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Friday, 18 November 2016

LE MARIAGE ENTRE L'INJONCTION ET LA MESURE DE SAUVEGARDE


Par Francis Legault-Mayrand

Dans Limouzin c. Side City Studios Inc., 2016 QCCA 1810 (« Limouzin »), la Cour d’appel vient baliser le pouvoir de la Cour supérieure d’émettre une mesure de sauvegarde prévue au paragraphe 158(8) CPC.

En Cour supérieure, les intimés ont intenté un recours en injonction provisoire, interlocutoire et permanente contre les appelants afin notamment de faire respecter des obligations de non-sollicitation de clientèles, d’employés et de consultants. La Cour supérieure a fait droit à la demande en injonction provisoire, laquelle fut reconduite à deux reprises.

Après l’expiration de la dernière injonction provisoire, les intimés ont renouvelé leur demande, mais cette fois-ci sous un véhicule procédural différent : la mesure de sauvegarde. En effet, en se fondant sur les articles 49 et 158 (8) CPC, les intimés ont demandé une mesure de sauvegarde d’une durée de trois mois pour faire cesser la sollicitation en question, ce qui fut octroyé par la Cour supérieure. C’est cette dernière décision qui a fait l’objet de l’appel dans Limouzin.

Voici ce qui attire notre attention à décision de la Cour d'appel. Malgré les arguments formulés par les parties, la Cour d’appel infirme la décision de première instance selon une analyse qui ne repose pas sur les quatre critères constitutifs applicables aux mesures de sauvegarde (i.e. l’urgence, l’apparence de droit, la balance des inconvénients et le préjudice sérieux et irréparable). Plutôt, la Cour d’appel fonde sa décision sur la nature et le rôle limité et particulier de la mesure de sauvegarde, soit de permettre aux parties de préparer leur dossier en vue de l’injonction interlocutoire : 

[55]      Néanmoins, lorsqu’il est question de prononcer une ordonnance de sauvegarde dans le cadre d’une instance en injonction, les références à l’article 49 C.p.c. ne me paraissent pas opportunes. En effet, ces références laissent faussement entendre que l’ordonnance de sauvegarde pourrait s’avérer être un remède hybride utile en sus de ceux spécifiquement prévus au chapitre de l’injonction, pour satisfaire les besoins des parties qui tardent à passer à l’étape de l’injonction interlocutoire. Or, tel n’est pas le cas.

[56]        À mon avis, envisager sous ce rapport les ordonnances de sauvegarde dans le cadre d’une instance en injonction constitue une erreur, et ce, pour la simple et bonne raison que le Code de procédure civile prévoit tous les remèdes applicables en cette matière.

[57]        En pareille matière, l’ordonnance de sauvegarde demeure un outil de gestion au sens de l’article 158 C.p.c. à la seule fin de permettre aux parties de passer rapidement de l’étape de l’injonction provisoire à celle de l’interlocutoire.

[58]        En ce sens, la jurisprudence de la Cour sous l’article 754.2 a.C.p.c me paraît toujours pertinente et d’application. Le mode d’emploi demeure le même. En dépit de ce que prévoit le paragraphe 158 (8) C.p.c. relativement à la durée maximale possible d’une ordonnance de sauvegarde valant mesure de gestion, j’estime que dans les instances en injonction, pareille ordonnance doit être de courte durée pour faire le pont jusqu’à l’interlocutoire. En somme, le tribunal doit veiller à ce que la sauvegarde ne devienne pas une injonction interlocutoire par défaut.

[59]      Lorsque le tribunal est appelé à rendre une ordonnance de sauvegarde dans le cadre d’une instance en injonction, ce ne peut être que pour permettre aux parties de compléter leur dossier en vue de passer rapidement à l’étape de l’interlocutoire, après avoir accepté un protocole de l’instance respectant les règles de proportionnalité et fixé la date de présentation de la demande en injonction interlocutoire. Ce n’est qu’après cet exercice de gestion qu’il peut se prononcer sur la mesure de sauvegarde recherchée.

[60]      Je suis conscient que cette voie pourra, en certains cas, se heurter à certaines pratiques ou contraintes d’ordre administratif. Mais il s’agit de la voie qui doit être suivie.

[61]      Le respect du droit d’être pleinement entendu doit prévaloir sur les contraintes administratives.

[62]      En l’espèce, le jugement dont il est fait appel prononce des ordonnances de sauvegarde qui ne peuvent être qualifiées de mesures de gestion au sens de l’article 158 C.p.c. En raison de sa durée, ce jugement s’apparente davantage à une injonction interlocutoire.

[63]      En acceptant de procéder comme il l’a fait, c’est-à-dire sans gérer le dossier ni fixer l’audition de la demande d’injonction interlocutoire, le Tribunal a compromis les droits des appelants Limouzin, Larouche et BLU. Pour ces derniers, le résultat est lourd de conséquences. Quatre mois après l’institution du recours, ils sont toujours contraints de suspendre leurs activités commerciales, alors qu’ils n’ont pas véritablement eu l’occasion d’être entendus, du moins comme ils auraient dû l’être s’il s’était agi d’une injonction interlocutoire.

[Nos soulignements.]

Cette décision revêt d’une importance à plusieurs égards. D’abord, elle illustre les rôles complémentaires, et non alternatifs, des injonctions interlocutoires (incluant la provisoire) et de la mesure de sauvegarde. Chacun a son rôle à jouer dans une instance en injonction.

Par ailleurs, nous croyons que cette décision vient consacrer un cinquième critère pour l’octroi d’une mesure de sauvegarde dans le cadre d’une instance en injonction, du moins implicitement. En effet, il n’est pas suffisant d’alléguer les quatre critères constitutifs de l’ordonnance de sauvegarde dans ce contexte. Au contraire, il faut de plus démontrer que la nature de l’ordonnance recherchée est celle d’une mesure de gestion visant à faire le pont entre l’injonction provisoire et l’injonction interlocutoire. 

