frais extrajudiciaires encourus de bonne foi pour éclaircir une situation juridique peuvent être imposés à la succession (Brodie Succession de, J.E. 1989-1185 (C.A.)).

[14] Plus récemment, dans l’affaire Follows c. Follows, 2012 QCCA 1128, la Cour réitérait que les frais judiciaires et extrajudiciaires du liquidateur entrent dans la catégorie des dépenses qui lui sont remboursables par la succession en vertu de l’article 789 C.c.Q., sauf lorsqu’il agit de mauvaise foi ou entreprend des procédures mal fondées. Aucune demande n’ayant toutefois été faite par les intimés à cet égard, la Cour n’estime pas opportun de statuer ici sur la question.

[162] Les procureurs à l'audience représentent au Tribunal que les honoraires encourus par chaque partie s'élèvent à environ 20 000 $ en date du 21 mars 2014.

[163] Si le Tribunal retient les prétentions des demandeurs, la défenderesse devrait donc encourir des déboursés à ce chapitre de l'ordre d'environ 27 000 $, alors que ceux des demandeurs seraient d'environ 13 000 $.

[164] Le Tribunal considère qu'il serait inapproprié que la défenderesse doive assumer tel fardeau.

[165] Compte tenu des circonstances particulières du présent dossier, le Tribunal estime juste et raisonnable que les honoraires encourus de part et d'autre soient assumés par la succession de feu Claude Vincent.

On appeal, all but one of the Appellant liquidators’ arguments were dismissed. However, on the issue of the estate having to pay for the Respondent’s legal fees, the Court of Appeal held:

[2] Les appelants ont raison de se plaindre de ce que le juge de première instance ait fait supporter par la succession les honoraires extrajudiciaires encourus par les deux parties au litige. Le juge ayant refusé de qualifier d’abusives et répétitives les procédures intentées par les appelants en leur qualité de liquidateurs de la succession de leur père[1], il ne pouvait dès lors écarter l’application de l’article 789 C.c.Q. qui prévoit que le liquidateur a droit au remboursement des dépenses effectuées dans l’accomplissement de sa tâche[2] et faire également payer par la succession les honoraires de la partie défenderesse.

Thus, in the absence of abuse by the liquidators, the estate will not be responsible for the legal fees of the beneficiaries, even when the court has decided in their favour.



[1]     Ibid., paragr. 159.
[2]     Follows c. Follows, 2012 QCCA 1128, paragr. 64-67.

Wednesday 22 July 2015

ANNONCE: Candidature de Mathieu Bouchard pour deuxième vice-président de l'ABC


IMK's Mathieu Bouchard has announced his candidacy for 2nd Vice-President of the Canadian Bar Association with the following words:

Chères consœurs, chers confrères,

Voilà maintenant 12 ans que je m’implique activement au sein de l’Association du Barreau canadien. Souhaitant contribuer à bâtir une association plus forte, j’ai discuté avec plusieurs d’entre vous depuis un an de la possibilité de me présenter au poste de deuxième vice-président de l’ABC, en vue des élections qui auront lieu en 2016. C’est maintenant chose faite : mon bulletin de mise en candidature a été déposé et ma candidature confirmée par la direction générale.

Je compte poursuivre la discussion avec vous et d’autres membres de l’ABC dans les semaines et les mois à venir afin de mériter votre confiance de sorte que tous ensemble nous soyons en mesure de relever les nombreux défis auxquels notre association fait face. Car une chose est certaine : notre profession et notre société ont tout à gagner d’une ABC forte!

J’espère donc pouvoir compter sur votre appui dans cette course à venir.

_____________________________

Dear Colleagues,

I have been actively involved with the Canadian Bar Association for 12 years now. As I wish to contribute to build a stronger association, I have discussed with many of you over the last year my potential candidacy for CBA Second Vice-President for the 2016 election. I am pleased to inform you that I have submitted my nomination form and that my candidacy has now been approved by management.

