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Friday, 18 November 2016

LE MARIAGE ENTRE L'INJONCTION ET LA MESURE DE SAUVEGARDE


Par Francis Legault-Mayrand

Dans Limouzin c. Side City Studios Inc., 2016 QCCA 1810 (« Limouzin »), la Cour d’appel vient baliser le pouvoir de la Cour supérieure d’émettre une mesure de sauvegarde prévue au paragraphe 158(8) CPC.

En Cour supérieure, les intimés ont intenté un recours en injonction provisoire, interlocutoire et permanente contre les appelants afin notamment de faire respecter des obligations de non-sollicitation de clientèles, d’employés et de consultants. La Cour supérieure a fait droit à la demande en injonction provisoire, laquelle fut reconduite à deux reprises.

Après l’expiration de la dernière injonction provisoire, les intimés ont renouvelé leur demande, mais cette fois-ci sous un véhicule procédural différent : la mesure de sauvegarde. En effet, en se fondant sur les articles 49 et 158 (8) CPC, les intimés ont demandé une mesure de sauvegarde d’une durée de trois mois pour faire cesser la sollicitation en question, ce qui fut octroyé par la Cour supérieure. C’est cette dernière décision qui a fait l’objet de l’appel dans Limouzin.

Voici ce qui attire notre attention à décision de la Cour d'appel. Malgré les arguments formulés par les parties, la Cour d’appel infirme la décision de première instance selon une analyse qui ne repose pas sur les quatre critères constitutifs applicables aux mesures de sauvegarde (i.e. l’urgence, l’apparence de droit, la balance des inconvénients et le préjudice sérieux et irréparable). Plutôt, la Cour d’appel fonde sa décision sur la nature et le rôle limité et particulier de la mesure de sauvegarde, soit de permettre aux parties de préparer leur dossier en vue de l’injonction interlocutoire : 

[55]      Néanmoins, lorsqu’il est question de prononcer une ordonnance de sauvegarde dans le cadre d’une instance en injonction, les références à l’article 49 C.p.c. ne me paraissent pas opportunes. En effet, ces références laissent faussement entendre que l’ordonnance de sauvegarde pourrait s’avérer être un remède hybride utile en sus de ceux spécifiquement prévus au chapitre de l’injonction, pour satisfaire les besoins des parties qui tardent à passer à l’étape de l’injonction interlocutoire. Or, tel n’est pas le cas.

[56]        À mon avis, envisager sous ce rapport les ordonnances de sauvegarde dans le cadre d’une instance en injonction constitue une erreur, et ce, pour la simple et bonne raison que le Code de procédure civile prévoit tous les remèdes applicables en cette matière.

[57]        En pareille matière, l’ordonnance de sauvegarde demeure un outil de gestion au sens de l’article 158 C.p.c. à la seule fin de permettre aux parties de passer rapidement de l’étape de l’injonction provisoire à celle de l’interlocutoire.

[58]        En ce sens, la jurisprudence de la Cour sous l’article 754.2 a.C.p.c me paraît toujours pertinente et d’application. Le mode d’emploi demeure le même. En dépit de ce que prévoit le paragraphe 158 (8) C.p.c. relativement à la durée maximale possible d’une ordonnance de sauvegarde valant mesure de gestion, j’estime que dans les instances en injonction, pareille ordonnance doit être de courte durée pour faire le pont jusqu’à l’interlocutoire. En somme, le tribunal doit veiller à ce que la sauvegarde ne devienne pas une injonction interlocutoire par défaut.

[59]      Lorsque le tribunal est appelé à rendre une ordonnance de sauvegarde dans le cadre d’une instance en injonction, ce ne peut être que pour permettre aux parties de compléter leur dossier en vue de passer rapidement à l’étape de l’interlocutoire, après avoir accepté un protocole de l’instance respectant les règles de proportionnalité et fixé la date de présentation de la demande en injonction interlocutoire. Ce n’est qu’après cet exercice de gestion qu’il peut se prononcer sur la mesure de sauvegarde recherchée.

[60]      Je suis conscient que cette voie pourra, en certains cas, se heurter à certaines pratiques ou contraintes d’ordre administratif. Mais il s’agit de la voie qui doit être suivie.

