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Friday, 24 June 2016

Contesting Testamentary Capacity and the Admissibility of Confidential Medical Evidence – the Quebec Court of Appeal Weighs In


By Emma Lambert

In the recent case of Pagé v. Henley (Succession de), 2016 QCCA 964, the Quebec Court of Appeal addressed the admissibility of confidential medical evidence in the context of an action to set aside a notarial will.[1]

The facts of the case were relatively simple: the Appellant had taken an action to set aside a notarial will which had been signed by her 97-year-old mother just days before being hospitalized and subsequently diagnosed with Alzheimer’s disease. Pursuant to the disputed will, in addition to naming her son liquidator, the testator had left all of her property to her son (the Appellant’s brother), who had been living and caring for his mother at the time that the will was signed.

After instituting proceedings, the Appellant had obtained complete copies of her mother’s medical records from various medical institutions. In first instance, the trial judge excluded this medical evidence, as well as the medical expertise that relied upon it, as he concluded that it violated professional secrecy and had been illegally obtained in contravention of section 23 of the Act Respecting Health Services and Social Services. In the absence of the medical evidence and expertise, the trial judge had found that the Appellant had not met her burden of demonstrating her mother’s testamentary incapacity on a prima facie basis and had dismissed the Appellant’s action.

On appeal, the Court of Appeal disagreed with the trial judge’s analysis. The Court of Appeal confirmed that the medical records and expertise should have been admitted into evidence and highlighted the distinction to be drawn between the treatment of this evidence in an extrajudicial and a judicial context:

[28] Dans l’arrêt Frenette c. Métropolitaine (La), compagnie d’assurance-vie[2], la Cour suprême a établi une distinction importante entre la situation prévalant dans un contexte extrajudiciaire et celle qui survient dans un contexte judiciaire lorsqu’il s’agit de déterminer l’étendue de la protection accordée aux renseignements confidentiels contenus dans les dossiers médicaux:

Toutefois, à l'exception de ces cas où l'accès est clairement permis, l'étendue de la protection accordée aux renseignements confidentiels et son corollaire, l'obligation imposée à ceux qui détiennent ces renseignements, varient selon le contexte dans lequel on invoque le droit à la confidentialité pour empêcher la divulgation de renseignements. Cette variation découle des différents principes et droits dont il faut tenir compte en déterminant si les renseignements, dont la divulgation est demandée, devraient demeurer confidentiels (voir, par exemple, Andrée Lajoie, Patrick A. Molinari et Jean-Marie Auby, Traité de droit de la santé et des services sociaux (1981), à la p. 256; Yves-Marie Morissette et Daniel W. Shuman, « Le secret professionnel au Québec: une hydre à trente-neuf têtes rôde dans le droit de la preuve » (1984), 25 C. de D. 501; Léo Ducharme, « Le secret médical et l'article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne » (1984), 44 R. du B. 955, aux pp. 959 et 960). En conséquence, dans un contexte extrajudiciaire, le respect de la vie privée du particulier constitue le principe majeur qui sous-tend l'obligation d'un professionnel ou d'un hôpital de garder secrets leurs dossiers médicaux. Un tribunal est donc en droit, dans ces circonstances, d'interpréter d'une façon libérale l'obligation générale de non-divulgation imposée aux hôpitaux et aux professionnels de la santé, et d'une façon stricte toute violation du droit à la confidentialité.

Par contre, dans un contexte judiciaire, l'obligation de confidentialité qui incombe aux hôpitaux et l'obligation d'observer le secret professionnel qui incombe à des personnes comme les médecins se transposent en un privilège relatif à la preuve. Cela peut engendrer un conflit entre le droit au respect de la vie privée d'un particulier et les autres principes de justice fondamentale comme la contraignabilité, la divulgation de faits substantiels, le droit à une défense pleine et entière ainsi que la recherche de la vérité. En conséquence, il faut déterminer l'étendue des renseignements protégés par la confidentialité en tenant compte des intérêts divergents en présence. Les commentaires suivants des professeurs Royer et Ducharme, quoiqu'ils portent sur le secret professionnel, illustrent cette position. Bien que le concept du secret professionnel puisse avoir des fondements et des sources différents, comme la Charte et le Code de déontologie, bon nombre de ses principes sous-jacents sont similaires. Ainsi, les principes développés par la jurisprudence et la doctrine s'appliquent par analogie à la question de la confidentialité des dossiers hospitaliers.[3]

[Reproduction intégrale]

[29] Dans cet arrêt Frenette, la Cour suprême énonce que le critère applicable dans un contexte judiciaire est celui de la pertinence de la preuve et de l’importance des renseignements sollicités par rapport à la question en litige[4]. Selon la Cour, un juge sera « fortement enclin » à permettre l’accès aux dossiers médicaux dans le cas où l’état de santé du titulaire du privilège constitue la principale question en litige et où il n’existe pas d’autres moyens pour une partie de prouver ses prétentions[5].

