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Par Julien Lussier |
En mars 2014, le défendeur Leblanc démissionne de son poste de directeur régional de la demanderesse, Muskoka Minerals & Mining Inc. (« Muskoka »). En avril 2014, il fonde, avec la défenderesse Sablières Chevrier et Fils inc. (« Chevrier ») – qui était jusqu’en décembre 2013 le principal fournisseur en agrégat (sable) de Muskoka – la défenderesse Soltek Agrégats Inc. (« Soltek »). Peu de temps après, Soltek débute ses activités de vente d’agrégat, faisant du même coup concurrence à Muskoka.
Avant sa démission, Leblanc avait également
incorporé la défenderesse 9260-2556 Québec Inc., spécialisée dans les services
d’excavations et de mise en place d’agrégats. Au moment de sa démission, Leblanc
n’était lié par aucune clause de non-concurrence. Quant à Chevrier, elle n’était
liée par aucune clause d’exclusivité en faveur de Muskoka.
La demanderesse intente un recours à
l’encontre des quatre défendeurs, leur réclamant solidairement 1 447 189,90$.
Le fondement de la demande découle de la prétendue violation, par Leblanc, de
son obligation de loyauté, et de la complicité des autres défendeurs. Muskoka
reproche également à Chevrier d’avoir cessé d’être son fournisseur.
C’est dans ce contexte que les
défendeurs présentent une Demande en déclaration d’abus à l’encontre de la
demande de Muskoka, afin de faire déclarer que les dommages réclamés sont exagérés
et abusifs, et soustraire certains des défendeurs à quelques-unes de
conclusions qui ne les concernent manifestement pas.
La Cour supérieure, sous la plume de
l’honorable juge Catherine Mandeville, accueille en partie la demande des
défendeurs. D’une part, celle-ci juge que même la jurisprudence la plus
généreuse en matière de devoir de loyauté ne fait pas survivre celui-ci au-delà
d’une période de quelques mois, et que les pertes de profits alléguées par
Muskoka - si elles devaient être établies – ne devraient tout au plus couvrir
qu’une période de douze (12) mois suivant la démission de Leblanc :
[24]
Le Tribunal est d’avis que l’ampleur des dommages réclamés pour perte de
profits bruts est nettement exagérée, car elle résulte d’estimations fondées
sur la prémisse que Muskoka aurait le droit de bénéficier d’une période de
quatre ans sans concurrence. Ceci ne peut se justifier au regard du droit
applicable et il y a lieu d’exiger de la Demanderesse qu’elle réduise sa
réclamation de façon à ce qu’elle se limite à une perte de bénéfices et des
dommages en raison d’une concurrence exercée sur une période de 12 mois à
compter du départ de l’employé Leblanc, soit de mars 2014, à mars 2015.
[25]
En effet, l’ampleur du montant réclamé pas Muskoka entraîne des difficultés de
financement à Soltek ainsi qu’à son actionnaire Leblanc personnellement. Cette réclamation
est abusive en ce qu’elle vise une indemnisation pour une période de quatre ans
sans concurrence, ce qui est exorbitant de l’état du droit en une telle
matière. Au surplus, en raison du montant élevé réclamé, cette réclamation crée
des difficultés de financement à l’entreprise, limitant ses opportunités de lui
faire concurrence.
Poursuivant
son analyse, la Cour se penche ensuite sur certaines des conclusions qui, selon
les défendeurs, ne concernent pas l’ensemble de ceux-ci. Leur donnant raison
sur ce point, la Cour reconnaît que :
[31]
[…] Dans la Demande, aucun allégué ne permet de soutenir que Chevrier, Soltek
ou 9260 aient commis de faute dans le cadre du contrat de « Fleurs-O-Pavé ».
Ces trois Défendeurs n’ont aucunement participé à la réalisation de ce contrat.
La Demande devrait plutôt viser seul Leblanc, puisque c’est lui qui aurait
commis une faute, alors qu’il était toujours à l’emploi de Muskoka. Il ne
s’agit donc pas de concurrence déloyale. Il n’est pas possible d’avancer à la
lumière des faits allégués qu’il y ait solidarité, même imparfaite, entre les
Défendeurs, car aucune faute ne leur est reprochée. La Demande devra être
amendée en conséquence.
La Cour suit également le même
raisonnement pour soustraire la défenderesse 9260-2556 Québec Inc. de la
réclamation pour perte de profits, estimant que cette dernière, en raison du
fait qu’elle opère dans un secteur d’activité distinct, ne peut avoir contribué
à la prétendue concurrence déloyale.
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