Friday, 9 September 2016

LES DOMMAGES RÉCLAMÉS POUR CAUSE DE CONCURRENCE DÉLOYALE RÉDUITS SUITE À L’ACCUEIL D’UNE DEMANDE DE DÉCLARATION D’ABUS


Par Julien Lussier

En mars 2014, le défendeur Leblanc démissionne de son poste de directeur régional de la demanderesse, Muskoka Minerals & Mining Inc. (« Muskoka »). En avril 2014, il fonde, avec la défenderesse Sablières Chevrier et Fils inc. (« Chevrier ») – qui était jusqu’en décembre 2013 le principal fournisseur en agrégat (sable) de Muskoka – la défenderesse Soltek Agrégats Inc. (« Soltek »). Peu de temps après, Soltek débute ses activités de vente d’agrégat, faisant du même coup concurrence à Muskoka.

Avant sa démission, Leblanc avait également incorporé la défenderesse 9260-2556 Québec Inc., spécialisée dans les services d’excavations et de mise en place d’agrégats. Au moment de sa démission, Leblanc n’était lié par aucune clause de non-concurrence. Quant à Chevrier, elle n’était liée par aucune clause d’exclusivité en faveur de Muskoka.

La demanderesse intente un recours à l’encontre des quatre défendeurs, leur réclamant solidairement 1 447 189,90$. Le fondement de la demande découle de la prétendue violation, par Leblanc, de son obligation de loyauté, et de la complicité des autres défendeurs. Muskoka reproche également à Chevrier d’avoir cessé d’être son fournisseur.

C’est dans ce contexte que les défendeurs présentent une Demande en déclaration d’abus à l’encontre de la demande de Muskoka, afin de faire déclarer que les dommages réclamés sont exagérés et abusifs, et soustraire certains des défendeurs à quelques-unes de conclusions qui ne les concernent manifestement pas.

La Cour supérieure, sous la plume de l’honorable juge Catherine Mandeville, accueille en partie la demande des défendeurs. D’une part, celle-ci juge que même la jurisprudence la plus généreuse en matière de devoir de loyauté ne fait pas survivre celui-ci au-delà d’une période de quelques mois, et que les pertes de profits alléguées par Muskoka - si elles devaient être établies – ne devraient tout au plus couvrir qu’une période de douze (12) mois suivant la démission de Leblanc :

[24] Le Tribunal est d’avis que l’ampleur des dommages réclamés pour perte de profits bruts est nettement exagérée, car elle résulte d’estimations fondées sur la prémisse que Muskoka aurait le droit de bénéficier d’une période de quatre ans sans concurrence. Ceci ne peut se justifier au regard du droit applicable et il y a lieu d’exiger de la Demanderesse qu’elle réduise sa réclamation de façon à ce qu’elle se limite à une perte de bénéfices et des dommages en raison d’une concurrence exercée sur une période de 12 mois à compter du départ de l’employé Leblanc, soit de mars 2014, à mars 2015. 

[25] En effet, l’ampleur du montant réclamé pas Muskoka entraîne des difficultés de financement à Soltek ainsi qu’à son actionnaire Leblanc personnellement. Cette réclamation est abusive en ce qu’elle vise une indemnisation pour une période de quatre ans sans concurrence, ce qui est exorbitant de l’état du droit en une telle matière. Au surplus, en raison du montant élevé réclamé, cette réclamation crée des difficultés de financement à l’entreprise, limitant ses opportunités de lui faire concurrence.


Poursuivant son analyse, la Cour se penche ensuite sur certaines des conclusions qui, selon les défendeurs, ne concernent pas l’ensemble de ceux-ci. Leur donnant raison sur ce point, la Cour reconnaît que :


[31] […] Dans la Demande, aucun allégué ne permet de soutenir que Chevrier, Soltek ou 9260 aient commis de faute dans le cadre du contrat de « Fleurs-O-Pavé ». Ces trois Défendeurs n’ont aucunement participé à la réalisation de ce contrat. La Demande devrait plutôt viser seul Leblanc, puisque c’est lui qui aurait commis une faute, alors qu’il était toujours à l’emploi de Muskoka. Il ne s’agit donc pas de concurrence déloyale. Il n’est pas possible d’avancer à la lumière des faits allégués qu’il y ait solidarité, même imparfaite, entre les Défendeurs, car aucune faute ne leur est reprochée. La Demande devra être amendée en conséquence.

La Cour suit également le même raisonnement pour soustraire la défenderesse 9260-2556 Québec Inc. de la réclamation pour perte de profits, estimant que cette dernière, en raison du fait qu’elle opère dans un secteur d’activité distinct, ne peut avoir contribué à la prétendue concurrence déloyale.

Friday, 26 August 2016

Renseignements personnels de l’employé : l’arbitre de griefs doit partager sa compétence

Par Suzie Bouchard

Dans un arrêt du 19 août 2016[1], la Cour d’appel, infirmant les décisions  de la Cour du Québec et de la Cour supérieure, rétablit la compétence de la Commission d’accès à l’information (la « CAI » ou la « Commission ») quant à une demande d’accès à des renseignements personnels formulée dans le cadre d’une relation de travail. L’Honorable juge Saint-Pierre confirme que l’arbitre de griefs n’a compétence pour appliquer la LPRPSP que lorsqu’il est « valablement saisi d’un grief qui se rattache à l’application ou l’interprétation de la convention collective »[2].

À l’origine de cette affaire, le mis-en-cause avait demandé à son ancien employeur de lui communiquer des extraits de son dossier personnel en vertu de l’article 27 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé[3] (la « LPRPSP »). Cette demande survenait un an après la signature d’une transaction entre les parties, réglant de façon définitive un grief pour harcèlement psychologique déposé deux ans auparavant par le mis-en-cause. La demande d’accès visait le dossier constitué par l’intimée dans le cadre de son enquête sur ce grief, notamment l’expertise médicale obtenue au soutien de cette démarche.