[61]      Le respect du droit d’être pleinement entendu doit prévaloir sur les contraintes administratives.

[62]      En l’espèce, le jugement dont il est fait appel prononce des ordonnances de sauvegarde qui ne peuvent être qualifiées de mesures de gestion au sens de l’article 158 C.p.c. En raison de sa durée, ce jugement s’apparente davantage à une injonction interlocutoire.

[63]      En acceptant de procéder comme il l’a fait, c’est-à-dire sans gérer le dossier ni fixer l’audition de la demande d’injonction interlocutoire, le Tribunal a compromis les droits des appelants Limouzin, Larouche et BLU. Pour ces derniers, le résultat est lourd de conséquences. Quatre mois après l’institution du recours, ils sont toujours contraints de suspendre leurs activités commerciales, alors qu’ils n’ont pas véritablement eu l’occasion d’être entendus, du moins comme ils auraient dû l’être s’il s’était agi d’une injonction interlocutoire.

[Nos soulignements.]

Cette décision revêt d’une importance à plusieurs égards. D’abord, elle illustre les rôles complémentaires, et non alternatifs, des injonctions interlocutoires (incluant la provisoire) et de la mesure de sauvegarde. Chacun a son rôle à jouer dans une instance en injonction.

Par ailleurs, nous croyons que cette décision vient consacrer un cinquième critère pour l’octroi d’une mesure de sauvegarde dans le cadre d’une instance en injonction, du moins implicitement. En effet, il n’est pas suffisant d’alléguer les quatre critères constitutifs de l’ordonnance de sauvegarde dans ce contexte. Au contraire, il faut de plus démontrer que la nature de l’ordonnance recherchée est celle d’une mesure de gestion visant à faire le pont entre l’injonction provisoire et l’injonction interlocutoire. 

Friday, 4 December 2015

URGENCY BY ANY OTHER NAME, or a useful review of the criteria for the issuance of safeguard orders from the Court of Appeal



In her September 21, 2015 post, Catherine McKenzie blogged about a decision granting leave to appeal from a safeguard order that had been issued in order to prevent a company from soliciting another company’s clients.  

At first instance, the Plaintiffs had not sought a provisional injunction (art. 753 C.c.p., valid for a maximum of 10 days), but rather directly requested an interlocutory and permanent injunction.

Then, shortly before the first date of presentation, the Plaintiffs served a request for a safeguard order.

The Defendants opposed the request for a safeguard order, arguing that the urgency criterion had not been met since Plaintiffs had known about the alleged wrongdoing for several months.

The first judge issued the requested safeguard order. He held, inter alia, that the urgency criterion for safeguard orders differed from the urgency criterion for provisional injunctions.

Justice Marie-Josée Hogue granted leave to appeal, notably on the basis of the first judge’s analysis of the urgency criterion for the issuance of safeguard orders.

As Catherine put it: “The Court of Appeal Will Decide If Urgency Means Urgency”.

The Court of Appeal has now rendered its decision and overturned the first instance judgement.

It appears that urgency does indeed mean urgency, and that this holds true for safeguard orders as well as for provisional injunctions!

In his reasons rendered from the bench, Justice Vézina states that under the guise of the safeguard order, the first judge in fact granted the interlocutory injunction sought by the Plaintiffs. Justice Vézina goes on to remark that calling the order a safeguard order meant that the 10 day limit applicable to provisional injunctions was ignored:

[4] Sous l’appellation d’ordonnance de sauvegarde, le juge de première instance a prononcé l’injonction interlocutoire recherchée par les demanderesses. Il a reproduit dans son jugement les conclusions mêmes de la requête. L’objectif d’une ordonnance de sauvegarde est la protection des droits de toutes les parties. Les conclusions du jugement protègent les droits des demanderesses, mais ne permettent pas de conclure que les droits des autres parties sont concrètement protégés.
[5L’appellation d’ordonnance de sauvegarde a pour conséquence que la limite légale de dix jours de l’injonction interlocutoire provisoire a été ignorée, et ce, au détriment des défendeurs. Heureusement, l’affaire doit être revue par la Cour supérieure dans les prochains jours alors que le dossier est maintenant plus complet et comprend entre autres des interrogatoires de diverses personnes intéressées. [emphasis added]

Justices Marcotte and Hogue wrote additional reasons, focusing on the urgency criterion for the issuance of a safeguard order.