The Court of Appeal stated that since the medical records in question were being used in a judicial context, their admissibility should have been determined on the basis of relevance and the importance of these records to the issues in dispute. Since the central issue in dispute was the testator’s capacity, the Court of Appeal affirmed that the medical records were indispensable and should have been admitted into evidence.

The Court of Appeal then turned to the question of whether the right to privacy and the right to the non-disclosure of confidential information enshrined in sections 5 and 9 of the Quebec Charter of Human Rights and Freedoms precluded the medical records – and the testimony of the medical professionals who had treated the testator – from being admitted into evidence.

Citing Justice Baudouin’s reasons in the case of D.(M.) c. D.(L.)[6], which dealt with the access to information contained in the confidential records of the director of youth protection, the Court of Appeal noted the distinction between the concept of confidentiality and the concept of professional secrecy:

Par contre, le raisonnement du D.P.J. à l'appui de son refus de permettre à l'appelant d'utiliser les renseignements au dossier ne me paraît pas juste en droit. Il plaide, en effet, l'analogie avec le secret professionnel et prétend qu'il est le détenteur du « secret professionnel » de l'enfant et, donc, que ni lui, ni un autre ne peut le transgresser sans en être explicitement relevé. Dans ce cas-ci, plaide-t-il, ce serait, vu le jeune âge de l'enfant, par l'appelant lui-même, comme si l'appelant était détenteur de ce secret!

Avec respect, il me paraît confondre deux notions, proches l'une de l'autre, mais pourtant distinctes en droit, soit le secret professionnel et la confidentialité. Si le premier contient toujours, par nature, la seconde, l'inverse n'est pas vrai, en ce sens que l'obligation de confidentialité n'est pas exclusivement tributaire de l'existence d'un secret professionnel. Elle peut, en effet, exister en dehors de ce strict contexte. Le secret professionnel s'incarne seulement dans une relation professionnelle (avocat-client, médecin-patient, etc.) qui est totalement absente en l'espèce. Le D.P.J. ne peut donc prétendre détenir le secret professionnel de personne. Par contre, il reste évidemment tenu à une obligation de confidentialité que lui impose la loi à l'égard de tous.

Le problème n'en est donc pas un de protection d'un prétendu secret professionnel, mais plutôt de préservation de la confidentialité des renseignements à l'égard des tiers.[7]

Based on this reasoning, the Court of Appeal determined that the trial judge had erred in excluding the medical records, and the testimony of the individuals who had treated the testator, on the basis of professional secrecy. In so doing, the Court of Appeal recalled that Quebec Courts have adopted a narrow interpretation of professional secrecy for professions other than lawyers and notaries – an approach which was confirmed by the Supreme Court in Frenette c. Métropolitaine (La), compagnie d’assurance-vie.

The Court of Appeal concluded that in light of its necessity and probative weight, the medical evidence – and the expertise that was based on it – adduced by the Appellant was indeed admissible and established on a prima facie basis that the testator was incapable at the time she had signed her will.

Ultimately, after carefully reviewing the testimony and evidence in the record, the Court of Appeal determined that the Respondent had been unable to successfully present a convincing counter-proof to establish the testator’s consent and the validity of the will and therefore allowed the appeal.




[1] It should be noted that the action also sought the nullity of a will made in the presence of a witness as well as a mandate in the case of incapacity.
[2] Frenette c. Métropolitaine (La), compagnie d’assurance-vie, 1992 CanLII 85 (CSC), [1992] 1 R.C.S. 647.
[3] Ibid., p. 674-676.
[4] Ibid., p. 685. Voir aussi : Glegg c. Smith & Nephew Inc., 2005 CSC 31 (CanLII), [2005] 1 R.C.S. 724, paragr. 21, p. 736; Fédération des infirmières et infirmiers du Québec c. Hôpital Laval, 2006 QCCA 1345 (CanLII), [2006] R.J.Q. 2384 (C.A.), paragr. 24, p. 2389.
[5] Frenette c. Métropolitaine (La), compagnie d’assurance-vie, arrêt précité, note 10, p. 686.
[6] D.(M.) c. D.(L.), 1998 CanLII 12825 (QC CA), [1998] R.J.Q. 1366 (C.A.).
[7] Ibid., p. 1375.