L’employeur ayant refusé l’accès, le mis-en-cause a d’abord soumis à la CAI une demande d’examen de mésentente en vertu de l’art. 43 de la LPRPSP. L’intimée soulevait alors, au surplus de moyens de défense substantifs fondés les articles 39(2) et 40 de la loi, un moyen préliminaire contestant la compétence de la CAI au profit d’une compétence exclusive de l’arbitre de griefs.

S’attribuant compétence exclusive pour déterminer l’issue de la mésentente, la CAI accueille la demande d’accès de l’employé dans sa majeure partie. La conclusion au regard du moyen préliminaire est toutefois renversée par la Cour du Québec siégeant en appel de la Commission. Le juge de la Cour du Québec estime que la Commission s’est méprise dans son interprétation  de l’arrêt Hydro-Québec[4], lequel confère, selon lui, une compétence exclusive à l’arbitre de griefs pour tout litige envisagé par la convention collective. Ce raisonnement est entériné par la Cour supérieure en révision judiciaire. Notons que l’application de la norme correcte dans le cadre de la révision ne fait l’objet d’aucun débat.

Saisie strictement du moyen préliminaire, la Cour d’appel accueille l’appel de la CAI et conclut à une compétence concurrente des instances administratives concernées. Elle estime qu’en l’espèce cette compétence a été valablement exercée par la Commission et que la décision doit donc être renvoyée à la Cour du Québec afin que celle-ci se penche sur les autres moyens d’appel que lui avait soumis l’intimée.

L’Honorable juge St-Pierre (j.c.a.) procède d’abord à quelques remarques préliminaires qui, bien qu’elles ne fondent pas directement ses conclusions, viennent appuyer son raisonnement. Elle rappelle que la LPRPSP protège des droits fondamentaux, dont la vie privée, la dignité et l’autonomie, et jouit conséquemment d’un caractère quasi-constitutionnel. Cet objectif législatif semble déjà militer en faveur d’une compétence partagée de l’arbitre de griefs, sa compétence exclusive ne se présumant pas quant à l’application d’une loi particulière.

Elle souligne également que dans sa lettre de  refus d’accès, l’intimée informait le mis-en-cause de son recours devant la CAI[5], sans toutefois mentionner la possibilité de soumettre un grief. Il est effectivement difficile de concilier cet avis initial et la position prise subséquemment par l’employeur quant à l’absence de toute compétence de la CAI.  Une fois de plus, cette contradiction suggère au minimum  une compétence concurrente.

La Cour d’appel étaye ensuite son raisonnement central. D’une part, la Cour n’est pas d’avis que l’arrêt Hydro-Québec supporte la proposition d’une compétence exclusive en la matière :

[79]        Pour nier à la CAI toute compétence en l’espèce, la Cour supérieure et la Cour du Québec ont pris appui sur l’arrêt Hydro-Québec retenant que la Cour y aurait établi le principe que l’arbitre de griefs a, en semblables matières, une compétence exclusive. Je ne partage pas ce point de vue.
[80]        À la lecture du paragraphe 25 de cet arrêt, je constate que la Cour a écarté l’idée voulant que « le législateur entendait conférer à la C.A.I. une compétence totale et exclusive sur toute question touchant directement ou indirectement l'accès aux renseignements nominatifs » de nature à priver l’arbitre de griefs de toute compétence, malgré des dispositions spécifiques de la convention collective en ces matières. Elle n’y affirme pas, cela dit, que l’arbitre de griefs constitue le forum exclusif en toutes circonstances.
[81]        Puisque la convention collective qui s’appliquait au salarié contenait des dispositions sur la rectification des renseignements personnels détenus par son employeur (Hydro-Québec) et que, de surcroît, c’était elle qui prévoyait que les renseignements dont le salarié et son syndicat demandaient le retrait étaient périmés, la Cour a conclu que l’essence du litige en était, alors, indissociable.

D’autre part, elle conçoit différemment la nature de la demande initiale. C’est là le nœud du débat. Reconnaissant implicitement une compétence partagée – et non une compétence exclusive comme le concluait initialement la CAI-, la Cour d’appel s’engage dans l’exercice de détermination de l’essence du litige, conformément aux enseignements de la Cour suprême. En effet, les arrêts  Weber[6] et Morin[7], établissent l’analyse en deux étapes permettant de qualifier un litige aux fins de l’attribution de compétence. Il s’agit d’examiner d’abord les dispositions pertinentes (notamment celles du Code du travail[8] et de la convention collective en l’espèce) afin de délimiter ce qu’elles envisagent pour ensuite s’attarder au contexte factuel et vérifier s’il s’y insère. Cette seconde étape permet d’assurer, pour reprendre les termes de la Cour, une adéquation optimale entre le tribunal et le litige dont il est saisi.

En l’espèce, alors que les tribunaux de première instance s’estimaient saisis d’une problématique de harcèlement psychologique en milieu de travail, laquelle était prévue par les dispositions de la convention collective traitant de santé et sécurité, la Cour d’appel y voit un litige portant strictement sur l’accès aux renseignements :

[87]        L’essence du litige ne concerne pas l’application ou l’interprétation de la convention collective, expressément ou implicitement, mais l’exercice d’un droit spécifique énoncé à une loi quasi constitutionnelle qui confère à la CAI une compétence exclusive pour trancher toute mésentente.
[88]        Je ne peux partager la conclusion voulant que l’essence du litige se rapporte à une problématique de harcèlement. S’il y a litige, c’est parce que l’intimée a refusé d’accorder à son salarié l’accès à un document qu’elle détient et qui contient des renseignements personnels qui le concernent. La problématique de harcèlement psychologique, à laquelle les parties ont mis fin définitivement l’année précédente (en 2007), n’est rien de plus que l’occasion de la cueillette des renseignements.
[89]        Pour identifier l’essence du litige, il n’était pas à-propos de s’en remettre, comme l’ont fait la Cour du Québec et la Cour supérieure, au lien qui unissait les renseignements personnels recherchés et la problématique de relation de travail au cours de laquelle ils avaient été recueillis (harcèlement psychologique). Ce qu’il fallait analyser c’était le lien qui existait entre ce qui opposait le mis en cause à l’intimée (avoir accès ou non aux renseignements) et la compétence de l’arbitre de griefs.