Over the following weeks and months, I intend to pursue the conversation with you and other CBA members, and earn your trust so that together we can meet the challenges currently facing our association. Because one thing is sure: our profession and our society win when the CBA is strong!

I hope I can count on your support in the upcoming election.


Tuesday 21 July 2015

TRUSTS: If you're a trustee, negligence doesn't pay

In cases of administrators of property of others, it has generally been accepted that administrators are entitled to be reimbursed their costs of administration, including legal fees. However, in Bell v. Molson, 2015 QCCA 583 the Court of Appeal analyzed those rules in relation to a claim by the trustees for their legal fees. In reversing the Superior Court decision that the trustees in question were entitled to be reimbursed $3.2 million in legal fees despite having been found negligent, the Court of Appeal set out the parameters in which such fees can be reimbursed. This decision will have far-reaching implications because the test set out will apply not only to trustees but to liquidators, tutors, curators and mandataries. In addition, the Court of Appeal confirmed that since a trustee’s duties to act with prudence and diligence are of public order, clauses purporting to limit liability for violations of those duties will not be enforceable.

The Appellants were the capital beneficiaries of a trust. They sued the Respondent trustees for a rendering of account and damages for having been negligent in their management of the trust assets.
The Superior Court awarded the Appellants approximately $665,000 in damages. However, the Superior Court also condemned the Appellants to pay the Respondents’ defence costs (legal and experts fees), which totaled approximately $3.2 million.

The relevant provisions in the will stated:
I declare that … the decision of a majority of my Trustees … shall be final … and I relieve a dissenting Trustee and Executor from all responsibility for any action taken upon a decision in which he or she or it did not concur.

I further declare that at any time and from time to time a majority of my Trustees may act …
Article VIII

In addition to all other powers … my Trustees … shall have … the following powers :

[…] 

h)         To invest all sums of money requiring investment in such securities or other investments as they may think proper without being restricted […] to those mentioned in Article 981-o of the Civil Code of Lower Canada and from time to time to sell alter and vary investments and without responsibility for any loss which may be involved by reason of such investments.

The two questions in appeal were:

1.    Was the damage award of $665,000 well-founded?

2.    Did the Respondents have the right to be reimbursed their defence costs despite having been found to be negligent?

On the first question, the Court held that the Respondents had not been negligent in their administration of the assets prior to 1994 (the trust had been established in 1937). Prior to 1994, the trustees’ obligation was to preserve the capital. However, after 1994, the obligations set out in article 1340 CCQ became more onerous because full administration meant increasing the capital rather than simply preserving it. While the trustees had an obligation of means, the court held they had committed a fault for failing to have an adequate investment policy from 1994 to 2004, for ignoring the risk of being over-weighted in Nortel, GE and IBM shares, which made up half the portfolio, and for ignoring the warnings given by some employees of Royal Trust about the need to diversify.

In particular, the Court did not accept that a trustee could abdicate its responsibility to other trustees without incurring any liability. The Superior Court rejected Royal Trust’s reliance on a clause in the will that excused a dissenting trustee from any liability for a decision taken with which it did not agree.

Having upheld the finding of liability, the Court of Appeal had to decide whether, in such circumstances, the trustees could rely on the clause in the will that excluded their liability. The Court upheld the trial decision that such clauses must be interpreted restrictively so as not to exclude the public order obligations of trustees to act with prudence and diligence, which go to the very core of the administration of the property of others.

The Court quoted the author Troy McEachren:
[…] À la suite de la violation d’une obligation essentielle de l’administrateur découlant de l’obligation générale d’agir avec prudence, diligence, honnêteté et loyauté, les clauses exonératoires de responsabilité ne pourront cependant pas être invoquées. Ces obligations sont essentielles et inhérentes à tout régime d’administration. En d’autres termes, aucune administration n’a été créée s’il en résulte que l’administrateur peut faire ce qu’il veut du bien au mépris total des droits du bénéficiaire.

