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Friday, 15 July 2016

Court of Appeal (Reluctantly) Clarifies Starting Point for Time Limit in Appeal


By Audrey Boctor


While it may not be the most riveting topic, the Court of Appeal’s decision in Martineau c. Ouellet, 2016 QCCA 142 is nonetheless one that every litigator in Quebec needs to know.

At issue was the interpretation art. 360 of the new Code of Civil Procedure, and more specifically, the meaning of “the date of the notice of judgment”:

360. La partie qui entend porter un jugement en appel est tenue de déposer sa déclaration d’appel avec, s’il y a lieu, sa demande de permission d’appeler, dans les 30 jours de la date de l’avis du jugement ou de la date du jugement si celui-ci a été rendu à l’audience.

Le dépôt et la signification d’un appel incident ont lieu dans les 10 jours de la signification de la déclaration d’appel ou de la date que porte le jugement autorisant l’appel.

360. A party intending to appeal a judgment is required to file a notice of appeal within 30 days after the date of the notice of judgment or after the date of the judgment if it was rendered at the hearing. If leave to appeal is required, the notice of appeal must be filed together with an application for leave to appeal.

A notice of incidental appeal must be filed and served within 10 days after service of the notice of appeal or after the date of the judgment granting leave to appeal.

What might seem like a simple question was in fact not so simple to answer:

[21] Ceci étant, demeure la question suivante : la date de l’avis de jugement est-elle la date que porte l’avis de jugement, qui correspond, de façon générale, à la date où il est inscrit au plumitif de la cour compétente, ou la date de la réception de cet avis (prise de connaissance) ou, encore, la date de l’expédition de cet avis? 

Under the former Code of Civil Procedure (art. 494), the rule was “[…] within 30 days of the date of the judgment / […] dans les 30 jours de la date du jugement”.  The Court of Appeal had interpreted that as meaning 30 days from the date the party had knowledge or ought to have had knowledge of the judgment, so as to ensure that parties would have a full 30 days to exercise their rights (para. 23).

Clearly the wording changed from old to new CCP, but what did this change mean?  The Minister’s Comments were, unfortunately, “guère utile” (para. 22): on the one hand, the Minister wrote, “[c]et article reprend essentiellement the droit antérieur”; at the same time, she specified that “[l]e point de départ pour calculer ce délai de 30 jours est  […] la date de l’avis du jugement prévu à l’article 335, et non la date de la notification de cet avis.” Essentially, une chose et son contraire.

The notice of judgment to which art. 335 refers is distinct from the actual judgment and is meant to notify the parties that judgment has been rendered.  Both are registered on the docket.  While one might think the notice and the judgment would be sent together, this is in fact not always the case.  As the Court points out, in some districts both are sent together by mail; in others they are sent separately, by different means and on different dates. In all cases, there is a lag, longer or shorter depending on the circumstances, between registration on the court docket of the notice of judgment and the judgment itself and their notification to the parties. Of course, in some districts (such as Montreal) it is common practice for the judge’s assistant to email a copy of the judgment to the parties, often before it is even registered on the docket. However, “[c]et envoi, non systématique, est par ailleurs volontaire et n’est assujetti à aucune politique ou directive interne.  Cette pratique ne peut cependant tenir lieu des modalités prescrites par le C.p.c.(para 19).

After examining the legislative history, the Court, much to its dismay, came to the conclusion that the legislator intended for time to run as of the date of the notice, regardless of when the notice is actually sent or received by the parties:

[30] Lu de concert avec les commentaires in fine de la ministre et les débats parlementaires, l’historique législatif atteste du bien-fondé de la thèse avancée par la procureure générale. Ainsi, la Cour est d’avis qu’en vertu de l’article 360 C.p.c., le point de départ du délai d’appel d’un jugement autre que celui rendu à l’audience correspond à la date que porte l’avis de jugement, et non à la date de sa connaissance ni à celle de son envoi. Le législateur privilégie ainsi un point de départ du délai d’appel unique pour toutes les parties d’un même dossier, peu importe leur nombre, et qui, au surplus, fait abstraction de toutes ambiguïtés factuelles entourant l’identification de la date réelle de connaissance de l’avis de jugement. Le calcul du délai d’appel, que ce soit aux fins de l’émission d’un certificat de non-appel (article 3073 C.c.Q.) ou de l’exécution d’un jugement, s’en trouve ainsi simplifié, à tout le moins en théorie.