Friday, 8 April 2016

Les héritiers sont-ils à l’abri de tout recours trois ans après la décharge du liquidateur de la succession?

Une héritière peut-elle être poursuivie plus de trois ans après la décharge du liquidateur de la succession?

Voici la question sur laquelle devait se pencher le tribunal dans le cadre de l’affaire André J. Lessard et Associés inc. c. Bélanger, 2016 QCCS 1161.

Le tribunal était saisi d’une requête en irrecevabilité de la défenderesse en arrière-arrière-garantie dans une cascade de recours en garantie dans un dossier de vices cachés.

Le vice allégué, était, comme bien souvent dans ce genre de dossier,  la présence de contaminants pétroliers dans un immeuble dans lequel il y avait eu des réservoirs souterrains.

La requérante, poursuivie à titre d’héritière, plaidait que même en prenant les allégations pour avérées, le recours contre elle était prescrit depuis 1998 en application de l’article 816, al. 2 C.c.Q. car la décharge du liquidateur de la succession a eu lieu en 1995. 

L’article 816 C.c.Q. est ainsi libellé :
816. Les créanciers et légataires particuliers qui, demeurés inconnus, ne se présentent qu'après les paiements régulièrement effectués, n'ont de recours contre les héritiers qui ont reçu des acomptes et contre les légataires particuliers payés à leur détriment, que s'ils justifient d'un motif sérieux pour n'avoir pu se présenter en temps utile. 

En tout état de cause, ils n'ont aucun recours s'ils se présentent après l'expiration d'un délai de trois ans depuis la décharge du liquidateur, ni aucune préférence par rapport aux créanciers personnels des héritiers ou légataires.

Le tribunal rejette la requête en irrecevabilité selon deux arguments, dont le deuxième a un intérêt plus large que le premier.

Le premier argument veut que le certificat de décharge de Revenu Canada ne démontre pas que le liquidateur a obtenu sa décharge conformément au Code civil du Québec en 1995. Une telle décharge ne serait possible qu’après une publication dans le Registre des droits personnels et réels immobilier de l’avis de clôture du compte du liquidateur.

Le deuxième argument tient pour acquis que la décharge du liquidateur a eu lieu en 1995 et porte sur la question substantive de l’application du deuxième alinéa de l’article 816 C.c.Q. en matière de vices cachés.

Malgré une décision de la Cour supérieure venant à la conclusion contraire, le tribunal tranche que comme le droit des demandeurs en arrière-arrière-garantie n’est né que lorsqu’ils ont été eux-mêmes poursuivis, ils ne pouvaient avoir perdu ce droit en 1998, trois ans après la décharge du liquidateur. 

Le juge Ouellet s’exprime comme suit, mettant l’emphase sur le principe de la transmission des droits et obligations du défunt aux héritiers:

[32]  L’obligation de garantie de qualité du bien vendu dont le de cujus était le débiteur fait partie de son patrimoine. À son décès ce patrimoine est transmis à ses héritiers qui continuent ensuite sa personnalité juridique, sous la réserve introduite en 1994 qu’ils ne peuvent être tenus de payer à ses créanciers plus que la valeur de ce qu’ils ont reçu  L’idée que par l’effet de l’article 816 C.c.Q. l’obligation de garantie de qualité du bien vendu soit par la suite éteinte après un délai de trois ans, avant même que le droit du créancier d’y recourir ne soit né, tranche fortement avec le régime de transmission de droits et obligations du défunt élaboré par le législateur. Avec égard pour l’opinion contraire, pour conclure que c’est là l’intention du législateur, le Tribunal estime qu’il faudrait retrouver des indications claires en ce sens qui sont absentes du libellé de l’article 816 C.c.Q. [soulignements ajoutés]

Jusqu’à la fin de l’année 2015, peu de décisions interprétaient le 2ème alinéa de l’article 816 C.c.Q.

Dans son analyse dans cette affaire, le tribunal s’appuie notamment sur l’article de la professeure Christine Morin dans Christine MORIN , « Chronique - Les recours des créanciers et légataires particuliers impayés et la barrière de l’article 816 C.c.Q. », dans Repères, Septembre 2013, EYB2013REP1410 , ainsi que sur la décision récente du juge Laporte dans l’affaire Grenier c. Fritz (Succession de), 2015 QCCQ 14614 (CanLII), portant sur des faits similaires.

Bien que l’analyse de l’article 816 C.c.Q. sous l’angle du moment de la naissance de la créance avalisée par le juge Ouellet soit fort intéressante,  cette approche a des implications graves pour les héritiers, susceptibles d’en prendre plusieurs au dépourvu.

