Dans la décision Gagnon c. Ingénieurs (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 97, le
Tribunal des professions souligne le caractère modulaire du facteur de
dissuasion dans la détermination des sanctions en droit disciplinaire. En
effet, le Tribunal mentionne que celui-ci devra être plus ou moins pris en
compte selon le contexte particulier dans lequel s’inscrit l’infraction.
Le dossier concerne les actes d’une ingénieure
qui aurait, selon le Tribunal, « procédé à [un] stratagème de
falsification de bordereaux de dépôts » (para 10) en vue de créer une
« réserve budgétaire » à partir de laquelle le paiement des travaux
supplémentaires pouvait s’effectuer sans recourir au processus de directive de
changement (para 14). Ayant plaidé coupable devant le Conseil de discipline,
l’ingénieure considère néanmoins la sanction de 18 mois de suspension comme
étant trop sévère dans les circonstances. Selon ses prétentions, le Conseil
aurait « trop insisté sur l’exemplarité et la protection du public » et
pas assez sur l’absence de « conséquences matérielles » causées par sa
faute (para. 27).
Après avoir réitéré le rôle principal des
Conseil de discipline d’assurer la protection du public, le Tribunal énonce
qu’il est justifié de donner préséance à l’exemplarité de la sanction lorsqu’un
contexte de manquements déontologiques généralisés nécessite un son de cloche
particulier à l’ensemble de la profession :
[35]
Le Conseil pouvait également tenir compte que les ingénieurs ont vécu et
vivent toujours une période trouble et ainsi s’assurer que la sanction imposée
dissuade un autre professionnel d’agir comme l’a fait l’appelante.
[36]
Au sujet des raisons pouvant justifier le Conseil à mettre l’accent sur le
volet exemplarité, notre tribunal écrit dans Mercier c. Médecins (Ordre professionnel des) :
[35]
La décision du Conseil comporte un volet d’exemplarité et de dissuasion. Il
s’agit de l’un des objectifs reconnus dans le cadre de l’imposition d’une
sanction en droit disciplinaire. Le caractère exemplaire d’une sanction
n’est pas réservé aux cas où il y a lieu de faire cesser une pratique
généralisée ou lorsqu’une situation nouvelle pourrait devenir répandue chez les
pairs, à défaut d’envoyer un message à la communauté professionnelle.
[36]
La notion d’exemplarité trouve également son fondement dans la gravité de
l’infraction, dans son caractère répétitif et dans la nécessité d’assurer la
protection du public. À cet égard, le Conseil rappelle que l’effet dissuasif
et exemplaire d’une sanction ne doit pas être un concept statique et doit être
modulé à la lumière de l’évolution de la société et de la pratique de la
médecine. (…).
[37] Force est de constater qu’en l’espèce, le Conseil
détenait les éléments suffisants pour justifier de donner préséance à
l’exemplarité en imposant une radiation temporaire de 18 mois : les
infractions sont sérieuses, un système complexe et fort bien structuré a été
mis en place par l’appelante qui l’a utilisé pendant deux ans et la nécessité
de protéger le public en raison du fait qu’il s’agissait d’une pratique
courante dans la profession. (nos soulignements)
Bref, même si le caractère fautif
d’une pratique ne sera déterminé que par référence au caractère objectif de
celle-ci, la rigueur de la sanction dépendra de facteurs qui dépasseront parfois
les simples faits et conséquences du dossier lui-même. Que les professionnels
se le tiennent pour dit : il suffit d’être celui pointé du doigt pour risquer de
faire les frais de l’ensemble des adhérents d’une pratique blâmable.
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