                                                                                        [Références omises]

L’intimée plaidait, subsidiairement, que la problématique stricte d’accès aux renseignements était elle aussi envisagée par la convention collective, plus particulièrement par les articles délimitant le pouvoir de gérance de l’employeur. La Cour estime cette proposition douteuse et conclut que de telles dispositions d’ordre général ne sauraient soutenir une compétence exclusive.[9]
L’attribution de cette compétence concurrente dépend donc des trames factuelles. Pour conclure à la compétence de l’arbitre de griefs, il faut correctement définir la question qui lui est soumise et s’assurer que celle-ci relève réellement de l’application ou de l’interprétation  de la convention collective.








[1] Commission d’accès à l’information du Québec c. Arcelormittal Montréal Inc., 2016 QCCA 1336 (la «Décision »)
[2] Décision, para 92
[3] RLRQ, c. P-39.1
[4] Commission d’accès à l’information c. Hydro-Québec, [2003] R.J.Q. 3098 (C.A.)
[5] Conformément à l’article 34 de la LPRPSP.
[6] Weber c. Ontario, [1995] 2 R.C.S. 929
[7] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Québec (Procureur général) c. Québec [2004] 2 R.C.S. 223
[8] RLRQ, c. C-27.
[9] Décision, para 67.

Friday, 29 April 2016

Un congédiement bref et inattendu donne droit à des dommages moraux

Par Suzie Bouchard

Dans la récente décision Sylvain Blais c Aéroport de Québec[i], la Cour supérieure devait qualifier le congédiement d’un cadre de haut niveau, remercié huit mois après son embauche. La durée indéterminée du contrat étant admise, la principale question dont la cour demeurait saisie concernait  le « motif sérieux »  allégué par l’employeur. Tandis que le défendeur soutenait que Blais n’avait pas rencontré les exigences fixées, notamment en raison d’importants retards encourus dans l’exécution de ses tâches, ce dernier plaidait une surcharge de travail liée à la nouveauté du poste et à des difficultés organisationnelles.

L’honorable juge Catherine La Rosa (j.c.s) conclut, en aval d’un rappel fort utile[ii] sur les circonstances donnant ouverture à la résiliation unilatérale sans préavis[iii], que l’employeur n’a pas rencontré son fardeau et ne peut donc s’en prévaloir. Elle est d’avis  que le défaut de rencontrer les échéances fixées par l’employeur ne constitue pas un motif sérieux puisque Blais n’a pas bénéficié d’un support adéquat. La juge La Rosa ajoute que les attentes de l’employeur envers le demandeur étaient imprécises et irréalistes et que l’unique mise au point sur sa performance ne laissait pas présager la rupture du lien d’emploi.
[62] En bref, l’Aéroport n’a pas formulé à Blais, de façon claire, son insatisfaction au point que Blais perçoive chez l’employeur une menace quant à la survie de son emploi.
[63] Ajoutons que l’employeur doit fournir au salarié le support nécessaire à l’exercice de sa tâche. Or la preuve révèle que l’Aéroport n’a pas rempli cette obligation à l’endroit de Blais qui est laissé à lui-même. Malgré les appels au soutien de Blais, Bilodeau demeure passif. Il accepte toutefois, une fois Blais congédié, de scinder la tâche, reconnaissant implicitement que les plaintes de Blais relativement à la surcharge de travail étaient fondées.
[64] En somme, l’employeur qui fait montre d’attentes imprécises à l’endroit du salarié, qui fait défaut de soulever de façon claire les lacunes de ce dernier et qui refuse de lui fournir le support nécessaire pour exécuter adéquatement les tâches confiées ne peut mettre fin au contrat de travail sans verser un délai-congé suffisant.
Concluant donc que la résiliation donnait droit à un délai de congé raisonnable, le tribunal procède ensuite à l’analyse contextuelle permettant sa détermination.  Il considère notamment l’âge du demandeur, la relative rareté d’emplois semblables sur le marché du travail et le fait que l’employeur avait fait miroiter la perspective d’un emploi à long terme pour finalement octroyer une indemnité correspondant à douze mois de salaire.

La décision revêt un intérêt particulier au stade de la réclamation pour dommages-moraux. Le demandeur réclamait 65 000$ au surplus de son délai de congé, alléguant le comportement fautif de l’employeur dans l’exercice de son droit de résiliation. La juge De Rosa rappelle que, conformément aux principes bien établis par la jurisprudence, les dommages-moraux nécessitent la démonstration d’une « faute caractéristique distincte de l’acte de congédier »[iv] et, estimant que les faits de l’affaire rencontrent ce seuil, et octroie 20 000$ au demandeur.