Comme le démontre cette affaire, par l’effet de la conjugaison de la garantie de qualité du bien vendu et du droit des successions, les héritiers peuvent devoir faire face à des poursuites pour des montants importants, des années après avoir reçu leur héritage et encore plus longtemps après la vente d'un bien dont ils peuvent tout ignorer.

Sur ce point, notons que dans cette affaire le lien entre la requérante et l’immeuble concerné par le litige était fort distant; la requérante était l’héritière de l’héritier (décédé en 2011) de celle (décédée en 1995) qui avait, en 1979, vendu l’immeuble de son vivant.

Il semble donc que même plus de trois ans après la décharge du liquidateur, les héritiers ne sont pas à l'arbri de recours en vices cachés. Voici un élément additionnel à considérer avant de dépenser des sommes reçues en héritage!


Friday, 29 January 2016

REFER IF YOU MUST BUT KNOW YOUR REFERRAL

by Janet Michelin**

At some point in their practice, most lawyers have recommended other professionals or service providers to their clients. But are we liable if the person we recommended is negligent, or worse, a fraudster? The Court of Appeal examined that question in Harris (Succession de), 2016 QCCA 50. The Court upheld the trial judge’s decision that the lawyer had not committed a fault in recommending that his Estate client engage the services of an estate administrator, Earl Jones, who later defrauded the Estate. Full disclosure: I acted for the Respondent attorney and law firm in this case.

The Deceased Harris passed away in July 2007. In October 2007, the relatively inexperienced liquidator of the Estate consulted the Respondent attorney and mandated him to act on the Estate’s behalf. On October 24, 2007, in an effort to save the Estate legal fees for the relatively straightforward administration of the Estate, the attorney recommended that the liquidator engage the services of Earl Jones to assist him with the Estate administration. On December 12, 2007, the liquidator mandated Earl Jones to handle all administrative matters for the Estate, notably collecting the remaining Estate funds, paying the debts and distributing the assets to the heirs, the Deceased’s two young adult sons, both of whom who were intellectually disabled.

In June 2009, 21 months after the attorney’s recommendation, the liquidator discovered that Earl Jones had defrauded the Estate, as well as his many other clients. The attorney had no knowledge or suspicion of Earl Jones’ fraudulent activities. The Estate lost $243,297.

The issue was whether the attorney who recommends someone he believes is honest and competent to an inexperienced client is liable for the fraud committed by the person he recommended. The Court of Appeal confirmed that the lawyer’s obligation in recommending another professional or service provider to a client is one of means. The standard is one of a competent, prudent and diligent lawyer.

In recommending someone to a client, especially an inexperienced one, the lawyer must act diligently. The Court stated:

[20] …Dans ce contexte, la recommandation formulée par l’avocat a d'autant de poids que le client est sans expérience. Si l’avocat ne cautionne pas pour autant les actions que pourrait poser la personne-ressource qu’il recommande, il doit néanmoins faire preuve de diligence lorsqu’il formule sa recommandation. Celle-ci ne doit pas être faite à l’aveuglette. Elle doit reposer sur une certaine connaissance de la personne recommandée. 
[21] Dans le jugement entrepris, l’accent est mis sur le fait que les manœuvres frauduleuses n’étaient pas connues de l’avocat au moment où celui-ci a formulé sa recommandation. Ce constat est exact, mais l’analyse de la faute est incomplète. Bien sûr, il importe de savoir que l’intimé ne connaissait rien de la face cachée d’Earl Jones, mais il faut s’attendre à plus du professionnel qui réfère un client à une autre personne pour exécuter une partie du mandat que ce dernier comptait lui confier ou pour assurer certains services. Son obligation, faut-il le rappeler, n’en est toutefois pas une de résultat, mais de moyens dans ces circonstances. 
[22] … L’avocat qui, comme en l’espèce, recommande de consulter une autre personne doit avoir la conviction que cette personne est compétente pour remplir adéquatement le mandat dont il est question. Sa conviction doit reposer sur une connaissance raisonnablement éclairée de la personne recommandée. En cette matière, tout est affaire de circonstances. 
[23] Il demeure néanmoins qu’il appartenait à l’appelante de prouver que l’avocat a été négligent, qu’il a failli à son obligation de moyens. Il ne s’opère pas de renversement de fardeau de preuve du seul fait que le client établit que les services rendus par le tiers recommandé se sont avérés insatisfaisants ou, comme en l’espèce, désastreux. 
[25] L’intimé connaissait peu, il est vrai, M. Jones, sinon par sa réputation qui, jusque-là, était sans tache. Sa perception favorable de ce dernier reposait sur l’opinion exprimée par quelques personnes ou clients qui avaient témoigné de leur satisfaction ou qui avaient eu une expérience heureuse en faisant affaire avec lui dans le passé. Dans un cas, sa référence remontait à plusieurs années, mais dans un autre, l’information était plus contemporaine à sa recommendation. [...] 
[27] L’avocat ne savait évidemment rien, à l’époque où il donne son conseil et formule sa recommandation, de ce qui allait être découvert par la suite et n’avait aucune raison de soupçonner sa malhonnêteté. Les manœuvres frauduleuses d’Earl Jones furent éventuellement mises au jour, mais, malheureusement, non avant que ce dernier eût causé un préjudice sérieux à la Succession et ses légataires. 
[28] L’intimé, consulté par le liquidateur inexpérimenté de la Succession de feu Ralph Harris, dont les légataires étaient vulnérables compte tenu de leurs limitations intellectuelles, n’a pas commis de faute engageant sa responsabilité en recommandant au liquidateur initial de la Succession de faire appel aux services d’Earl Jones pour l’assister dans l’administration de celle-ci. Sans doute l’avocat aurait pu mettre à jour ses informations sur la qualité des services de M. Jones, mais rien n’indique dans la preuve que, l’eût-il fait, il aurait appris autre chose que ce qu’il connaissait des services que rendait ce dernier en matière d’administration de successions. Il faut éviter ici de juger du conseil de l’avocat et de sa recommandation à la lumière des faits découverts subséquemment. [...] 
[30] Le conseil que l’intimé prodigue au liquidateur de la Succession de s’adjoindre, à moindre coût que celui d’un avocat, les services d’une firme spécialisée dans l’administration courante d’une succession, est, en soi, judicieux. Bien qu’une autre recommandation eût pu être tout aussi appropriée, sinon davantage, la responsabilité du professionnel qui, de bonne foi et de manière tout à fait désintéressée, formule la recommandation de consulter une ressource spécialisée qui lui paraît mieux adaptée dans les circonstances et dont la réputation était, jusque-là, irréprochable, n’est pas pour autant engagée.

**Please note that Janet Michelin was the lawyer representing the Respondent in this file.

Friday, 14 August 2015

ESTATES: The Court of Appeal refuses to apply the doctrine of abuse of rights



In G.B. v. Si. B. (2015 QCCA 1223), the Court of Appeal addressed the question of whether the doctrine of abuse of rights applied to the right to dispose of one’s property by will.

The Deceased disinherited his two daughters and one son. The two daughters claimed that he sexually assaulted them and his son took a neutral position with respect to the allegations. The children sued the estate, alleging that by disinheriting them, their father had exercised his rights abusively and in contravention of Articles 6 and 7 of the Civil Code of Quebec.

The Superior Court dismissed their claim, holding that their father had a right to choose to whom he left his estate, the source of which was a trust that had been established by his grand-father in the 1920s and which gave the beneficiaries the right to choose to whom they left their shares. On the issue of abuse of rights, the trial judge held that even if the evidence showed there may have been sexual abuse, the Deceased’s choice to disinherit 3 of his children did not violate the law or public order. He made the decision several years after the accusations were made and well after the relationship with the 3 children in question had deteriorated. Accordingly, the trial judge found that they were disinherited at least in part because of their poor relationship with their father in the years before his death rather than strictly out of vengeance. The Deceased was therefore not in bad faith.
The Court of Appeal agreed. The Court of Appeal confirmed that the freedom to dispose of one’s property by will is almost unlimited, with few exceptions other than the prohibition against illegal clauses or public order. To derogate from the principle of the freedom to will, which includes the right to revoke previous testamentary dispositions, one would have to find that a law had been violated which was not the case here.
The Court stated :
[47] En d’autres mots, on peut comprendre la conduite des appelants si l’on tient compte du témoignage des deux sœurs. Par contre, cela ne change en rien la liberté qu’avait R... B... de tester comme il le voulait, sans avoir à se justifier. L’état des relations ne devenait qu’une explication, sans devoir être une justification. En d’autres mots, tout comme l’on ne peut forcer quelqu’un à donner à quiconque, on ne peut davantage le forcer à tester (autrement dit à procéder à une donation à cause de mort) en faveur de qui que ce soit.
On the power to appoint (“la faculté d’élire”), the constituting act (the Deceased’s grandfather’s trust) clearly gave the deceased the power to exclude some of his descendants. Since there was nothing in the constituting act or in the Deceased’s will that violated public order or was illegal, he had exercised his discretion appropriately in disinheriting his children.