They explain that a safeguard order under art 752.1 C.c.p.  is an exceptional discretionary measure that should only be granted with caution in urgent situations given that it is requested outside the normal procedural channels at a moment when the respondent party has not had a chance to fully present its position.

Justices Marcotte and Hogue emphasize the fact that a safeguard order must fulfill the same criteria as a provisional injunction, meaning urgency, apparent right, irreparable harm and balance of inconvenience:

[10]  Il paraît utile de rappeler que l’ordonnance de sauvegarde de l’article 754.2 C.p.c. est une mesure judiciaire, discrétionnaire, émise pour des fins conservatoires, dans une situation d’urgence, pour une durée limitée et au regard d’un dossier où la partie intimée n’a pas pu encore introduire tous ses moyens. Elle n’est prononcée que dans les cas urgents et exceptionnels.  Elle répond aux mêmes critères que l’injonction interlocutoire provisoire, à savoir l’urgence, l’apparence de droit, le préjudice irréparable et la balance des inconvénients[references omitted]

Justices Marcotte and Hogue recognize that urgency may arise from the need to maintain the status quo or the equilibrium between the parties. Nonetheless, they declare that the urgency criterion must be applied strictly and rigorously, since the hearing is held on the basis of an incomplete file, without the usual protections:

 [11]  Même s’il est vrai que, dans certaines circonstances, l’urgence peut également découler de la nécessité de maintenir le statu quo ou l’équilibre des parties durant l’instance, le critère de l’urgence doit néanmoins être apprécié de manière stricte et rigoureuse, puisque l’affaire procède de manière sommaire sur la base d’un dossier incomplet et que l’ordonnance de sauvegarde n’offre pas les garanties juridiques habituelles.  C’est ce qu’a souligné la Cour dans 176283 Canada inc. c. St-Germain:

[9]      Dans pareil contexte, et précisément parce que le véhicule procédural n'offre pas les garanties juridiques usuelles, les critères de l'urgence et du préjudice irréparable revêtent une grande importance, car c'est par eux que se justifie qu'on procède de manière sommaire à la délivrance de l'ordonnance de sauvegarde. Ce n'est pas dire que l'apparence de droit et la prépondérance des inconvénients soient sans intérêt, ce qui n'est évidemment pas le cas, mais l'absence d'urgence ou l'absence de préjudice irréparable (c'est-à-dire grave), à eux seuls, militent ordinairement contre la délivrance d'une telle ordonnance (on renverra alors les parties à l'interlocutoire ou au fond), tout comme l'urgence et la présence d'un préjudice grave militent en faveur d'une telle ordonnance.
[je souligne]
[references omitted, the Court of Appeal’s emphasis]

A safeguard order must not be used to bypass the requirements for a provisional injunction, though the judge may consider the need to maintain the status quo or to re-establish the equilibrium between the parties:

[12De la même façon, s’il est vrai que la nécessité de maintenir le statu quo ou de rétablir l’équilibre entre les parties durant l’instance peut être considéré par le juge saisi d’une demande d’ordonnance de sauvegarde dans certaines circonstances, ce ne doit pas être l’occasion de court-circuiter les exigences requises pour l’émission provisoire d’une injonction interlocutoire et d’éviter les conditions d’un tel octroi, tel que le signalait le juge Delisle dans la décision Aubut c. Québec (Ministère de la Santé et des Services sociaux) :
[6] Le simple fait de signifier une procédure d'injonction n'entraîne pas le droit à des ordonnances de sauvegarde. Ce serait là court-circuiter les exigences requises pour l'émission provisoire d'une injonction interlocutoire et éviter les conditions d'un tel octroi.
[7]Il est encore moins question de présenter tout simplement un dossier incomplet pour enclencher le droit à une ordonnance de sauvegarde

[references omitted]

In other words, litigants cannot use safeguard orders to circumvent the urgency criterion of provisional injunctions, i.e. do indirectly that which they cannot do directly.