Given that the Court held that the exclusion clause did not apply, it then had to decide whether the trustees were entitled to their defence costs totalling $3.2 million. The Court referred to Article 1367 CCQ as the source of the right to reimbursement:


1367. Les dépenses de l'administration, y compris les frais de la reddition de compte et de remise, sont à la charge du bénéficiaire ou du patrimoine fiduciaire.
1367. The expenses of the administration, including the cost of rendering account and handing over the property, are borne by the beneficiary or the trust patrimony.


The Court acknowledged that expenses included not only those associated with rendering account but those incurred to be represented before the courts. However, the Court of Appeal disagreed with the trial judge’s conclusion that the Respondents should be reimbursed.

The Court held that whoever agrees to accept the position of administrator must execute her obligations with care and prudence and she will be liable for damages if she fails to do so (see Arts. 1318 and 1334 CCQ). While an administrator who acts prudently may still incur a loss and be entitled to have his costs reimbursed, it is unfair for the patrimony already reduced as a result of fault to be further reduced by the expenses related to the fault.

The test for whether an administrator’s legal fees will be considered administration expenses is whether they are objectively incurred in the interest of the beneficiary. If the administrator is sued for damages as a result of her personal fault, she is personally responsible for the fees because the claim is directed against her personally rather than in her capacity as trustee. An analysis of the entire situation is necessary to determine who is responsible for the fees.

In this case, the trustees were sued personally and were represented by different law firms. The trustees were defending their own interests (i.e. their interest not to have to pay damages) and therefore they were not pleading for the benefit of the beneficiaries. Accordingly, the legal fees incurred for that purpose were the trustees’ personal responsibility.


Friday 17 July 2015

EMPLOYMENT LAW: Firing an executive for cause isn't easy

On July 9, 2015, the Court of Appeal issued a decision that reiterates certain important principles in employment law, particularly with respect to dismissing executives and who has status as a complainant under art. 241 CBCA.

In Premier Tech ltée v. Dollo, 2015 QCCA 1159, the Respondent Dollo was dismissed from his position as president of Premier Horticulture ltée, a subsidiary of Premier Tech. At the time of the dismissal, he was also a minority shareholder of Premier Tech. He sued Premier Tech, requesting an order that he be permitted to exercise 207 619 options granted to him prior to his dismissal, despite the following clause of the option plan :

8.01.2  Advenant la cessation des fonctions du Bénéficiaire auprès de la Société pour toute raison autre que son décès, sa retraite ou son invalidité, tout octroi en cours expire à la date de la cessation de ses fonctions, de sorte qu'à compter de cette dernière date, le Bénéficiaire perd tous ses droits dans l'octroi à l'égard des Actions pour lesquelles il n'a pas encore levé son Option, à moins que le conseil d'administration, à sa seule discrétion, n'en décide autrement;

In support of his position, he argued that the option plan was a contract of adhesion within the definition of Article 1379 CCQ and that it was abusive pursuant to Article 1437 CCQ. He also alleged that the directors of Premier Tech had violated Article 241 of the Canada Business Corporations Act (“CBCA”) in refusing to exercise their discretion in order to permit him to exercise his options because they had told him several months prior to his dismissal that in the event he was dismissed, he could exercise them.

The Defendants argued that Mr. Dollo had been dismissed for cause, even though the parties had, prior to the proceedings, concluded an agreement whereby Mr. Dollo was paid an indemnity in lieu of notice. In fact, the parties had settled all matters between them except the question of the options. The Defendants also argued that clause 8.01.2 was valid, that Mr. Dollow was not a complainant under Article 241 and that there was not shareholder oppression. 

