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Friday 24 July 2015

ORDONNANCE BULLOCK et autres sujets d'intérêt général



Le 8 juillet 2015, la Cour d’appel a rendu un jugement dans un dossier de construction où SNC-Lavalin fut condamnée en première instance à payer des dommages-intérêts de 8 755 143 $ (SNC-Lavalin inc. c. Société Québécoise des infrastructures, et als., 2015 QCCA 1153). Suite à la construction d’une annexe à un établissement de la CSST à Trois-Rivières, il s’est révélé que la nouvelle construction s’enfonçait graduellement dans le sol parce que les fondations étaient inadéquates pour ce type de sol. SNC-Lavalin, responsable de la conception de la structure et des fondations, a été condamnée à payer des dommages-intérêts de 8 755 143 $.

Hormis la rectification d’une seule conclusion, la Cour a rejeté l’appel de SNC, laquelle avait soulevé au moins sept motifs d’appel.

En plus d’analyser l’appréciation des faits par la juge de première instance, la Cour d’appel traite en plus de sujets d’intérêt plus général, dont :

1.                  Le jugement est-il suffisamment motivé ? 

La Cour reconnait que les motifs auraient pu être plus persuasifs :

[34] En l’espèce, force est de reconnaître que la section du jugement intitulée « Analyse et décision », qui tient sur huit paragraphes, est plutôt succincte et un renvoi plus immédiat à la preuve acceptée au soutien des conclusions aurait contribué à renforcer le caractère persuasif des motifs.

Cependant, la Cour note que la juge de première instance a commenté la preuve et le bien-fondé des allégations des parties dans son résumé des faits. La Cour conclut donc qu’il est possible de comprendre les fondements du jugement et de le réviser dans le cadre d’un appel.

2.           Est-ce que le régime de responsabilité de l’article 2118 C.c.Q. s’applique à une firme de génie-conseil agissant par l’entremise d’une société par actions ?

Bien que SNC n’a pas inclus cet argument dans son mémoire, elle a plaidé que le régime de responsabilité de l’ingénieur qui dirige ou surveille les travaux ne peut pas s’appliquer à une société par actions. Sans décider si l’argument fut valablement invoqué en appel, la Cour le rejette néanmoins de façon catégorique.

[82] Certes, la Loi sur les ingénieurs confère aux membres de cette profession des actes exclusifs. Elle mentionne aussi qu’un ingénieur peut exercer ses activités professionnelles au sein d’une société par actions.[1] La loi ne va cependant pas jusqu’à prévoir que l’ingénieur agissant par l’entremise d’une personne morale est à l’abri de toute responsabilité professionnelle. Compte tenu des objectifs de l’article 2118 C.c.Q., la même logique s’impose – à plus forte raison – à l’égard d’une firme de génie-conseil qui pose des actes réservés sous le couvert d’un statut corporatif. La protection conférée par cette disposition vise au premier chef l’intérêt du client, peu importe le véhicule juridique utilisé pour accomplir l’acte professionnel à l’origine de la responsabilité alléguée. 

3.                  La juge a-t-elle erré en prononçant une ordonnance de type Bullock ?

La Cour rappelle que le pouvoir discrétionnaire conféré au tribunal par l’article 477 alinéa 1 C.p.c. lui permet d’émettre une ordonnance de type Bullock. Par le biais d’une telle ordonnance, le tribunal peut non seulement dégager le demandeur de sa responsabilité pour le paiement des frais et dépenses de certains défendeurs exonérés à l’issue du procès, mais peut aussi imposer cette responsabilité sur un autre défendeur, ce qui fut le cas ici. La Cour conclut que l’ordonnance Bullock rendue à l’encontre de SNC est le résultat d’un exercice acceptable du pouvoir discrétionnaire de la juge puisque la décision de poursuivre une pluralité de défendeurs était raisonnable et prudente.



[1] Loi sur les ingénieurs, RLRQ, c. I-9., art. 28.1.

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