Finally, Justices Hogue and Marcotte remind us that safeguard orders are not an obligatory step in injunction proceedings and that treating them as such is a departure from their intended purpose:


[13] La Cour n’a d’ailleurs pas manqué de souligner la fâcheuse tendance qu’ont les plaideurs de considérer l’ordonnance de sauvegarde comme « une étape obligée dans le cheminement d’un dossier ». Le juge Morissette a également dénoncé cette tendance en signalant qu’elle avait pour effet « de détourner la procédure de sauvegarde de sa finalité d’origine et de la traiter comme une procédure d’injonction interlocutoire avant la lettre ».

Monday, 21 September 2015

SAFEGUARD ORDERS: The Court of Appeal Will Decide If Urgency Means Urgency



Catherine McKenzie

On September 16, 2015, the Court of Appeal – new Justice Marie-Josée Hogue – granted leave from a safeguard order that had been issued to prevent a company from soliciting another company’s clients in Industries V-Tech inc. (Industries Play-Tech inc.) v. Cast Steel Products (Canada) Ltd., 2015 QCCA 1471. 

The Plaintiffs had chosen not to present a provisional injunction, filing only a request for an interlocutory and permanent injunction. The day before the first date of presentation, they served their request for a safeguard order. The Defendants argued that it should not be granted, inter alia, because the urgency criteria was not met: they Plaintiffs had known about the alleged wrongdoing for months. That argument was dismissed by the first instance judge:

[1] Le premier juge a rejeté cet argument et, aux paragraphes 31 à 34 de son jugement, a exprimé clairement l’idée que la notion d’urgence aux fins de l’émission d’une ordonnance d’injonction provisoire et aux fins de l’émission d’une ordonnance de sauvegarde n’est pas la même. Pour lui l’urgence aux fins de l’émission d’une ordonnance de sauvegarde est le fait qu’il est nécessaire pour le tribunal d’agir afin de sauvegarder les droits de toutes les parties pendant qu’elles attendent d’être entendues au stade interlocutoire. Eu égard à la demande d’interroger Farès et d’obtenir des précisions sur certaines allégations, il s’est dit d’avis que rien n’exige que les personnes visées par une telle demande aient l’opportunité de « compléter » le dossier et, au contraire, que de leur reconnaître ce droit conduirait à un résultat absurde puisque de telles ordonnances sont justement émises en attendant que le dossier soit complet.

In deciding whether to grant leave, Justice Hogue noted that a safeguard order is one that is appealable with permission if the appropriate criteria are met:

[9] Cette ordonnance, qui expirera le 24 novembre 2015, est de la nature d’une injonction interlocutoire provisoire et elle peut techniquement faire l’objet d’un appel aux termes de l’article 29 C.p.c. puisqu’elle « ordonne que soit faite une chose à laquelle le jugement final ne pourra remédier. » Ceci n’est toutefois pas suffisant pour que la permission demandée soit dès lors accordée. Il faut en effet que les fins de la justice requièrent d’accorder la permission, tel que l’exige l’article 511 C.p.c. Or, généralement les fins de la justice requièrent rarement que la permission soit accordée puisque, notamment, de telles ordonnances sont émises pour une durée limitée et sont de caractère discrétionnaire.

Although leave is almost never granted for safeguard orders, she felt that this case was an exceptional one given “notamment en regard du critère de l’urgence à satisfaire dans le cadre d’une demande d’ordonnance de sauvegarde.” (para. 14)

Should this alternative idea of urgency be accepted by the Court of Appeal, it would be a departure from the existing caselaw that the criteria for a safeguard order and a provisional injunction (the regular injunction criteria, plus urgency) are the same. To find otherwise would, in my view, enable litigants to do indirectly what they cannot do directly, i.e. circumvent the urgency criteria by not filing a provisional injunction first and merely proceeding to a safeguard motion.

Of note, art. 754.2(3) CCP—which is the authority for safeguard orders in an injunction context in the present CCP and is in the injunction section—appears to have been replaced by the more general art. 49 CCP in the CCP that is about to come into force. It provides that a court may “at any time and in all matters, even on their own initiative, grant injunctions or issue orders to safeguard the parties’ rights for the period and subject to the conditions they determine.”