Le 9 juillet 2015, dans l’affaire Premier Tech ltée c. Dollo, 2015 QCCA 1159, la Cour d’appel du Québec passe en revue les
grands principes applicables en matière d’oppression vis-à-vis un haut
dirigeant congédié à qui l’on empêche d’exercer ses options d’achat d’actions.
Mon associée Janet Michelin a attiré votre
attention sur cette décision un peu plus tôt sur ce blogue, principalement en
lien avec le droit de l’emploi.
La Cour d’appel confirme le jugement de première
instance qui conclut à de l’oppression et ordonne l’émission de plus de 200 000
actions à l’ancien dirigeant pour ensuite du même coup ordonner le rachat de
ces actions par l’actionnaire majoritaire de la compagnie, en conformité à la
convention unanime d’actionnaires, pour une somme de plus de 1.9 millions de
dollars devant être payée à l’ancien dirigeant.
La clause 8.01.2 du régime d’options d’achat
d’actions de la compagnie était au cœur du litige. Elle se lit comme
suit :
8.01.2 Advenant
la cessation des fonctions du Bénéficiaire auprès de la Société pour toute
raison autre que son décès, sa retraite ou son invalidité, tout octroi en cours
expire à la date de la cessation de ses fonctions, de sorte qu'à compter de
cette dernière date, le Bénéficiaire perd tous ses droits dans l'octroi à
l'égard des Actions pour lesquelles il n'a pas encore levé son Option, à moins
que le conseil d'administration, à sa seule discrétion, n'en décide autrement;
L’ancien dirigeant congédié sans cause juste et
suffisante et la compagnie s’étaient entendues sur tous les aspects de sa
terminaison d’emploi, incluant le rachat des actions dont il était déjà détenteur,
à l’exception de ceux relatifs à ces options d’achat.
La Cour d’appel conclut que la clause 8.01.2
précitée n’est pas abusive.
Sur la question de l’oppression, la Cour d’appel
confirme d’abord le statut de plaignant du demandeur au sens de l’article 241
L.c.s.a. Après avoir revu l’ensemble des principes applicables, elle conclut
que le demandeur possède un intérêt suffisant à titre d’ancien actionnaire.
Elle ajoute à la page 27 :
[124] Incidemment,
je ne puis souscrire à l’idée voulant que l’oppresseur, par un rachat forcé
d’actions, fasse perdre à la personne qui se dit victime d’oppression son
statut de plaignant, et ce, pour mettre son recours en échec.
La Cour d’appel conclut par la suite que compte
tenu des promesses verbales faites par les hauts dirigeants de Premier Tech, le
refus du conseil d’administration de cette dernière d’intervenir et de passer
outre à la règle, conformément à son pouvoir selon la clause 8.01.2, constitue
de l’oppression. Les paragraphes suivants de la décision aux pages 38 et 39 le
résument bien :
[167]
Premièrement, elle démontre l’existence des attentes légitimes de Dollo qui, en
raison des promesses qui lui ont été faites, était en droit de s’attendre, en
toute légitimité, qu’il allait pouvoir exercer ses options malgré la rupture de
son lien d’emploi.
[168]
Deuxièmement, relativement à l’effet préjudiciable du non-respect de cette
attente, il coule de source. Dollo a renoncé à exercer ses options plus tôt,
sur la foi de ces assurances, avec les conséquences qui en découlent.
[169] Quant à
l’oppression, elle découle du refus du conseil d’administration de Premier Tech
de passer outre à la règle pour corriger l’injustice, malgré le pouvoir que lui
conférait l’article 8.01.2.
[170] Vu la
violation des attentes légitimes de Dollo, le conseil d’administration avait le
devoir d’intervenir.
[171] De fait, en
refusant de corriger cette injustice, les membres du conseil d’administration
ont fait le jeu de Bernard Bélanger, le président de Premier Tech, et de sa
société Gestion Bélanger, qui avaient tout intérêt à ce que Dollo n’exerce pas
ses options. Pourquoi? Pour la simple et bonne raison qu’au final, c’est
Gestion Bélanger qui devait procéder au rachat des actions de Dollo à un prix
de 1 926 704 $!
[…]
[173] En définitive,
j’estime qu’en représentant à Dollo que ses options n’étaient pas à risque dans
l’éventualité où il serait congédié, et ce, quelques mois avant son
congédiement effectif, en empruntant l’expression « ce qui est gagné est
gagné », les dirigeants de Premier Tech l’ont induit en erreur. Pour cette
raison, Premier Tech n’était pas recevable à lui opposer la clause 8.01.2. du
Régime.
La Cour d’appel termine en
rappelant qu’on ne peut tirer avantage de sa propre faute. Elle ajoute que si
une personne, par ses propos, amène une autre à modifier sa position et ce à
son détriment, elle peut en être tenue responsable, comme ce fut le cas dans
cette affaire.
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