The Court of Appeal then turned to the question of whether the Deceased had abused his rights. 

The appellants argued that the trial judge erred in finding that their conduct justified their being disinherited because, having been abused, it was impossible for them to have had a good relationship with their father. They also argued that since the trial judge concluded that they had been abused, the only reason that could have motivated their father to disinherit them was vengeance, which was necessarily an abusive and bad faith exercise of his rights.

The Court of Appeal dismissed this argument since the Deceased had no obligation to justify his decision to disinherit them. The Deceased could have, at any time after disinheriting them and prior to his death, put them back in his will but he did not because of the poor relationship. This demonstrated that there was no bad faith.

Even on the standard of the unreasonable exercise of a right, the trial judge’s conclusions of fact (i.e. that the accusations of sexual assault were not the only reason the Deceased disinherited the appellants) meant that the Deceased acted reasonably.

The Court of Appeal nonetheless went on to decide whether the theory of abuse of rights could even apply to the freedom to will and the power to appoint.

The Court cited professor Paul-André Crépeau in Houle c. Banque Canadienne Nationale :

[80]    (…)

Il s'agit essentiellement de reconnaître qu'un droit, quelle qu'en soit la source, ne saurait être absolu. Tout droit a une finalité propre; il est concédé en vue de la satisfaction d'impératifs sociaux ou de besoins économiques et non pas pour l'assouvissement des instincts de vengeance ou de méchanceté. C'est dans cette perspective que l'on doit envisager l'exercice des droits contractuels. Un ordre juridique, pâle reflet de l'ordre moral, doit certes souffrir l'égoïsme; il ne saurait en tout cas tolérer la malice.

The Court of Appeal noted that there was no contractual right in question in the case at bar and that the freedom to will and power to appoint were discretionary in nature. The Houle decision cautioned against applying the doctrine of abuse of rights to discretionary powers.
Baudouin, Deslauriers and Moore stated:

[86] […] [U]ne nuance doit également être apportée pour l’exercice, de plus en plus rare de nos jours, d’un droit purement discrétionnaire. A priori ces droits n’étant soumis à aucun contrôle devraient être à l’abri de l’abus de droit. On peut ainsi penser à la liberté illimitée de tester, au droit de demander le partage, de renoncer ou d’accepter une succession ou les bénéfices d’un régime matrimonial. […]

Ainsi défini, le domaine de l’abus des droits est plus restreint qu’il n’apparaît à première vue. Il n’existe donc, à notre avis, que dans l’hypothèse où le détenteur d’un droit subjectif, dont l’exercice n’est pas purement discrétionnaire, cause un préjudice à autrui, en exerçant ce droit sans, pour autant, en dépasser les limites législatives.

The Court concludes :
[91] En somme, la théorie de l’abus de droit impose d’agir de bonne foi et de ne pas utiliser son droit de manière à nuire à autrui. Or, en ce qui a trait à la liberté de tester, comment peut-on agir de manière à nuire à un tiers lorsque ce dernier n’a pas de droit à faire valoir? La notion de préjudice peut difficilement se concevoir lorsque ce préjudice consiste à être privé d’une succession à laquelle on n’a aucun droit, même si l’espoir est présent. Il y aurait « préjudice » dès lors qu’un successible serait exclu de la succession de son parent. Or, il ne peut en être ainsi étant donné la liberté de tester.
[92] Par ailleurs, en ce qui concerne la faculté d’élire, on pourrait peut-être dire que, étant donné la substitution, il y aurait ici plus qu’un simple espoir, vu ce que l’on pourrait appeler un « droit éventuel aux biens substitués » (art. 1235 C.c.Q.). Par contre, en l’espèce, le droit éventuel des appelants ne suffirait pas pour contrecarrer la décision prise par leur père. Sa faculté d’élire et la liberté de choix dont elle est assortie fragilisent d’autant la capacité des appelants d’intervenir dans ce choix, de sorte que leur situation se rapproche bien davantage du simple espoir que d’un droit véritable.
[93] Il ne peut y avoir préjudice dès qu’une personne est exclue. Comment le législateur aurait-il alors pu autoriser, par l’article 1283 C.c.Q., l’exercice d’un tel droit discrétionnaire (« comme il l’entend / as he sees fit ») s’il pouvait toujours être qualifié de « préjudiciable »?

Friday, 24 July 2015

ESTATES: Whose fees get paid out of the estate?





