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Sunday 16 October 2016

REQUÊTE DE TYPE WELLINGTON ET APPEL DE PLEIN DROIT

Par Sophie Perron

Le jugement sur une requête de type Wellington introduite dans une instance séparée met fin à l’instance et est appelable de plein droit. Dans la décision Intact, compagnie d’assurance c. Lamontagne (2016 QCCA 1628) rendue le 5 octobre dernier, l’honorable juge Manon Savard j.c.a. en arrive à cette conclusion, alors que les procureurs tant de de la requérante que des intimés plaidaient qu’une permission d’appel était requise.

La Cour d’’appel devait se prononcer sur une requête pour permission d’en appeler. L’analyse de l’honorable juge Savard, j.c.a., répond aux deux questions suivantes :

(1) est-ce l’article 30 C.p.c. (jugement qui met fin à l’instance) ou l’article 31 (jugement rendu en cours d’instance) qui s’applique?

(2) puisque le droit d’appel est régi par l’article 30, l’appel est-il de plein droit (premier alinéa) ou sur permission (deuxième alinéa)?

Sur la première question, elle conclut que le jugement de première instance met fin à l’instance et que l’article 30 C.p.c. trouve application. L’honorable juge Savard, j.c.a., écrit :

[10] Aux fins de déterminer le processus d’appel applicable, l’ancien Code de procédure civile opposait les notions de « jugement final/final judgment » (art. 26 a.C.p.c.) et de «jugement interlocutoire/interlocutory judgment » (art. 29 a.C.p.c.). Cette terminologie n’est pas reprise dans le Code de procédure civile, le législateur référant dorénavant à des jugements « qui mettent fin à une instance/that terminate a proceeding » (art. 30 C.p.c.) et aux jugements « rendu[s] en cours d’instance/rendered in the course of a proceeding » (art. 31 C.p.c.).

[11] Dans ses commentaires, la ministre de la Justice indique que ce changement de terminologie n’a pour but que de corriger un anglicisme5. Les auteurs André Rochon et Juliette Vani sont d’avis que la jurisprudence élaborée sur la notion de « jugement final/final judgment » sous l’a.C.p.c. devrait continuer de s’appliquer à un jugement « qui [met] fin à une instance/ that terminate[s] a proceeding ». Ils écrivent :

On ne parle plus de jugements « finals », mais de « jugements qui mettent fin à une instance ». En plus de corriger un anglicisme, cette modification codifie la jurisprudence puisqu’un jugement final a toujours été un jugement qui met fin à l’instance entre des parties et dessaisit le tribunal de la cause d’action (Société canadienne du cancer c. Imperial Tobacco ltée, EYB 1989-64888, [1989] R.J.Q. 820, J.E. 89-628 (C.A.)).

[12] Je partage leur avis.

[13] Or, en l’occurrence, le jugement de première instance dispose du débat soulevé par l’instance et met fin à celle-ci6. La Cour supérieure en est dessaisie. Bien que le litige entre les parties, dans son sens large, ne soit pas terminé, ce jugement règle définitivement la requête des intimés quant à l’obligation de défendre de la requérante et du courtier, seules questions en litige dans cette instance. Il statue sur la demande soulevée et « […] met fin au traitement du dossier »7 par la Cour supérieure, qui voit sa juridiction épuisée. [Références omises.]

Sur la seconde question, l’honorable juge Savard, j.c.a., conclut que le jugement de première instance est appelable de plein droit en conformité au premier alinéa de l’article 30 C.p.c. Elle écrit :

[21] […] Règle générale, un jugement qui ordonne à une partie d’accomplir un acte déterminé est sujet à un appel de plein droit13. Or, en l’occurrence, l’objet en litige est le fait pour la requérante de devoir défendre les intimés et non de les indemniser des sommes qu’ils pourraient être obligés de verser à leurs voisins au terme des poursuites judiciaires intentées ultérieurement au jugement de première instance. Le montant en litige de ce jugement déclaratoire ne peut donc être quantifié, de sorte que la règle énoncée au premier alinéa trouve application. [Référence omises.]


Ainsi, la requête de type Wellington instituée dans une instance distincte du recours principal est appelable de plein droit. L’arrêt de la Cour d’appel ne traite pas du sort réservé à la requête de type Wellington présentée comme moyen interlocutoire dans le cadre d’une instance déjà mue entre des parties après l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile.

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