In upholding the judgment of the Superior Court, the Court of Appeal held that absent a “manquement grave et répété,” the loss of confidence in an executive was not cause, although in this particular case, characterization of the dismissal was irrelevant to the claim for the options. In citing Sirois v. ONeill, the Court of Appeal stated:

[75]   La Cour a plutôt considéré que le juge de première instance avait commis une erreur manifeste et déterminante dans l’appréciation de la preuve, en ne retenant pas que le chef de direction congédié n’avait pas satisfait aux lourdes responsabilités qu’il s’était vu confier. Cet arrêt tend plutôt à démontrer qu’à l’égard d’un haut dirigeant, le motif sérieux du congédiement demeure une question de fait[1] :
Le fardeau de prouver que le congédiement a été fait pour un motif sérieux repose sur l'employeur. Il s'agit là d'une lourde tâche, surtout si les motifs de licenciement sont subjectifs.
En l'espèce, je suis d'avis que les appelants ont réussi à rencontrer leur fardeau de preuve et que le juge de première instance a commis une erreur en ne l'ayant pas reconnu, bien qu'il ait écrit:
Mr. Sirois' dismissal of Martin O'Neill was certainly not without some foundation. Several members of the team were critical of Mr. O'Neill's management style and deportment. They were frustrated and demoralized. Their "malaise" was monitored by André Tremblay from late January 1995 to the time of his dismissal. By mid-April 1995, two members of the team had resigned. The EDS representatives then added insult to injury by their vigorous attack on Microcell's business plan, licence application and it's (sic) president, all in the presence of the team. This aggressive action - Pierre Sarault opined that the EDS representative "a démoli le plan" - may well have destroyed whatever credibility Martin O'Neill still enjoyed from amongst the disaffected members of the team.
Le juge a commis une double erreur: d'une part, il n'a pas tenu compte des obligations rigoureuses inhérentes à la tâche confiée à l'intimé, qui en était essentiellement une de direction, de management et d'organisation; d'autre part, il a conclu à collusion pour congédier l'intimé, alors que la preuve ne soutenait pas une telle conspiration.
L'intimé s'était vu confier de lourdes responsabilités; il ne les a pas remplies, principalement celle de mettre sur pied une équipe unie.
[Je souligne]
[76]   Cette lecture de l’arrêt O’Neill semble également partagée par les auteurs Audet, Bonhomme et Gascon[2]:
4.2.23  L’employé qui est engagé dans le but de remplir un poste de cadre, et d’exercer effectivement certaines responsabilités au sein d’une entreprise, garantit implicitement qu’il possède les qualités et les talents appropriés pour accomplir les tâches qui lui sont assignées, faute de quoi il pourra être congédié pour cause.
4.2.24  D’ailleurs, dans l’arrêt rendu par la Cour d’appel Sirois c. O’Neill, C.A. Mtl, D.T.E. 99T-598, la Cour a renversé le jugement de première instance ayant accueilli l’action du demandeur congédié pour incompétence. La Cour d’appel a jugé que le tribunal de première instance avait commis une erreur en concluant ainsi, n’ayant pas tenu compte des obligations rigoureuses inhérentes à la fonction de président-directeur général pour laquelle il avait été engagé, soit essentiellement une tâche de direction, de management et d’organisation. […]
[Je souligne – Référence omise]
[77]  La notion de « motif sérieux » qui se trouve à l’article 2094 C.c.Q. s’applique à tous les salariés, quel que soit leur rang hiérarchique. Le motif sérieux ou la cause juste et suffisante pouvant justifier un congédiement sans délai-congé est un manquement grave et répété du salarié d’assumer ses obligations, lequel est déterminé en tenant compte des circonstances propres à chaque cas.
[78]  La perte de confiance ne peut constituer, à elle seule, sans la preuve d’un manquement grave et répété, une « cause juste et suffisante » justifiant un congédiement sans indemnité, au sens de l’article 2094 C.c.Q.
[79]  Je conviens que la rupture du lien de confiance envers un haut dirigeant peut être l'occasion de son congédiement. Cela n’a rien de surprenant, d’autant qu’en droit québécois, la résiliation unilatérale d’un contrat de travail à durée indéterminée est admise, même s’il n’existe aucun motif justifiant pareil congédiement[3]. Toutefois, en un tel cas, l’employeur demeure tenu de verser une indemnité tenant lieu du délai-congé[4].
[80]  En l’espèce, je le répète, le juge a pris grand soin d’évaluer l’ensemble des circonstances ayant mené au congédiement de Dollo. De cette preuve, il retient que Premier Tech n’a aucunement établi qu’il s’agissait d’un congédiement pour cause. Au contraire, il estime que les moyens visant à établir la cause juste et suffisante de ce congédiement ont été soulevés a posteriori, de façon opportuniste.
[81]  Vu le défaut de Premier Tech d’identifier une erreur déterminante commise par le juge dans son analyse de la preuve et les conclusions qu’il en tire, j’estime qu’il n’y a pas lieu d’intervenir sur cette question.
[82]  Cela dit, je m’empresse d’ajouter que la qualification du congédiement, à savoir s’il s’agit d’un congédiement avec ou sans motif sérieux au sens des articles 2091 et 2094 C.c.Q., est sans pertinence sur le sort de l’appel.
[83]  Comme je l’explique ci-après, en assurant à Dollo que ses options n’étaient pas à risque dans l’éventualité où il serait congédié, et ce, quelques mois avant son congédiement, en empruntant l’expression « ce qui est gagné est gagné », les dirigeants de Premier Tech, agissant alors à la demande de son actionnaire de contrôle, l’ont induit en erreur.

