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Par Julien Lussier |
Dans la
décision Côté c. Laforest (2016 QCCS 2781) la
demanderesse a gain de cause contre le défendeur, son ex-conjoint de fait, dans
le cadre d’une action en enrichissement injustifié. Le défendeur est par
ailleurs l’unique administrateur et principal actionnaire des sociétés
défenderesses. Après avoir tenté, en vain, d’exécuter son jugement, la
demanderesse s’adresse à la Cour supérieure afin de faire déclarer inopposables
des actes d’hypothèques consenties par certaines des sociétés défenderesses, en
plus de demander la levée du voile corporatif.
Reprenant
les enseignements de la Cour d’appel dans Duchesne c. Demers, la Cour supérieure
accueille l’action de la demanderesse, déclare inopposable les actes
d’hypothèques publiés sur les immeubles des sociétés défenderesses, et soulève
le voile corporatif à l’encontre de l’ensemble de ces dernières.
Concernant
la levée du voile corporatif, la Cour supérieure conclut que le défendeur étant
seul administrateur des sociétés défenderesses, celles-ci avait nécessairement
connaissance de ses intentions frauduleuses au moment de consentir les
hypothèques. La Cour ordonne donc la levée du voile corporatif, afin d’éviter
que des gestes abusifs soient posés par le défendeur, par l’entremise de
sociétés ayant une personnalité juridique distincte, et au détriment de la
créancière :
[49] Le
défendeur et les sociétés mises en cause [sic] sont
administrées [sic]
par le même individu, alors le tiers n’est pas un tiers mais bien la même
personne. Comment peut-on penser qu’il est de bonne foi ?
[50]
Compte tenu de l’ensemble de ces facteurs, le Tribunal se doit de lever le
voile corporatif et de reconnaître qu’Omer Laforest et ses entreprises ont la
même personnalité juridique pour les fins des présentes.
[…]
[65] Le
créancier en faveur duquel les hypothèques sont consenties doit avoir
conscience de l’intention frauduleuse.
[66] En
l’espèce, les hypothèques ont été consenties à la société défenderesse
Machinerie Bromer, laquelle est unie par les liens juridiques avec le défendeur
Laforest. Les quatre sociétés défenderesses ont toutes le même actionnaire
dirigeant et administrateur commun, le défendeur Laforest.
[67] Le
Tribunal conclut que la prise des hypothèques conventionnelles en faveur de
Machinerie Bromer le fut par le défendeur en connaissance du préjudice que la
demanderesse subirait.
[…]
[72]
L’action en inopposabilité a pour but de protéger les créanciers de certaines
manœuvres frauduleuses pouvant être entreprises sous le voile du chapeau
corporatif.
[73]
Après avoir entendu le témoignage du défendeur et lu les différents jugements
rendus tant par des collègues de la Cour supérieure que ceux de la Cour d’appel
étant intervenus dans le présent litige opposant la demanderesse Côté au
défendeur Laforest, la levée du voile corporatif s’impose afin d’éviter que des
gestes abusifs au détriment de la créancière Côté puissent être causés.
À noter
qu’au départ, la créance de la demanderesse est exigible contre le défendeur
personnellement, et non les sociétés défenderesses. Il ne s’agit donc pas du
cas classique où le créancier tente de soulever le voile corporatif de la
débitrice (généralement une personne morale insolvable) afin d’être en mesure
d’exécuter son jugement contre son âme dirigeante personnellement.