In my estate practice, I am frequently consulted by beneficiaries of estates who are contemplating or who are involved in estate litigation. When I explain to them that the liquidators of the estate will be permitted to charge their legal fees to the estate in the context of such litigation, the beneficiaries are always surprised and frustrated since, from their perspective, this means that not only are they responsible for their own legal fees, but they are indirectly responsible for the adverse parties’ legal fees as well.

Unfortunately for them, the Court of Appeal has recently confirmed that as long as the liquidators’ legal position is not abusive, their legal fees can be paid out of the estate patrimony and the beneficiaries’ legal fees will not be.

In Vincent v. Dufresne, 2015 QCCA 966, after deciding in favour of the Defendant spouse of the Deceased, the Superior Court held:

[159] Sans qualifier les procédures ainsi intentées d'abusives et de répétitives, le Tribunal considère qu'il serait inapproprié que madame Dufresne assume, non seulement les honoraires qu'elle doit encourir pour sa défense, mais également le tiers des dépenses encourues par les demandeurs à titre de liquidateurs.

[160] L'article 789 du Code civil du Québec prévoit que le liquidateur a droit au remboursement des dépenses effectuées dans l'accomplissement de sa tâche.

[161] À ce sujet, la Cour d'appel, dans un arrêt prononcé par le 5 février 2013, s'exprime ainsi aux paragraphes 13 et 14 :

[13]  La procédure ayant été intentée au bénéfice de tous les héritiers, les frais extrajudiciaires encourus de bonne foi pour éclaircir une situation juridique peuvent être imposés à la succession (Brodie Succession de, J.E. 1989-1185 (C.A.)).

[14] Plus récemment, dans l’affaire Follows c. Follows, 2012 QCCA 1128, la Cour réitérait que les frais judiciaires et extrajudiciaires du liquidateur entrent dans la catégorie des dépenses qui lui sont remboursables par la succession en vertu de l’article 789 C.c.Q., sauf lorsqu’il agit de mauvaise foi ou entreprend des procédures mal fondées. Aucune demande n’ayant toutefois été faite par les intimés à cet égard, la Cour n’estime pas opportun de statuer ici sur la question.

[162] Les procureurs à l'audience représentent au Tribunal que les honoraires encourus par chaque partie s'élèvent à environ 20 000 $ en date du 21 mars 2014.

[163] Si le Tribunal retient les prétentions des demandeurs, la défenderesse devrait donc encourir des déboursés à ce chapitre de l'ordre d'environ 27 000 $, alors que ceux des demandeurs seraient d'environ 13 000 $.

[164] Le Tribunal considère qu'il serait inapproprié que la défenderesse doive assumer tel fardeau.

[165] Compte tenu des circonstances particulières du présent dossier, le Tribunal estime juste et raisonnable que les honoraires encourus de part et d'autre soient assumés par la succession de feu Claude Vincent.

On appeal, all but one of the Appellant liquidators’ arguments were dismissed. However, on the issue of the estate having to pay for the Respondent’s legal fees, the Court of Appeal held:

[2] Les appelants ont raison de se plaindre de ce que le juge de première instance ait fait supporter par la succession les honoraires extrajudiciaires encourus par les deux parties au litige. Le juge ayant refusé de qualifier d’abusives et répétitives les procédures intentées par les appelants en leur qualité de liquidateurs de la succession de leur père[1], il ne pouvait dès lors écarter l’application de l’article 789 C.c.Q. qui prévoit que le liquidateur a droit au remboursement des dépenses effectuées dans l’accomplissement de sa tâche[2] et faire également payer par la succession les honoraires de la partie défenderesse.

Thus, in the absence of abuse by the liquidators, the estate will not be responsible for the legal fees of the beneficiaries, even when the court has decided in their favour.



[1]     Ibid., paragr. 159.
[2]     Follows c. Follows, 2012 QCCA 1128, paragr. 64-67.

Tuesday, 21 July 2015

TRUSTS: If you're a trustee, negligence doesn't pay

In cases of administrators of property of others, it has generally been accepted that administrators are entitled to be reimbursed their costs of administration, including legal fees. However, in Bell v. Molson, 2015 QCCA 583 the Court of Appeal analyzed those rules in relation to a claim by the trustees for their legal fees. In reversing the Superior Court decision that the trustees in question were entitled to be reimbursed $3.2 million in legal fees despite having been found negligent, the Court of Appeal set out the parameters in which such fees can be reimbursed. This decision will have far-reaching implications because the test set out will apply not only to trustees but to liquidators, tutors, curators and mandataries. In addition, the Court of Appeal confirmed that since a trustee’s duties to act with prudence and diligence are of public order, clauses purporting to limit liability for violations of those duties will not be enforceable.