[94] En l'espèce, le Tribunal est d’avis que le comportement de l’employeur lors du congédiement de Blais constitue une conduite fautive. Il n’avait jusqu’alors jamais été question de la possibilité que ses performances soient insatisfaisantes au point de justifier son renvoi. À l’inverse, lors de la réunion du comité d’audit et de gestion des risques du 17 février 2011, son excellent travail dans la préparation du dossier d’audit annuel 2010 est souligné. Un simple appel téléphonique de l’employeur un dimanche après-midi, alors que l’employé est en congé, chez lui, aucunement préparé à recevoir la nouvelle de son congédiement, ne représente pas une conduite acceptable de la part de l’Aéroport.
[95] Un tel comportement entraine inévitablement de l’humiliation et une importante angoisse. D’ailleurs, Blais a été mis en arrêt de travail par son médecin à la suite de la fin de son emploi. Trahi et sous le choc de cette brusque annonce faite très rapidement et sans aucune préparation, Blais a subi un préjudice qui excède celui qui découle normalement d’un congédiement.
[96] L’argument de Bilodeau comme quoi il se voit obligé d’agir ainsi compte tenu de l’impossibilité de rencontrer Blais le lundi vu la tenue d’une réunion à laquelle il ne veut pas que Blais assiste, vu la tournure des événements, ne tient pas. Le respect élémentaire aurait justifié une rencontre formelle avant ou après le 17 avril 2011. Absolument aucune raison ne peut justifier un tel traitement empreint de non-respect à l’endroit d’un employé. Certes, l’employeur peut mettre fin au contrat de travail en tout temps, mais il se doit d’agir de bonne foi, de façon courtoise et respectueuse. Cette attitude est non seulement inexistante en l’espèce, mais constitue un comportement fautif de la part de l’Aéroport.
Ce raisonnement étonne quelque peu puisque la performance de l’employé et  la prévisibilité de son congédiement appartiennent davantage à l’analyse des motifs de résiliation qu’à celle de ses modalités. De plus, il est bien établi que les troubles et inconvénients justifiant l’octroi dommages moraux doivent surpasser les aléas intrinsèques à tout congédiement, lesquels sont dument compensés par l’indemnité de fin d’emploi.[v] Il est donc regrettable que la décision ne détaille pas davantage en quoi le préjudice de Blais se situe au-delà de cette norme.


[i] 2016 QCCS 1563
[ii] Paras 43-50 du jugement
[iii] 2094 C.c.Q
[iv] Brystol-Myers Squibb Canada inc. c. Legros 2005 QCCA 48
[v] Standard Broadcasting c. Stewart, [1994] R.J.Q. 1751, p. 1760 et s

  

Sunday, 24 April 2016

Fixed vs. Indeterminate Term Employment Contracts: Distinctions and Differences



By Janet Michelin
In the recent Superior Court decision of Bouasse v. Gemme canadienne PA inc., 2016 QCCS 1263, Mr. Justice Serge Gaudet reviewed a number of different employment law principals.

The facts were relatively simple. Mr. Bouasse, a French citizen and jewelry designer with sales and marketing experience, accepted employment with Gemme canadienne in Montreal. His responsibilities included designing jewelry and marketing the Defendant’s Nishi pearls. Mr. Bouasse applied for a work permit based on the letter from his employer that he would be hired for a period of 2 years and then moved to Montreal. No formal employment contract was ever signed and the letter governed the parties’ relationship. His annual salary was $60,000 with the possibility of an annual bonus of $10,000. He commenced work on September 30, 2013. On June 16, 2014, his employment was terminated for cause.


Mr. Bouasse sued for payment of his salary for the balance of the fixed term contract and damages. Gemme canadienne counter-sued for reimbursement of an advance paid on Mr. Bouasse’s bonus.

On the issue of the term of the contract, the Court, contrary to the Defendant’s position that a fixed term contract required a clear start and end date,  held that it was sufficient that the start and end date were determinable and that “une période de deux ans qui débute par un événement dont le moment est déterminable est une durée déterminée et non point une durée indéterminée”. Since the contract provided for a period of 2 years from the issuance of the work permit, the term was determinate.

But did the Defendant have cause for termination? The Court held that the employer’s burden to show cause for termination on the basis of poor performance is particularly heavy:

[90] Un employeur insatisfait du rendement de son employé ne peut se contenter de quelques courriels faisant plus ou moins allusion au fait qu’il y a matière à amélioration, surtout provenant de personnes qui ne sont pas ses supérieurs hiérarchiques. Avant de congédier un employé au motif que son rendement est insuffisant, un employeur a l’obligation de lui faire savoir quelles sont les causes exactes de reproche à son égard, et de lui faire savoir clairement que son emploi est en jeu, de manière à ce que ce dernier puisse réagir et ajuster le tir.
In this case, the evidence was that Mr. Bouasse had not been sufficiently advised of his poor performance nor was he warned that he could be dismissed for cause if he did not improve.

As for damages, not surprisingly, the Court held that the Defendant had to pay Mr. Bouasse his base salary for the remaining 14 months of the contract, minus Mr. Bouasse’s earnings during that period.

Mr. Bouasse was also awarded $5,000 in moral damages. The Court drew a distinction between the resilation of a contract with an indeterminate term, which absent an abusive termination, does not give rise to moral damages, and the resiliation of a fixed term contract:

[138] Or, si dans le cas d’un contrat de travail à durée indéterminée chacune des parties a le droit de mettre fin au contrat en donnant un préavis raisonnable à l’autre (art. 2091 C.c.Q.), un tel droit n’existe tout simplement pas dans le cas d’un contrat à durée déterminée. Un contrat à durée déterminée lie les parties jusqu’à son terme et ne peut être résilié que pour un motif sérieux, en accord avec les principes généraux du droit des contrats.
[139] Aussi, l’employeur qui, sans motif sérieux, résilie unilatéralement le contrat de travail à durée déterminée de son employé n’exerce pas un droit, il contrevient plutôt à son obligation de maintenir le contrat pendant la durée du terme.
[142] Il y aurait donc une distinction à faire entre la résiliation unilatérale des contrats à durée indéterminée, où l’employeur a le droit de mettre fin au contrat, et celle des contrats à durée déterminée, où l’employeur ne possède pas de tel droit. La règle établie par l’arrêt Canadian Broadcasting ne serait donc pas applicable dans le cas de la résiliation unilatérale des contrats à durée déterminée. Dans le cas de la résiliation sans droit d’un contrat à durée déterminée, rien n’empêcherait d’octroyer une indemnité raisonnable pour troubles et inconvénients ou pour dommage moral, à la condition bien sûr, que la preuve de tels dommages soit établie
As for the Defendant’s counter-claim for reimbursement of the advance on his bonus, the Court applied the jurisprudence relating to advances on commissions and refused to grant the claim.

