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Friday 27 May 2016

PROCÉDURE-NCPC: les critères régissant une demande d’autorisation pour interroger un tiers.

Par David Éthier

Dans un jugement rendu le 18 mai dernier[1], le Juge Denis Jacques, j.c.s. rejetait une demande d’autorisation pour interroger un tiers, considérant entre autres choses que le demandeur n’avait « pas fait valoir en quoi l’interrogatoire recherché avant instruction (… était) nécessaire » et qu’il pourrait de toute façon « interroger toute personne assignée à l’audience pour autant qu’il en justifie la pertinence auprès du juge du fond ».
 
Quels sont donc les critères qui régissent une demande de cette nature?
 
Dans la décision Dubeau c. Lessard 2016 QCCS 2363, rendue le 24 mai 2016, le Juge Louis Dionne, j.c.s. aborde la question comme suit :
 
[18] Dans leur Précis de procédure civile du Québec, les auteurs Ferland et Emery rappellent que l’interrogatoire préalable à l’instruction (art. 221 à 230) doit se dérouler dans le respect des principes directeurs de la transparence, de la proportionnalité, de la bonne foi et de la coopération, mais ne doit pas devenir un procès dans le procès. Ils ajoutent que maintenant l’interrogatoire porte sur tous les faits se rapportant au litige.
[19] Traitant de la portée de l’interrogatoire, ils mentionnent ce qui suit :
 
1-1666 — D'une portée plus grande que la demande de précisions (art. 169, al. 2), l'interrogatoire préalable permet à une partie d'enquêter sur la nature, l'étendue et le sérieux des prétentions des autres parties. Elle peut non seulement obtenir des précisions relatives aux faits se rapportant au litige, mais elle peut aussi poser des questions lui permettant d'évaluer la véracité et la sincérité des allégations la concernant. Cet exercice permet donc à une partie de circonscrire le débat et de jauger le bien-fondé, la pertinence, la recevabilité et la légitimité de la théorie de la cause d'une autre partie. [...]
 
1-1667 — La Cour d'appel reconnaît à cet interrogatoire son caractère exploratoire et préparatoire tout comme elle reconnaît qu'il faut faciliter l'accès à tout renseignement pertinent (art. 20). La divulgation de la preuve doit, selon la Cour suprême, être « complète et hâtive », dans l'esprit du principe directeur du devoir des parties de coopération, de transparence et de divulgation des faits et des éléments de preuve afin d’assurer un débat loyal (art. 18 à 20). (Références omises) (Le Tribunal souligne)
 
[20] L’interrogatoire préalable d’un tiers avant l’instruction vise à permettre une plus grande divulgation de la preuve avant le procès dans le but de circonscrire les points qui feront partie de l’instruction éventuelle devant le juge du fond. Cette disposition doit recevoir une interprétation large, mais ne doit pas pour autant justifier une expédition de pêche dans l’espoir de valider de simples hypothèses, conjectures ou présomptions.
 
Soupesant ensuite ces facteurs, et notant que le défendeur n’avait pas été en mesure de répondre à plusieurs questions qui lui avaient été posées lors de son interrogatoire au préalable, le Juge Dionne fait droit à la demande et permet l’interrogatoire de plusieurs tiers.  À la fin, le Juge Dionne a donc considéré qu’il était préférable d’alourdir quelque peu la conduite du dossier afin d’assurer une plus grande transparence des débats; une solution qui nous rappelle que la quête vers une justice plus efficace et expéditive doit parfois s’accommoder d’autre objectifs importants, dont, au premier chef, la recherche de la vérité.

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