[31] Ceci étant, il demeure qu’en s’écartant ainsi du droit antérieur, le législateur fait un choix qui peut en étonner plusieurs, notamment à la lumière des principes déjà énoncés par la Cour. (Emphasis added)

As the Court points out, its prior jurisprudence was based on the importance of the right of appeal and on giving parties a full 30 days to examine their options and make a decision:

[33] On aurait pu penser qu’il devait en être de même en vertu du nouveau Code de procédure civile où le droit d’appel, de même que le temps de réflexion, demeurent tout aussi importants.

[34] On aurait également pu croire que les parties devaient bénéficier « […] du [même] plein délai de 30 jours voulu par le législateur […] », peu importe que le jugement soit rendu à l’audience ou après délibéré. Or, vu le choix du législateur, tel ne pourra en toutes circonstances être le cas si ce n’est qu’en raison du seul délai administratif inhérent à l’émission de l’avis de jugement après son inscription et à sa notification aux parties. Le délai d’appel se trouve ainsi à courir avant même que les parties soient informées que le jugement a été rendu. On peut donc s’interroger sur la raison d’être d’un délai moindre que les 30 jours prévu par le législateur, qui sera fonction, un, de la décision du juge de mettre le dossier en délibéré par opposition à sa décision de le prononcer à l’audience et, deux, des procédures administratives au sein du district judiciaire concerné.

At the end of the day however, it is for the legislator to make such decisions, even if the Court disagrees:

[36]  Mais il demeure que le législateur s’est exprimé et qu’il lui était loisible de s’écarter des principes énoncés par la Cour sous l’ancien Code de procédure civile. Il ne revient pas aux tribunaux de légiférer à sa place. Le point de départ du délai d’appel d’un jugement autre que celui rendu à l’audience correspond donc dorénavant à la date que porte l’avis de jugement.

[37]  Par ailleurs, pour rendre le tout cohérent et pallier les difficultés potentielles résultant du choix du législateur, il importe que les greffes soient en mesure de faire le travail que celui-ci leur a confié et que les moyens nécessaires à cette fin soient mis à leur disposition. Il ne revient pas aux juges d’assumer ce rôle en transmettant aux parties une copie de leurs jugements dès leur signature, avant même que ceux-ci ne soient inscrits au plumitif et que l’avis de jugement ne soit émis. La pratique est certes commode, mais, comme l’indique le paragraphe [19], elle ne remplace pas les formalités édictées par le C.p.c. et ne peut remédier aux insuffisances du système.

To make a long story short: the time limit in appeal starts to run from the date of the notice of judgment, regardless of when the parties or their counsel receive the notice or even the actual judgment.


Friday, 8 July 2016

L’exemplarité en droit disciplinaire : un facteur modelé par les circonstances



Par Raphael Lescop avec la collaboration de Joel Roy

Dans la décision Gagnon c. Ingénieurs (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 97, le Tribunal des professions souligne le caractère modulaire du facteur de dissuasion dans la détermination des sanctions en droit disciplinaire. En effet, le Tribunal mentionne que celui-ci devra être plus ou moins pris en compte selon le contexte particulier dans lequel s’inscrit l’infraction.

Le dossier concerne les actes d’une ingénieure qui aurait, selon le Tribunal, « procédé à [un] stratagème de falsification de bordereaux de dépôts » (para 10) en vue de créer une « réserve budgétaire » à partir de laquelle le paiement des travaux supplémentaires pouvait s’effectuer sans recourir au processus de directive de changement (para 14). Ayant plaidé coupable devant le Conseil de discipline, l’ingénieure considère néanmoins la sanction de 18 mois de suspension comme étant trop sévère dans les circonstances. Selon ses prétentions, le Conseil aurait « trop insisté sur l’exemplarité et la protection du public » et pas assez sur l’absence de « conséquences matérielles » causées par sa faute (para. 27).
Après avoir réitéré le rôle principal des Conseil de discipline d’assurer la protection du public, le Tribunal énonce qu’il est justifié de donner préséance à l’exemplarité de la sanction lorsqu’un contexte de manquements déontologiques généralisés nécessite un son de cloche particulier à l’ensemble de la profession :