Friday, 11 December 2015

Can you meet someone without having contacted them? Yes, if you are being accused of contempt

By Janet Michelin

The decision in BMO Harris Gestion de Placements Inc. v. Rainville, 2015 QCCS 5368 shows that no matter how hard attorneys try to draft injunctive orders that are clear and cover all the bases, there is often still room for interpretation and therefore ambiguity.

In this case, the Defendant Rainville resigned from BMO to work for a competitor. He was not bound by a non-competition agreement. BMO sought a provisional injunction to prevent him from soliciting clients. On January 23, 2013, a provisional injunction was issued for a period of 2 days ordering Mainville to:

a) CESSER tout contact que ce soit à des fins de sollicitation ou à des fins professionnelles ou d’affaires, par voie téléphonique, par lettres, en personne, ou de quelque autre façon que ce soit avec les clients référés par BMO Groupe Financier et/ou BMO Banque Privée Harris (ci-après collectivement désignée « BMO ») (P-15), sauf par des moyens usuels de publicité adressée de façon générale à la population, tel que par voie de journaux, radio ou télévision, exception faite des clients déjà transférés;
c)  CESSER ET EMPÊCHER les défendeurs de conseiller les clients de BHGP relativement à la suite de la gestion de leurs comptes et aux instructions qu’ils doivent donner à BHGP, entre autres afin de résilier l’Énoncé de politique de placements et Convention de gestion discrétionnaire qui les lie à BHGP. [Underlining in the Judgment]

The parties were back in court on January 25, 2013, during which time Rainville's lawyer explained to the Court that clients had learned through social networks that he had left BMO and were communicating with him to say they wanted to follow him. The judge and attorneys acknowledged that the clients were free to do so. The attorneys then negotiated and agreed to the following order which was issued by the judge:

a)  CESSER tout contact que ce soit à des fins de sollicitation ou à des fins professionnelles ou d’affaires, incluant donner des conseils, par voie téléphonique, par lettres, en personne, ou de quelque autre façon que ce soit avec les clients de BMO Groupe Financier et/ou BMO Banque Privée Harris (ci-après collectivement désignées «BMO» (P-15), sauf par des moyens usuels de publicité adressée de façon générale à la population, tel que par voie de journaux, radio ou télévision, exception faite des clients déjà transférés;
b) ORDONNER aux défendeurs de répondre à tout client de BMO Groupe Financier et/ou BMO Banque Privée Harris (ci-après collectivement désignées « BMO ») (P-15) qui entrerait en contact avec eux pour savoir comment procéder au transfert de son ou ses comptes de communiquer avec un représentant de la demanderesse. [Underlining in the Judgment]

Rainville's lawyer explained to him that he could meet with clients with whom he had already scheduled appointments but could not schedule new appointments. If a client said she wanted to follow Rainville, Rainville had to refer her to BMO so that BMO could try to retain the client.

On January 27 and 28, Rainville met with several clients whose meetings had been scheduled prior to January 25. On January 29, during his examination, Rainville admitted to having met with 4 clients in the previous two days, believing it was fine because the meetings had been scheduled prior to the January 25th order. BMO brought contempt of court proceedings against him. 

Madam Justice Turcotte reviewed the criteria for contempt. Firstly, the order must clearly state what can and cannot be done. In this case, it appeared that Mainville and even the judge who issued the provisional order considered that Mainville was permitted to meet with clients as long as he had not solicited them. While Mainville could not solicit the clients and if they contacted him, he was required to refer them back to BMO, nothing in the January 25th order specifically prohibited Mainville from meeting with them. The contempt proceedings alleged that he had violated the order by meeting with them but the order was for him to cease all contact (cesser tout contact). 

Madam Justice Turcotte looked at the definitions of "contact" and "rencontrer" to justify her decision that Mainville had not violated the order. To the extent that there was room for interpretation, the order lacked clarity and the doubt had to be resolved in favour of the accused, Mainville.

The second criteria for contempt, knowledge of the order, was clearly met in this case. 

As for the third criteria, intent, it was not met. The evidence established that Mainville had been careful to try to respect the order. BMO did not prove that he had intended to violate it.



Friday, 17 July 2015

EMPLOYMENT LAW: Firing an executive for cause isn't easy

On July 9, 2015, the Court of Appeal issued a decision that reiterates certain important principles in employment law, particularly with respect to dismissing executives and who has status as a complainant under art. 241 CBCA.

In Premier Tech ltée v. Dollo, 2015 QCCA 1159, the Respondent Dollo was dismissed from his position as president of Premier Horticulture ltée, a subsidiary of Premier Tech. At the time of the dismissal, he was also a minority shareholder of Premier Tech. He sued Premier Tech, requesting an order that he be permitted to exercise 207 619 options granted to him prior to his dismissal, despite the following clause of the option plan :

8.01.2  Advenant la cessation des fonctions du Bénéficiaire auprès de la Société pour toute raison autre que son décès, sa retraite ou son invalidité, tout octroi en cours expire à la date de la cessation de ses fonctions, de sorte qu'à compter de cette dernière date, le Bénéficiaire perd tous ses droits dans l'octroi à l'égard des Actions pour lesquelles il n'a pas encore levé son Option, à moins que le conseil d'administration, à sa seule discrétion, n'en décide autrement;

In support of his position, he argued that the option plan was a contract of adhesion within the definition of Article 1379 CCQ and that it was abusive pursuant to Article 1437 CCQ. He also alleged that the directors of Premier Tech had violated Article 241 of the Canada Business Corporations Act (“CBCA”) in refusing to exercise their discretion in order to permit him to exercise his options because they had told him several months prior to his dismissal that in the event he was dismissed, he could exercise them.