The Appellants were the capital beneficiaries of a trust. They sued the Respondent trustees for a rendering of account and damages for having been negligent in their management of the trust assets.
The Superior Court awarded the Appellants approximately $665,000 in damages. However, the Superior Court also condemned the Appellants to pay the Respondents’ defence costs (legal and experts fees), which totaled approximately $3.2 million.

The relevant provisions in the will stated:
I declare that … the decision of a majority of my Trustees … shall be final … and I relieve a dissenting Trustee and Executor from all responsibility for any action taken upon a decision in which he or she or it did not concur.

I further declare that at any time and from time to time a majority of my Trustees may act …
Article VIII

In addition to all other powers … my Trustees … shall have … the following powers :

[…] 

h)         To invest all sums of money requiring investment in such securities or other investments as they may think proper without being restricted […] to those mentioned in Article 981-o of the Civil Code of Lower Canada and from time to time to sell alter and vary investments and without responsibility for any loss which may be involved by reason of such investments.

The two questions in appeal were:

1.    Was the damage award of $665,000 well-founded?

2.    Did the Respondents have the right to be reimbursed their defence costs despite having been found to be negligent?

On the first question, the Court held that the Respondents had not been negligent in their administration of the assets prior to 1994 (the trust had been established in 1937). Prior to 1994, the trustees’ obligation was to preserve the capital. However, after 1994, the obligations set out in article 1340 CCQ became more onerous because full administration meant increasing the capital rather than simply preserving it. While the trustees had an obligation of means, the court held they had committed a fault for failing to have an adequate investment policy from 1994 to 2004, for ignoring the risk of being over-weighted in Nortel, GE and IBM shares, which made up half the portfolio, and for ignoring the warnings given by some employees of Royal Trust about the need to diversify.

In particular, the Court did not accept that a trustee could abdicate its responsibility to other trustees without incurring any liability. The Superior Court rejected Royal Trust’s reliance on a clause in the will that excused a dissenting trustee from any liability for a decision taken with which it did not agree.

Having upheld the finding of liability, the Court of Appeal had to decide whether, in such circumstances, the trustees could rely on the clause in the will that excluded their liability. The Court upheld the trial decision that such clauses must be interpreted restrictively so as not to exclude the public order obligations of trustees to act with prudence and diligence, which go to the very core of the administration of the property of others.

The Court quoted the author Troy McEachren:
[…] À la suite de la violation d’une obligation essentielle de l’administrateur découlant de l’obligation générale d’agir avec prudence, diligence, honnêteté et loyauté, les clauses exonératoires de responsabilité ne pourront cependant pas être invoquées. Ces obligations sont essentielles et inhérentes à tout régime d’administration. En d’autres termes, aucune administration n’a été créée s’il en résulte que l’administrateur peut faire ce qu’il veut du bien au mépris total des droits du bénéficiaire.

Given that the Court held that the exclusion clause did not apply, it then had to decide whether the trustees were entitled to their defence costs totalling $3.2 million. The Court referred to Article 1367 CCQ as the source of the right to reimbursement:


1367. Les dépenses de l'administration, y compris les frais de la reddition de compte et de remise, sont à la charge du bénéficiaire ou du patrimoine fiduciaire.
1367. The expenses of the administration, including the cost of rendering account and handing over the property, are borne by the beneficiary or the trust patrimony.


The Court acknowledged that expenses included not only those associated with rendering account but those incurred to be represented before the courts. However, the Court of Appeal disagreed with the trial judge’s conclusion that the Respondents should be reimbursed.

The Court held that whoever agrees to accept the position of administrator must execute her obligations with care and prudence and she will be liable for damages if she fails to do so (see Arts. 1318 and 1334 CCQ). While an administrator who acts prudently may still incur a loss and be entitled to have his costs reimbursed, it is unfair for the patrimony already reduced as a result of fault to be further reduced by the expenses related to the fault.

The test for whether an administrator’s legal fees will be considered administration expenses is whether they are objectively incurred in the interest of the beneficiary. If the administrator is sued for damages as a result of her personal fault, she is personally responsible for the fees because the claim is directed against her personally rather than in her capacity as trustee. An analysis of the entire situation is necessary to determine who is responsible for the fees.

In this case, the trustees were sued personally and were represented by different law firms. The trustees were defending their own interests (i.e. their interest not to have to pay damages) and therefore they were not pleading for the benefit of the beneficiaries. Accordingly, the legal fees incurred for that purpose were the trustees’ personal responsibility.