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Par Sophie Perron |
Suite à
l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile, l’objection fondée sur
le privilège relatif au litige fait partie des objections qui continuent d’être
tranchées aussitôt que possible après qu’elles aient été soulevées (articles
228 et 297 C.p.c.). Le 5 février dernier, la Cour d’appel du
Québec a rappelé les principes et le fardeau de preuve de celui qui s’objecte
sur cette base dans l’affaire Compagnie d’assurances AIG du Canada c. Solmax International (2016 QCCA 258).
Dans ce
dossier, dans un arrêt unanime des juges
Doyon, Savard et Mainville, j.c.a., la Cour d’appel du Québec rejette l’appel
et rejette l’objection de Compagnie d’Assurances AIG du Canada (« AIG »).
AIG
s’était objectée à transmettre « les échanges entre son service des
réclamations et celui de la souscription relativement à la couverture
et /ou au refus de la couverture de la réclamation de Solmax International
Inc. ».
La Cour
d’appel rappelle d’abord l’objectif du privilège relatif au litige :
[3] Le privilège relatif au litige a pour objectif d’assurer
l’efficacité du processus contradictoire et vise à créer une « zone de
confidentialité » permettant aux parties de préparer en toute liberté leurs
arguments, comme le souligne la Cour suprême dans Blank c. Canada (Ministre de
la Justice)[1].
En l’espèce, les échanges auxquels donne lieu cette préparation ne seront
privilégiés « que si le but principal ou substantiel de [leur] création a
été d'aider une partie en vue d'un litige »[2],
existant ou à venir.
Elle
revoit ensuite le critère qui doit être rencontré à savoir que la préparation
du litige doit être l’objet principal de la communication ou du document :
[4] Dans Blank c. Canada (Ministre de la Justice), la Cour
suprême fait état de trois types de documents dans ce domaine : ceux dont
un objet important est la préparation du litige, ceux dont c’est l’objet
principal et ceux dont c’est l’unique objet. Elle retient le critère de l’objet
principal, par opposition à celui de l’objet important. Cela permet de conférer
une protection compatible avec les caractéristiques du privilège, qui constitue
une exception limitée au principe de la communication complète de la preuve[3]. En
conséquence, ceux dont la préparation du litige n’est qu’un des objets, sans
être l’objet principal, ne peuvent se voir conférer le statut de documents
protégés.
Finalement,
la Cour d’appel souligne qu’il revient à la partie qui invoque le privilège
relatif au litige de démontrer que l’objet principal du document est la
préparation du litige :
[5] Somme toute, la condition
essentielle à l’applicabilité du privilège relatif au litige est que le
document ait pour objet principal la préparation du litige et c’est à la partie
qui invoque le privilège de démontrer que ce critère est satisfait[4].
En ce sens, le privilège relatif au litige doit être interprété
restrictivement, contrairement au secret professionnel dont l’interprétation
large est favorisée.
[6] En l’espèce, à ce stade des procédures et selon la preuve considérée
par le juge de première instance, l’appelante n’a pas établi que le but
principal des échanges entre ses deux services était la préparation du litige.
Il s’agissait principalement de l’aider à décider si la réclamation devait être
acceptée. Même s’il est possible que ces échanges soient aussi utiles à
l’appelante dans le cadre du litige, cela n’en fait pas l’objet principal, même
si ce peut être un objet important.
Cet arrêt
succinct constitue du même coup un excellent aide-mémoire pour tout avocat
comptant s’objecter à la communication d’un document sur la base du privilège
relatif au litige.
[1] Blank c. Canada (Ministre de
la Justice), [2006] 2 R.C.S. 319, 2006 CSC 39, paragr. 27 et 34.
[2] Jean-Claude Royer et
Sophie Lavallée, La preuve civile, 4e éd.,
Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, paragr. 1149.
[3] Blank c. Cananda, paragr.
59 et 60.
[4] Marie-Josée Hogue et
Berly Lelièvre-Acosta, « Secret
professionnel et communications privilégiées », dans JurisClasseur Québec,
coll. « Droit civil », Preuve et prescription,
fasc. 11, Montréal, LexisNexis Canada, feuilles mobiles, paragr. 25.
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