The Defendants argued that Mr. Dollo had been dismissed for cause, even though the parties had, prior to the proceedings, concluded an agreement whereby Mr. Dollo was paid an indemnity in lieu of notice. In fact, the parties had settled all matters between them except the question of the options. The Defendants also argued that clause 8.01.2 was valid, that Mr. Dollow was not a complainant under Article 241 and that there was not shareholder oppression. 

In upholding the judgment of the Superior Court, the Court of Appeal held that absent a “manquement grave et répété,” the loss of confidence in an executive was not cause, although in this particular case, characterization of the dismissal was irrelevant to the claim for the options. In citing Sirois v. ONeill, the Court of Appeal stated:

[75]   La Cour a plutôt considéré que le juge de première instance avait commis une erreur manifeste et déterminante dans l’appréciation de la preuve, en ne retenant pas que le chef de direction congédié n’avait pas satisfait aux lourdes responsabilités qu’il s’était vu confier. Cet arrêt tend plutôt à démontrer qu’à l’égard d’un haut dirigeant, le motif sérieux du congédiement demeure une question de fait[1] :
Le fardeau de prouver que le congédiement a été fait pour un motif sérieux repose sur l'employeur. Il s'agit là d'une lourde tâche, surtout si les motifs de licenciement sont subjectifs.
En l'espèce, je suis d'avis que les appelants ont réussi à rencontrer leur fardeau de preuve et que le juge de première instance a commis une erreur en ne l'ayant pas reconnu, bien qu'il ait écrit:
Mr. Sirois' dismissal of Martin O'Neill was certainly not without some foundation. Several members of the team were critical of Mr. O'Neill's management style and deportment. They were frustrated and demoralized. Their "malaise" was monitored by André Tremblay from late January 1995 to the time of his dismissal. By mid-April 1995, two members of the team had resigned. The EDS representatives then added insult to injury by their vigorous attack on Microcell's business plan, licence application and it's (sic) president, all in the presence of the team. This aggressive action - Pierre Sarault opined that the EDS representative "a démoli le plan" - may well have destroyed whatever credibility Martin O'Neill still enjoyed from amongst the disaffected members of the team.
Le juge a commis une double erreur: d'une part, il n'a pas tenu compte des obligations rigoureuses inhérentes à la tâche confiée à l'intimé, qui en était essentiellement une de direction, de management et d'organisation; d'autre part, il a conclu à collusion pour congédier l'intimé, alors que la preuve ne soutenait pas une telle conspiration.
L'intimé s'était vu confier de lourdes responsabilités; il ne les a pas remplies, principalement celle de mettre sur pied une équipe unie.
[Je souligne]
[76]   Cette lecture de l’arrêt O’Neill semble également partagée par les auteurs Audet, Bonhomme et Gascon[2]:
4.2.23  L’employé qui est engagé dans le but de remplir un poste de cadre, et d’exercer effectivement certaines responsabilités au sein d’une entreprise, garantit implicitement qu’il possède les qualités et les talents appropriés pour accomplir les tâches qui lui sont assignées, faute de quoi il pourra être congédié pour cause.
4.2.24  D’ailleurs, dans l’arrêt rendu par la Cour d’appel Sirois c. O’Neill, C.A. Mtl, D.T.E. 99T-598, la Cour a renversé le jugement de première instance ayant accueilli l’action du demandeur congédié pour incompétence. La Cour d’appel a jugé que le tribunal de première instance avait commis une erreur en concluant ainsi, n’ayant pas tenu compte des obligations rigoureuses inhérentes à la fonction de président-directeur général pour laquelle il avait été engagé, soit essentiellement une tâche de direction, de management et d’organisation. […]
[Je souligne – Référence omise]
[77]  La notion de « motif sérieux » qui se trouve à l’article 2094 C.c.Q. s’applique à tous les salariés, quel que soit leur rang hiérarchique. Le motif sérieux ou la cause juste et suffisante pouvant justifier un congédiement sans délai-congé est un manquement grave et répété du salarié d’assumer ses obligations, lequel est déterminé en tenant compte des circonstances propres à chaque cas.
[78]  La perte de confiance ne peut constituer, à elle seule, sans la preuve d’un manquement grave et répété, une « cause juste et suffisante » justifiant un congédiement sans indemnité, au sens de l’article 2094 C.c.Q.
[79]  Je conviens que la rupture du lien de confiance envers un haut dirigeant peut être l'occasion de son congédiement. Cela n’a rien de surprenant, d’autant qu’en droit québécois, la résiliation unilatérale d’un contrat de travail à durée indéterminée est admise, même s’il n’existe aucun motif justifiant pareil congédiement[3]. Toutefois, en un tel cas, l’employeur demeure tenu de verser une indemnité tenant lieu du délai-congé[4].
[80]  En l’espèce, je le répète, le juge a pris grand soin d’évaluer l’ensemble des circonstances ayant mené au congédiement de Dollo. De cette preuve, il retient que Premier Tech n’a aucunement établi qu’il s’agissait d’un congédiement pour cause. Au contraire, il estime que les moyens visant à établir la cause juste et suffisante de ce congédiement ont été soulevés a posteriori, de façon opportuniste.
[81]  Vu le défaut de Premier Tech d’identifier une erreur déterminante commise par le juge dans son analyse de la preuve et les conclusions qu’il en tire, j’estime qu’il n’y a pas lieu d’intervenir sur cette question.
[82]  Cela dit, je m’empresse d’ajouter que la qualification du congédiement, à savoir s’il s’agit d’un congédiement avec ou sans motif sérieux au sens des articles 2091 et 2094 C.c.Q., est sans pertinence sur le sort de l’appel.
[83]  Comme je l’explique ci-après, en assurant à Dollo que ses options n’étaient pas à risque dans l’éventualité où il serait congédié, et ce, quelques mois avant son congédiement, en empruntant l’expression « ce qui est gagné est gagné », les dirigeants de Premier Tech, agissant alors à la demande de son actionnaire de contrôle, l’ont induit en erreur.

