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by Leslie-Anne Wood |
Le 25
août 2015, la Cour supérieure (Micheline Perrault, J.C.S.) décidait d’un
recours en responsabilité civile intenté par Jaggi Singh à l’encontre de deux
policiers – pour arrestation et détention abusives – et d’un procureur de la Couronne
– pour poursuites abusives. Il s’agit de l’affaire Singh c. Montréal (Ville de), 2015 QCCS 3853, où la Cour a été
appelée à expliciter les critères de faute applicables à l’évaluation des
agissements des policiers et des procureurs de la Couronne.
Au moment
de son arrestation, M. Singh participait à une manifestation tenue dans le
cadre de la Journée internationale de la femme. Il était alors assujetti – en
raison d’une arrestation antérieure – à des conditions de remise en liberté,
dont celle de « ne pas se trouver sur les lieux d’une manifestation qui
n’est pas paisible et [de] quitter immédiatement les lieux de toute manifestation
qui n’est pas paisible » (par. 36). C’est sur une prétendue violation de
cette condition – et donc sur une allégation à l’effet que la manifestation
n’était pas paisible – que les policiers motivèrent l’arrestation de M. Singh.
Dans
l’exercice de leurs fonctions, les policiers s’exposent à des recours en
responsabilité civile fondés sur les trois critères habituels (références
omises):
[31] Les principes de
responsabilité civile extracontractuelle s’appliquent à l’ensemble des
justiciables. Les policiers ne bénéficient d’aucune immunité particulière dans
l’exercice de leurs fonctions. Il appartient donc à celui qui soutient avoir
subi des dommages en raison de la faute du policier de prouver par
prépondérance des probabilités les trois éléments générateurs de responsabilité
civile : la faute du policier, ses dommages et le lien de causalité entre les
deux.
[32] C’est en comparant la
conduite du policier au modèle du policier normalement prudent et diligent,
placé dans les mêmes circonstances, qu’on doit rechercher si, oui ou non, il a
commis une faute.
[33] Les policiers qui procèdent
à une arrestation doivent avoir des motifs raisonnables et probables de croire
qu’une infraction a été commise.
Or en
l’espèce, la preuve ne supportait pas la prétention des policiers suivant
laquelle la manifestation n’était pas paisible. Pour cette raison, la Cour a
jugé que l’arrestation avait été effectuée sans motifs raisonnables et
probables, et donc en contravention à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Comme la Cour en vient également
à la conclusion que c’était « de façon volontaire et délibérée, et
uniquement dans le but de justifier l’arrestation de M. Singh, que les
policiers […] ont déclaré la manifestation non paisible » (par. 112), ceux-ci
ont été condamnés à titre personnel et de façon solidaire, à payer 15 000$ en
dommages exemplaires à M. Singh.
En
revanche, pour ce qui est d’évaluer si un procureur de la Couronne a commis une
faute (en l’occurrence, en formulant, selon M. Singh, des offres de règlement
dans le but illégitime d’éviter une poursuite éventuelle de M. Singh) – un
critère spécial, décrit comme suit, doit être appliqué (références omises) :
[87] La responsabilité des
substituts est […] limitée à la faute intentionnelle, c’est-à-dire aux
comportements qui révèlent une mauvaise foi, une intention de nuire, une
volonté d’utiliser le système judiciaire dans un but illégitime ou de dénaturer
la justice.
[88] Les décisions prises par un
procureur de la Couronne dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire
échappent donc en général au contrôle judiciaire, sous réserve de l’application
stricte de la règle de l’abus de procédure. En contrôlant judiciairement la
conduite d’un procureur de la Couronne, les tribunaux n’interviendront que dans
des cas exceptionnels […]
De l’avis du Tribunal, les faits de l’affaire ne permettaient pas de
conclure que le procureur avait commis une telle faute dans l’exercice de ses
fonctions.
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