In characterizing the option plan, the Court of Appeal also concluded that once the options were granted, the option plan was in fact a contract of adhesion within the definition of article 1379 CCQ but that clause 8.01.2 was not abusive:

[111]   Sur le fond, j’estime que la clause 8.01.2 n’a rien d’abusif, d’autant qu’elle accorde au conseil d’administration de Premier Tech le pouvoir de passer outre à la règle qu’elle renferme. L’abus, s’il en est, ne résulte pas ici de l’application de la clause en tant que telle, mais plutôt du refus du conseil d’administration de corriger les iniquités pouvant en résulter, question que j’aborde ci-après.

On the issue of Mr. Dollo’s status as a complainant under Article 214 CBCA, the Court of Appeal held that while option holders are generally not considered to be complainants, Mr. Dollo was already a shareholder as a resulting of having exercised options in previous years and accordingly, the Court held that he had the status to invoke the oppression remedy, even though when he instituted his lawsuit, he was no longer a shareholder because his shares had been repurchased as a result of his dismissal.

[122]  Le fait que Dollo a vu ses actions rachetées avant qu’il n’intente son recours n’y change rien. À titre d’ancien actionnaire, il possédait un intérêt suffisant. Le recours en oppression peut en effet être fondé sur des actes ou des faits survenus avant qu’il ne soit intenté, si l’iniquité ou l’injustice résultant de ces actes ou faits passés subsiste toujours, comme dans la présente affaire. À ce sujet, Paul Martel écrit[5] :
Le recours sous 241 est destiné à remédier à une situation abusive ou injuste. Il faut donc qu’une telle situation existe réellement au moment où le recours est intenté, car autrement le tribunal n’a aucune base pour agir.
Rien n’empêche cependant que le recours soit basé sur des actes ou des faits passés, pourvu qu’au moment de l’intenter, il subsiste une oppression ou une injustice.
La version anglaise de l’article 241 confirme d’ailleurs ceci, car aux paragraphes 2(b) et (c) elle utilise les termes «are or have been carried on» et «are or have been exercised», nuance perdue avec la traduction, au paragraphe (b).
[Référence omise – Je souligne]
[123]  Ici, l’injustice découlant du refus de Premier Tech de permettre à Dollo d’exercer ses options subsistait toujours au moment où, à titre d’ancien actionnaire de la société, il a intenté son recours.