In characterizing the option plan, the Court of Appeal also concluded that once the options were granted, the option plan was in fact a contract of adhesion within the definition of article 1379 CCQ but that clause 8.01.2 was not abusive:

[111]   Sur le fond, j’estime que la clause 8.01.2 n’a rien d’abusif, d’autant qu’elle accorde au conseil d’administration de Premier Tech le pouvoir de passer outre à la règle qu’elle renferme. L’abus, s’il en est, ne résulte pas ici de l’application de la clause en tant que telle, mais plutôt du refus du conseil d’administration de corriger les iniquités pouvant en résulter, question que j’aborde ci-après.

On the issue of Mr. Dollo’s status as a complainant under Article 214 CBCA, the Court of Appeal held that while option holders are generally not considered to be complainants, Mr. Dollo was already a shareholder as a resulting of having exercised options in previous years and accordingly, the Court held that he had the status to invoke the oppression remedy, even though when he instituted his lawsuit, he was no longer a shareholder because his shares had been repurchased as a result of his dismissal.

[122]  Le fait que Dollo a vu ses actions rachetées avant qu’il n’intente son recours n’y change rien. À titre d’ancien actionnaire, il possédait un intérêt suffisant. Le recours en oppression peut en effet être fondé sur des actes ou des faits survenus avant qu’il ne soit intenté, si l’iniquité ou l’injustice résultant de ces actes ou faits passés subsiste toujours, comme dans la présente affaire. À ce sujet, Paul Martel écrit[5] :
Le recours sous 241 est destiné à remédier à une situation abusive ou injuste. Il faut donc qu’une telle situation existe réellement au moment où le recours est intenté, car autrement le tribunal n’a aucune base pour agir.
Rien n’empêche cependant que le recours soit basé sur des actes ou des faits passés, pourvu qu’au moment de l’intenter, il subsiste une oppression ou une injustice.
La version anglaise de l’article 241 confirme d’ailleurs ceci, car aux paragraphes 2(b) et (c) elle utilise les termes «are or have been carried on» et «are or have been exercised», nuance perdue avec la traduction, au paragraphe (b).
[Référence omise – Je souligne]
[123]  Ici, l’injustice découlant du refus de Premier Tech de permettre à Dollo d’exercer ses options subsistait toujours au moment où, à titre d’ancien actionnaire de la société, il a intenté son recours.

On the question of oppression, the Court of Appeal concluded that Mr. Dollo’s legitimate expectations had not been met:

[149]  Le recours pour oppression prévu à l’article 241 L.c.s.a. accorde des pouvoirs étendus au tribunal. Inspiré des principes d’équité, ce recours est largement utilisé en droit civil québécois. La jurisprudence a d’ailleurs étendu sa portée. Il ne vise plus seulement la fraude, la mauvaise foi ou l’illégalité, mais également les injustices découlant des cas d’abus de droit et de violation des attentes légitimes des actionnaires.

[…]

[163]  Ce n’est pas la clause qui crée l’oppression, mais plutôt le refus du conseil d’administration, lorsqu’il est en présence d’une injustice découlant de son application, de passer outre à la règle qu’elle renferme. En pareilles circonstances, il appartient au conseil d’administration de corriger la situation. S’il ne le fait pas et que son omission porte atteinte aux attentes légitimes, la responsabilité de la société peut être retenue.
[164]  Ce qui m’amène au principal argument de Dollo.
[165]  Des conclusions de fait du juge, je retiens que Dollo a été rassuré par les dirigeants à l’égard de ses options. Il crut, à tort, qu’il pourrait les exercer malgré une éventuelle rupture de son lien d’emploi. Je retiens également son affirmation non contredite selon laquelle il aurait exercé ses options dès le printemps 2010, n’eût été ces assurances.
[166]  À mon avis, cette preuve tranche la question de l’oppression.
[167]  Premièrement, elle démontre l’existence des attentes légitimes de Dollo qui, en raison des promesses qui lui ont été faites, était en droit de s’attendre, en toute légitimité, qu’il allait pouvoir exercer ses options malgré la rupture de son lien d’emploi.
[168]  Deuxièmement, relativement à l’effet préjudiciable du non-respect de cette attente, il coule de source. Dollo a renoncé à exercer ses options plus tôt, sur la foi de ces assurances, avec les conséquences qui en découlent.
[169]  Quant à l’oppression, elle découle du refus du conseil d’administration de Premier Tech de passer outre à la règle pour corriger l’injustice, malgré le pouvoir que lui conférait l’article 8.01.2.
[170]  Vu la violation des attentes légitimes de Dollo, le conseil d’administration avait le devoir d’intervenir.

The Court of Appeal confirmed the order of the Superior Court for Premier Tech and Gestion Bernard Bélanger to issue and finance the options and for Gestion Bernard Bélanger to purchase the shares from Dollo thereafter.


[1]     Ibid.
[2]     Georges Audet, Robert Bonhomme et Clément Gascon, Le congédiement en droit québécois en matière de contrat individuel de travail, 3e éd., vol. 1, édition sur feuilles mobiles, Cowansville, Éditions Yvon Blais, janvier 2015, no 4.2.23 et 4.2.24, p. 4-23 et 4-24.
[3]     Québec (Commission des normes du travail) c. Asphalte Desjardins inc., [2014] 2 R.C.S. 514, 2014 CSC 51.
[4]     Ibid.
[5]     Paul Martel, La société par actions au Québec, vol. 1 : Les aspects juridiques, Montréal, Éditions Wilson & Lafleur, Martel ltée, 2014, paragr. 31-372 à 31-374, p. 31-148 et 31-149.