[35] Le Conseil pouvait également tenir compte que les ingénieurs ont vécu et vivent toujours une période trouble et ainsi s’assurer que la sanction imposée dissuade un autre professionnel d’agir comme l’a fait l’appelante.

[36] Au sujet des raisons pouvant justifier le Conseil à mettre l’accent sur le volet exemplarité, notre tribunal écrit dans Mercier c. Médecins (Ordre professionnel des) :

[35] La décision du Conseil comporte un volet d’exemplarité et de dissuasion. Il s’agit de l’un des objectifs reconnus dans le cadre de l’imposition d’une sanction en droit disciplinaire. Le caractère exemplaire d’une sanction n’est pas réservé aux cas où il y a lieu de faire cesser une pratique généralisée ou lorsqu’une situation nouvelle pourrait devenir répandue chez les pairs, à défaut d’envoyer un message à la communauté professionnelle.

[36] La notion d’exemplarité trouve également son fondement dans la gravité de l’infraction, dans son caractère répétitif et dans la nécessité d’assurer la protection du public. À cet égard, le Conseil rappelle que l’effet dissuasif et exemplaire d’une sanction ne doit pas être un concept statique et doit être modulé à la lumière de l’évolution de la société et de la pratique de la médecine. (…).

[37] Force est de constater qu’en l’espèce, le Conseil détenait les éléments suffisants pour justifier de donner préséance à l’exemplarité en imposant une radiation temporaire de 18 mois : les infractions sont sérieuses, un système complexe et fort bien structuré a été mis en place par l’appelante qui l’a utilisé pendant deux ans et la nécessité de protéger le public en raison du fait qu’il s’agissait d’une pratique courante dans la profession. (nos soulignements)
Bref, même si le caractère fautif d’une pratique ne sera déterminé que par référence au caractère objectif de celle-ci, la rigueur de la sanction dépendra de facteurs qui dépasseront parfois les simples faits et conséquences du dossier lui-même. Que les professionnels se le tiennent pour dit : il suffit d’être celui pointé du doigt pour risquer de faire les frais de l’ensemble des adhérents d’une pratique blâmable.

Thursday, 30 June 2016

VOILE CORPORATIF LEVÉ ET INOPPOSABILITÉ ACCUEILLIE À L’ENCONTRE D’HYPOTHÈQUES CONSENTIES EN FRAUDE DES DROITS DU CRÉANCIER

Par Julien Lussier

Dans la décision Côté c. Laforest (2016 QCCS 2781) la demanderesse a gain de cause contre le défendeur, son ex-conjoint de fait, dans le cadre d’une action en enrichissement injustifié. Le défendeur est par ailleurs l’unique administrateur et principal actionnaire des sociétés défenderesses. Après avoir tenté, en vain, d’exécuter son jugement, la demanderesse s’adresse à la Cour supérieure afin de faire déclarer inopposables des actes d’hypothèques consenties par certaines des sociétés défenderesses, en plus de demander la levée du voile corporatif.

Reprenant les enseignements de la Cour d’appel dans Duchesne c. Demers, la Cour supérieure accueille l’action de la demanderesse, déclare inopposable les actes d’hypothèques publiés sur les immeubles des sociétés défenderesses, et soulève le voile corporatif à l’encontre de l’ensemble de ces dernières.

Concernant la levée du voile corporatif, la Cour supérieure conclut que le défendeur étant seul administrateur des sociétés défenderesses, celles-ci avait nécessairement connaissance de ses intentions frauduleuses au moment de consentir les hypothèques. La Cour ordonne donc la levée du voile corporatif, afin d’éviter que des gestes abusifs soient posés par le défendeur, par l’entremise de sociétés ayant une personnalité juridique distincte, et au détriment de la créancière :

[49] Le défendeur et les sociétés mises en cause [sic] sont administrées [sic] par le même individu, alors le tiers n’est pas un tiers mais bien la même personne. Comment peut-on penser qu’il est de bonne foi ?

