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Friday 19 February 2016

PRIVILÈGE RELATIF AU LITIGE : la Cour d’appel rappelle les principes

Par Sophie Perron

Suite à l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile, l’objection fondée sur le privilège relatif au litige fait partie des objections qui continuent d’être tranchées aussitôt que possible après qu’elles aient été soulevées (articles 228 et 297 C.p.c.).  Le 5 février dernier, la Cour d’appel du Québec a rappelé les principes et le fardeau de preuve de celui qui s’objecte sur cette base dans l’affaire Compagnie d’assurances AIG du Canada c. Solmax International (2016 QCCA 258).

Dans ce dossier,  dans un arrêt unanime des juges Doyon, Savard et Mainville, j.c.a., la Cour d’appel du Québec rejette l’appel et rejette l’objection de Compagnie d’Assurances AIG du Canada (« AIG »).

AIG s’était objectée à transmettre « les échanges entre son service des réclamations et celui de la souscription relativement à la couverture et /ou au refus de la couverture de la réclamation de Solmax International Inc. ».

La Cour d’appel rappelle d’abord l’objectif du privilège relatif au litige : 
[3] Le privilège relatif au litige a pour objectif d’assurer l’efficacité du processus contradictoire et vise à créer une « zone de confidentialité » permettant aux parties de préparer en toute liberté leurs arguments, comme le souligne la Cour suprême dans Blank c. Canada (Ministre de la Justice)[1]. En l’espèce, les échanges auxquels donne lieu cette préparation ne seront privilégiés « que si le but principal ou substantiel de [leur] création a été d'aider une partie en vue d'un litige »[2], existant ou à venir.

Elle revoit ensuite le critère qui doit être rencontré à savoir que la préparation du litige doit être l’objet principal de la communication ou du document :
[4] Dans Blank c. Canada (Ministre de la Justice), la Cour suprême fait état de trois types de documents dans ce domaine : ceux dont un objet important est la préparation du litige, ceux dont c’est l’objet principal et ceux dont c’est l’unique objet. Elle retient le critère de l’objet principal, par opposition à celui de l’objet important. Cela permet de conférer une protection compatible avec les caractéristiques du privilège, qui constitue une exception limitée au principe de la communication complète de la preuve[3]. En conséquence, ceux dont la préparation du litige n’est qu’un des objets, sans être l’objet principal, ne peuvent se voir conférer le statut de documents protégés.

Finalement, la Cour d’appel souligne qu’il revient à la partie qui invoque le privilège relatif au litige de démontrer que l’objet principal du document est la préparation du litige :

[5] Somme toute, la condition essentielle à l’applicabilité du privilège relatif au litige est que le document ait pour objet principal la préparation du litige et c’est à la partie qui invoque le privilège de démontrer que ce critère est satisfait[4]. En ce sens, le privilège relatif au litige doit être interprété restrictivement, contrairement au secret professionnel dont l’interprétation large est favorisée.
[6] En l’espèce, à ce stade des procédures et selon la preuve considérée par le juge de première instance, l’appelante n’a pas établi que le but principal des échanges entre ses deux services était la préparation du litige. Il s’agissait principalement de l’aider à décider si la réclamation devait être acceptée. Même s’il est possible que ces échanges soient aussi utiles à l’appelante dans le cadre du litige, cela n’en fait pas l’objet principal, même si ce peut être un objet important.

Cet arrêt succinct constitue du même coup un excellent aide-mémoire pour tout avocat comptant s’objecter à la communication d’un document sur la base du privilège relatif au litige.



[1]  Blank c. Canada (Ministre de la Justice), [2006] 2 R.C.S. 319, 2006 CSC 39, paragr. 27 et 34.
[2] Jean-Claude Royer et Sophie Lavallée, La preuve civile, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, paragr. 1149.
[3] Blank c. Cananda, paragr. 59 et 60.
[4] Marie-Josée Hogue et Berly Lelièvre-Acosta, « Secret professionnel et communications privilégiées », dans JurisClasseur Québec, coll. « Droit civil », Preuve et prescription, fasc. 11, Montréal, LexisNexis Canada, feuilles mobiles, paragr. 25.

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