Pages

Thursday 30 June 2016

VOILE CORPORATIF LEVÉ ET INOPPOSABILITÉ ACCUEILLIE À L’ENCONTRE D’HYPOTHÈQUES CONSENTIES EN FRAUDE DES DROITS DU CRÉANCIER

Par Julien Lussier

Dans la décision Côté c. Laforest (2016 QCCS 2781) la demanderesse a gain de cause contre le défendeur, son ex-conjoint de fait, dans le cadre d’une action en enrichissement injustifié. Le défendeur est par ailleurs l’unique administrateur et principal actionnaire des sociétés défenderesses. Après avoir tenté, en vain, d’exécuter son jugement, la demanderesse s’adresse à la Cour supérieure afin de faire déclarer inopposables des actes d’hypothèques consenties par certaines des sociétés défenderesses, en plus de demander la levée du voile corporatif.

Reprenant les enseignements de la Cour d’appel dans Duchesne c. Demers, la Cour supérieure accueille l’action de la demanderesse, déclare inopposable les actes d’hypothèques publiés sur les immeubles des sociétés défenderesses, et soulève le voile corporatif à l’encontre de l’ensemble de ces dernières.

Concernant la levée du voile corporatif, la Cour supérieure conclut que le défendeur étant seul administrateur des sociétés défenderesses, celles-ci avait nécessairement connaissance de ses intentions frauduleuses au moment de consentir les hypothèques. La Cour ordonne donc la levée du voile corporatif, afin d’éviter que des gestes abusifs soient posés par le défendeur, par l’entremise de sociétés ayant une personnalité juridique distincte, et au détriment de la créancière :

[49] Le défendeur et les sociétés mises en cause [sic] sont administrées [sic] par le même individu, alors le tiers n’est pas un tiers mais bien la même personne. Comment peut-on penser qu’il est de bonne foi ?

[50] Compte tenu de l’ensemble de ces facteurs, le Tribunal se doit de lever le voile corporatif et de reconnaître qu’Omer Laforest et ses entreprises ont la même personnalité juridique pour les fins des présentes.

[…]

[65] Le créancier en faveur duquel les hypothèques sont consenties doit avoir conscience de l’intention frauduleuse.

[66] En l’espèce, les hypothèques ont été consenties à la société défenderesse Machinerie Bromer, laquelle est unie par les liens juridiques avec le défendeur Laforest. Les quatre sociétés défenderesses ont toutes le même actionnaire dirigeant et administrateur commun, le défendeur Laforest.

[67] Le Tribunal conclut que la prise des hypothèques conventionnelles en faveur de Machinerie Bromer le fut par le défendeur en connaissance du préjudice que la demanderesse subirait.

[…]

[72] L’action en inopposabilité a pour but de protéger les créanciers de certaines manœuvres frauduleuses pouvant être entreprises sous le voile du chapeau corporatif.

[73] Après avoir entendu le témoignage du défendeur et lu les différents jugements rendus tant par des collègues de la Cour supérieure que ceux de la Cour d’appel étant intervenus dans le présent litige opposant la demanderesse Côté au défendeur Laforest, la levée du voile corporatif s’impose afin d’éviter que des gestes abusifs au détriment de la créancière Côté puissent être causés.


À noter qu’au départ, la créance de la demanderesse est exigible contre le défendeur personnellement, et non les sociétés défenderesses. Il ne s’agit donc pas du cas classique où le créancier tente de soulever le voile corporatif de la débitrice (généralement une personne morale insolvable) afin d’être en mesure d’exécuter son jugement contre son âme dirigeante personnellement.

No comments:

Post a Comment