[50] Compte tenu de l’ensemble de ces facteurs, le Tribunal se doit de lever le voile corporatif et de reconnaître qu’Omer Laforest et ses entreprises ont la même personnalité juridique pour les fins des présentes.

[…]

[65] Le créancier en faveur duquel les hypothèques sont consenties doit avoir conscience de l’intention frauduleuse.

[66] En l’espèce, les hypothèques ont été consenties à la société défenderesse Machinerie Bromer, laquelle est unie par les liens juridiques avec le défendeur Laforest. Les quatre sociétés défenderesses ont toutes le même actionnaire dirigeant et administrateur commun, le défendeur Laforest.

[67] Le Tribunal conclut que la prise des hypothèques conventionnelles en faveur de Machinerie Bromer le fut par le défendeur en connaissance du préjudice que la demanderesse subirait.

[…]

[72] L’action en inopposabilité a pour but de protéger les créanciers de certaines manœuvres frauduleuses pouvant être entreprises sous le voile du chapeau corporatif.

[73] Après avoir entendu le témoignage du défendeur et lu les différents jugements rendus tant par des collègues de la Cour supérieure que ceux de la Cour d’appel étant intervenus dans le présent litige opposant la demanderesse Côté au défendeur Laforest, la levée du voile corporatif s’impose afin d’éviter que des gestes abusifs au détriment de la créancière Côté puissent être causés.


À noter qu’au départ, la créance de la demanderesse est exigible contre le défendeur personnellement, et non les sociétés défenderesses. Il ne s’agit donc pas du cas classique où le créancier tente de soulever le voile corporatif de la débitrice (généralement une personne morale insolvable) afin d’être en mesure d’exécuter son jugement contre son âme dirigeante personnellement.

Friday, 24 June 2016

Contesting Testamentary Capacity and the Admissibility of Confidential Medical Evidence – the Quebec Court of Appeal Weighs In


By Emma Lambert

In the recent case of Pagé v. Henley (Succession de), 2016 QCCA 964, the Quebec Court of Appeal addressed the admissibility of confidential medical evidence in the context of an action to set aside a notarial will.[1]

The facts of the case were relatively simple: the Appellant had taken an action to set aside a notarial will which had been signed by her 97-year-old mother just days before being hospitalized and subsequently diagnosed with Alzheimer’s disease. Pursuant to the disputed will, in addition to naming her son liquidator, the testator had left all of her property to her son (the Appellant’s brother), who had been living and caring for his mother at the time that the will was signed.

After instituting proceedings, the Appellant had obtained complete copies of her mother’s medical records from various medical institutions. In first instance, the trial judge excluded this medical evidence, as well as the medical expertise that relied upon it, as he concluded that it violated professional secrecy and had been illegally obtained in contravention of section 23 of the Act Respecting Health Services and Social Services. In the absence of the medical evidence and expertise, the trial judge had found that the Appellant had not met her burden of demonstrating her mother’s testamentary incapacity on a prima facie basis and had dismissed the Appellant’s action.

On appeal, the Court of Appeal disagreed with the trial judge’s analysis. The Court of Appeal confirmed that the medical records and expertise should have been admitted into evidence and highlighted the distinction to be drawn between the treatment of this evidence in an extrajudicial and a judicial context:

[28] Dans l’arrêt Frenette c. Métropolitaine (La), compagnie d’assurance-vie[2], la Cour suprême a établi une distinction importante entre la situation prévalant dans un contexte extrajudiciaire et celle qui survient dans un contexte judiciaire lorsqu’il s’agit de déterminer l’étendue de la protection accordée aux renseignements confidentiels contenus dans les dossiers médicaux:

Toutefois, à l'exception de ces cas où l'accès est clairement permis, l'étendue de la protection accordée aux renseignements confidentiels et son corollaire, l'obligation imposée à ceux qui détiennent ces renseignements, varient selon le contexte dans lequel on invoque le droit à la confidentialité pour empêcher la divulgation de renseignements. Cette variation découle des différents principes et droits dont il faut tenir compte en déterminant si les renseignements, dont la divulgation est demandée, devraient demeurer confidentiels (voir, par exemple, Andrée Lajoie, Patrick A. Molinari et Jean-Marie Auby, Traité de droit de la santé et des services sociaux (1981), à la p. 256; Yves-Marie Morissette et Daniel W. Shuman, « Le secret professionnel au Québec: une hydre à trente-neuf têtes rôde dans le droit de la preuve » (1984), 25 C. de D. 501; Léo Ducharme, « Le secret médical et l'article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne » (1984), 44 R. du B. 955, aux pp. 959 et 960). En conséquence, dans un contexte extrajudiciaire, le respect de la vie privée du particulier constitue le principe majeur qui sous-tend l'obligation d'un professionnel ou d'un hôpital de garder secrets leurs dossiers médicaux. Un tribunal est donc en droit, dans ces circonstances, d'interpréter d'une façon libérale l'obligation générale de non-divulgation imposée aux hôpitaux et aux professionnels de la santé, et d'une façon stricte toute violation du droit à la confidentialité.

Par contre, dans un contexte judiciaire, l'obligation de confidentialité qui incombe aux hôpitaux et l'obligation d'observer le secret professionnel qui incombe à des personnes comme les médecins se transposent en un privilège relatif à la preuve. Cela peut engendrer un conflit entre le droit au respect de la vie privée d'un particulier et les autres principes de justice fondamentale comme la contraignabilité, la divulgation de faits substantiels, le droit à une défense pleine et entière ainsi que la recherche de la vérité. En conséquence, il faut déterminer l'étendue des renseignements protégés par la confidentialité en tenant compte des intérêts divergents en présence. Les commentaires suivants des professeurs Royer et Ducharme, quoiqu'ils portent sur le secret professionnel, illustrent cette position. Bien que le concept du secret professionnel puisse avoir des fondements et des sources différents, comme la Charte et le Code de déontologie, bon nombre de ses principes sous-jacents sont similaires. Ainsi, les principes développés par la jurisprudence et la doctrine s'appliquent par analogie à la question de la confidentialité des dossiers hospitaliers.[3]

[Reproduction intégrale]

[29] Dans cet arrêt Frenette, la Cour suprême énonce que le critère applicable dans un contexte judiciaire est celui de la pertinence de la preuve et de l’importance des renseignements sollicités par rapport à la question en litige[4]. Selon la Cour, un juge sera « fortement enclin » à permettre l’accès aux dossiers médicaux dans le cas où l’état de santé du titulaire du privilège constitue la principale question en litige et où il n’existe pas d’autres moyens pour une partie de prouver ses prétentions[5].

The Court of Appeal stated that since the medical records in question were being used in a judicial context, their admissibility should have been determined on the basis of relevance and the importance of these records to the issues in dispute. Since the central issue in dispute was the testator’s capacity, the Court of Appeal affirmed that the medical records were indispensable and should have been admitted into evidence.

The Court of Appeal then turned to the question of whether the right to privacy and the right to the non-disclosure of confidential information enshrined in sections 5 and 9 of the Quebec Charter of Human Rights and Freedoms precluded the medical records – and the testimony of the medical professionals who had treated the testator – from being admitted into evidence.

Citing Justice Baudouin’s reasons in the case of D.(M.) c. D.(L.)[6], which dealt with the access to information contained in the confidential records of the director of youth protection, the Court of Appeal noted the distinction between the concept of confidentiality and the concept of professional secrecy:

Par contre, le raisonnement du D.P.J. à l'appui de son refus de permettre à l'appelant d'utiliser les renseignements au dossier ne me paraît pas juste en droit. Il plaide, en effet, l'analogie avec le secret professionnel et prétend qu'il est le détenteur du « secret professionnel » de l'enfant et, donc, que ni lui, ni un autre ne peut le transgresser sans en être explicitement relevé. Dans ce cas-ci, plaide-t-il, ce serait, vu le jeune âge de l'enfant, par l'appelant lui-même, comme si l'appelant était détenteur de ce secret!