On the question of oppression, the Court of Appeal concluded that Mr. Dollo’s legitimate expectations had not been met:

[149]  Le recours pour oppression prévu à l’article 241 L.c.s.a. accorde des pouvoirs étendus au tribunal. Inspiré des principes d’équité, ce recours est largement utilisé en droit civil québécois. La jurisprudence a d’ailleurs étendu sa portée. Il ne vise plus seulement la fraude, la mauvaise foi ou l’illégalité, mais également les injustices découlant des cas d’abus de droit et de violation des attentes légitimes des actionnaires.

[…]

[163]  Ce n’est pas la clause qui crée l’oppression, mais plutôt le refus du conseil d’administration, lorsqu’il est en présence d’une injustice découlant de son application, de passer outre à la règle qu’elle renferme. En pareilles circonstances, il appartient au conseil d’administration de corriger la situation. S’il ne le fait pas et que son omission porte atteinte aux attentes légitimes, la responsabilité de la société peut être retenue.
[164]  Ce qui m’amène au principal argument de Dollo.
[165]  Des conclusions de fait du juge, je retiens que Dollo a été rassuré par les dirigeants à l’égard de ses options. Il crut, à tort, qu’il pourrait les exercer malgré une éventuelle rupture de son lien d’emploi. Je retiens également son affirmation non contredite selon laquelle il aurait exercé ses options dès le printemps 2010, n’eût été ces assurances.
[166]  À mon avis, cette preuve tranche la question de l’oppression.
[167]  Premièrement, elle démontre l’existence des attentes légitimes de Dollo qui, en raison des promesses qui lui ont été faites, était en droit de s’attendre, en toute légitimité, qu’il allait pouvoir exercer ses options malgré la rupture de son lien d’emploi.
[168]  Deuxièmement, relativement à l’effet préjudiciable du non-respect de cette attente, il coule de source. Dollo a renoncé à exercer ses options plus tôt, sur la foi de ces assurances, avec les conséquences qui en découlent.
[169]  Quant à l’oppression, elle découle du refus du conseil d’administration de Premier Tech de passer outre à la règle pour corriger l’injustice, malgré le pouvoir que lui conférait l’article 8.01.2.
[170]  Vu la violation des attentes légitimes de Dollo, le conseil d’administration avait le devoir d’intervenir.

The Court of Appeal confirmed the order of the Superior Court for Premier Tech and Gestion Bernard Bélanger to issue and finance the options and for Gestion Bernard Bélanger to purchase the shares from Dollo thereafter.


[1]     Ibid.
[2]     Georges Audet, Robert Bonhomme et Clément Gascon, Le congédiement en droit québécois en matière de contrat individuel de travail, 3e éd., vol. 1, édition sur feuilles mobiles, Cowansville, Éditions Yvon Blais, janvier 2015, no 4.2.23 et 4.2.24, p. 4-23 et 4-24.
[3]     Québec (Commission des normes du travail) c. Asphalte Desjardins inc., [2014] 2 R.C.S. 514, 2014 CSC 51.
[4]     Ibid.
[5]     Paul Martel, La société par actions au Québec, vol. 1 : Les aspects juridiques, Montréal, Éditions Wilson & Lafleur, Martel ltée, 2014, paragr. 31-372 à 31-374, p. 31-148 et 31-149.

DUTY TO INFORM: Bail-er beware!

On June 30th, 2015, the Superior Court issued a handy reminder to pleaders regarding the scope and limits of the duty to inform set out in Bank of Montreal v. Bail Ltée.

In the context of an action for conveyance of title, a defaulting promisor/vendor sought to invoke error induced by fraud (Article 1401 CCQ) as grounds to vitiate its consent and to annul an otherwise valid offer to purchase. In Concupisco Inc. v. Société en commandite 407 McGill, 2015 QCCS 2961 [1], Justice Micheline Perrault considered the seminal teachings of the Supreme Court of Canada regarding the obligation of good faith in general, and the duty to inform in particular, in the case of Bank of Montreal v. Bail Ltée.