Avec respect, il me paraît confondre deux notions, proches l'une de l'autre, mais pourtant distinctes en droit, soit le secret professionnel et la confidentialité. Si le premier contient toujours, par nature, la seconde, l'inverse n'est pas vrai, en ce sens que l'obligation de confidentialité n'est pas exclusivement tributaire de l'existence d'un secret professionnel. Elle peut, en effet, exister en dehors de ce strict contexte. Le secret professionnel s'incarne seulement dans une relation professionnelle (avocat-client, médecin-patient, etc.) qui est totalement absente en l'espèce. Le D.P.J. ne peut donc prétendre détenir le secret professionnel de personne. Par contre, il reste évidemment tenu à une obligation de confidentialité que lui impose la loi à l'égard de tous.

Le problème n'en est donc pas un de protection d'un prétendu secret professionnel, mais plutôt de préservation de la confidentialité des renseignements à l'égard des tiers.[7]

Based on this reasoning, the Court of Appeal determined that the trial judge had erred in excluding the medical records, and the testimony of the individuals who had treated the testator, on the basis of professional secrecy. In so doing, the Court of Appeal recalled that Quebec Courts have adopted a narrow interpretation of professional secrecy for professions other than lawyers and notaries – an approach which was confirmed by the Supreme Court in Frenette c. Métropolitaine (La), compagnie d’assurance-vie.

The Court of Appeal concluded that in light of its necessity and probative weight, the medical evidence – and the expertise that was based on it – adduced by the Appellant was indeed admissible and established on a prima facie basis that the testator was incapable at the time she had signed her will.

Ultimately, after carefully reviewing the testimony and evidence in the record, the Court of Appeal determined that the Respondent had been unable to successfully present a convincing counter-proof to establish the testator’s consent and the validity of the will and therefore allowed the appeal.




[1] It should be noted that the action also sought the nullity of a will made in the presence of a witness as well as a mandate in the case of incapacity.
[2] Frenette c. Métropolitaine (La), compagnie d’assurance-vie, 1992 CanLII 85 (CSC), [1992] 1 R.C.S. 647.
[3] Ibid., p. 674-676.
[4] Ibid., p. 685. Voir aussi : Glegg c. Smith & Nephew Inc., 2005 CSC 31 (CanLII), [2005] 1 R.C.S. 724, paragr. 21, p. 736; Fédération des infirmières et infirmiers du Québec c. Hôpital Laval, 2006 QCCA 1345 (CanLII), [2006] R.J.Q. 2384 (C.A.), paragr. 24, p. 2389.
[5] Frenette c. Métropolitaine (La), compagnie d’assurance-vie, arrêt précité, note 10, p. 686.
[6] D.(M.) c. D.(L.), 1998 CanLII 12825 (QC CA), [1998] R.J.Q. 1366 (C.A.).
[7] Ibid., p. 1375.

Friday, 17 June 2016

IMMOBILIER : ATTENTION À LA POSSIBILITÉ DE CONSTRUIRE DANS UNE ZONE!

Par Sophie Perron
Les représentations d’un vendeur au sujet de développements positifs avec une ville quant à la possibilité de construire de nouveaux immeubles dans une zone ne sont pas suffisantes pour que l’acheteur obtienne des dommages lorsque la modification du zonage n’est au final pas autorisée par la ville. Dans la décision 9202-0767 Québec Inc. c. Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal (2016 QCCS 2578), l’honorable juge Donald Bisson, j.c.s. a refusé de voir dans les documents contractuels de vente et au-delà de ceux-ci une condition implicite qui ne s’y trouvait pas expressément.

Dans ce dossier, la question principale était de savoir si Les Prêtes de Saint-Sulpice de Montréal (les « PSS ») devaient êtes tenus responsables du fait que la Ville de Montréal n’avait pas modifié ses règlements municipaux afin de permettre la construction de bâtisses neuves sur une partie jamais développée d’une immense propriété située sur les flancs du Mont-Royal. La demanderesse 9202-0767 Québec Inc. réclamait de PSS une somme de 29,5 millions de dollars à titre de diminution du prix de vente.