While quick to endorse the importance of the duty to inform, Justice Perrault reminded pleaders that this duty is still a relative one, given the corollary obligation to inform oneself that is equally present in the general obligation of good faith set out at Article 1375 C.C.Q.

Justice Perrault expressed her views on this relativity in the following terms:

[57] Un des corolaires de la bonne foi à l'étape de la formation du contrat, et, partant, de la validité du consentement est l'obligation de renseignement. À ce sujet, la Cour suprême, dans l'arrêt Banque de Montréal c. Bail Ltée, reprenant les grandes lignes de l'analyse de Ghestin circonscrit les modalités de l'obligation de renseignement comme suit :

« Sans nécessairement en adopter l'énoncé, je suis d'avis que Ghestin expose correctement la nature et les paramètres de l'obligation de renseignement. Il en fait ressortir les éléments principaux, soit :

-           la connaissance, réelle ou présumée, de l'information par la partie débitrice de l'obligation de renseignement;

-           la nature déterminante de l'information en question;

-           l'impossibilité du créancier de l'obligation de se renseigner soi-même, ou la confiance légitime du créancier envers le débiteur.»

[58] Selon la Cour suprême le droit civil est attentif aux inégalités informationnelles, et dès lors, impose une obligation positive de renseignement dans les cas où une partie se retrouve dans une position informationnelle vulnérable, d'où des dommages pourraient s'en suivre. Cependant, la Cour suprême limite l'ampleur de l'obligation de renseignement en apportant une importante précision, à savoir:

«( ... ), cependant, j'ajouterais qu'il ne faut pas donner à l'obligation de renseignement une portée telle qu'elle écarterait l'obligation fondamentale qui est faite à chacun de se renseigner et de veiller prudemment à la conduite de ses affaires.»

[59] Ce passage a permis à la Cour d'appel, quelques années plus tard, de conclure que le devoir de renseignement n'avait, en fait, qu'une portée relative car l'obligation de se renseigner prend elle-même appui sur l'obligation de bonne foi consacrée par l'article 1375 C.c.Q13

[60] Ainsi, celui qui s'apprête à passer un contrat doit prendre les mesures raisonnables pour en bien connaître les enjeux importants et les faits susceptibles d'influencer sa décision. Ce devoir est apprécié de façon subjective : on tient compte de la formation de la personne concernée et de son expérience. Bref, le droit vise à protéger le contractant contre une inégalité situationnelle et non contre sa propre négligence. [references in text ommitted]

Moreover, in Justice Perrault’s view, sophisticated and otherwise well-informed litigants might think twice before waving the flag of Bail and seeking refuge from otherwise valid contracts on the basis of error and the general duty to inform. On the facts of this case, the Court found as follows:

[61] Les Défenderesses n'ont pas convaincu le Tribunal que les Demanderesses ont délibérément omis de révéler aux Défenderesses qu'elles n'avaient pas l'intention de collaborer avec elles et d'harmoniser leurs projets respectifs, et ce, dans le but de provoquer volontairement une erreur dans leur esprit. Tel qu'énoncé ci-dessus, le Tribunal a conclu que les Défenderesses n'ont pas démontré que cette «considération essentielle» existait et était connue des Demanderesses au moment de la signature de l'Offre d'achat.

[62] De plus, les Défenderesses avaient l'obligation de veiller prudemment à la conduite de leurs affaires. Est-il nécessaire de rappeler que nous sommes ici en présence de gens d'affaires aguerris et expérimentés en matière de développement immobilier?

[63] Les difficultés que peuvent maintenant rencontrées les Défenderesses sont le résultat de leur négligence et non la conséquence de fausses représentations ou d'un comportement dolosif de la part des Demanderesses.


In other words, if you’re set on invoking the duty to inform, depending on the circumstances of your case, don’t forget the adage of Bail-er beware!
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[1] The author of this post, Kurt Johnson, acted for one of the parties in this case.