Après avoir revu l’ensemble de la preuve sur cette question, l’honorable juge Bisson, j.c.s, écrit : 
[132] Le fait que les PSS aient rapporté à Québec Inc. des développements intéressants avec la Ville de Montréal n’en fait pas une obligation ni une condition formelle de la vente.  Ces propos expliquent pourquoi Québec Inc. a déposé son offre sans aucune condition sur le zonage.  Ce faisant, Québec Inc. prenait une chance et assumait le risque que le zonage ne soit jamais modifié selon son désir.  Québec Inc. aurait pu inclure une clause formelle selon laquelle, advenant le cas où le changement de zonage quant aux zones 4a et 4c ne serait pas effectué dans un délai prédéterminé, les PSS s'engageaient à lui rembourser un certain montant préalablement fixé.  M. Miceli a préféré ne pas inclure une telle clause à ladite offre.

Plus loin, il traite des offres d’achat concurrentes qui avaient été reçues et il écrit :

[142] Lors de la deuxième ronde de soumission, deux offres étaient sans condition, incluant celle de Québec Inc.  Les dix autres contenaient toutes des conditions, dont cinq demandant le changement de zonage comme condition.  Certains offrants qui ont inclus la condition de changement de zonage ont offert des montants de 44 et 45 millions de dollars, très proches du montant de 46,300,000 $ offert par Québec Inc.
[143] Ainsi, tous les offrants ont mis des conditions, sauf M. Miceli.  Cela démontre que les documents contractuels n’avaient pas à mentionner davantage d’avertissement, puisque tout était clair pour tous.

Le tribunal conclut comme suit sur cette question :

[147] Donc, le Tribunal conclut que les PSS n’ont jamais représenté ou contracté une quelconque obligation, selon laquelle la réglementation municipale serait changée pour permettre tous les développements projetés par Québec Inc.  […].

L’honorable juge Bisson, j.c.s. conclut également en obiter qu’une condition en lien avec la modification future d’un règlement municipal ne peut pas faire partie de l’obligation de délivrance du vendeur à laquelle réfèrent les articles 1716 et ss. du Code civil du Québec en ce qu’il s’agit d’un élément futur « qui s’oppose au caractère immédiat de l’obligation de délivrance ».[1]



[1] Paragraphe 158 du jugement.

Friday, 10 June 2016

Poursuite – bâillon : la prudence doit céder le pas à la vigilance

Par Peter Kalichman
Dans un jugement rendu le 24 mai 2016, la Cour d’appel a accueilli l’appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une requête en rejet. La décision dans Bérubé c. Lafarge Canada inc., 2016 QCCA 874, met en relief l’approche distincte qu’un tribunal doit adopter lorsqu’on recherche le rejet d’une poursuite-bâillon.

Dans le contexte du dossier de la pyrrhotite, l’appelant, M. Bérubé, qui a témoigné en tant qu’expert dans un premier procès (le jugement phare) et qui par la suite a été engagé par plusieurs parties dans le contexte d’un deuxième procès, a été appelé en arrière-garantie par Lafarge Canada inc. et Marie De Grosbois (« Lafarge »). Lafarge reproche à M. Bérubé une faute extracontractuelle commise dans l’exécution d’un mandat d’analyse qui lui avait été confié par l’une des compagnies ayant fabriqué le béton vicié. Ces dernières n’ont pas poursuivi M. Bérubé.

M. Bérubé prétend que le but du recours récursoire de Lafarge est de lui disqualifier en tant qu’expert. Il présente donc une requête en rejet fondée sur les articles 54.1, 165(4), 216, 270 et 273.1 C.p.c. Le juge de première instance estime qu’il est impossible de statuer de façon définitive sur la responsabilité de M. Bérubé à ce stade des procédures. Dans le contexte de son analyse, le juge de première instance refuse de tenir compte de divers éléments factuels présentés par M. Bérubé, dont des extraits de témoignages rendus lors du procès qui a donné lieu au jugement phare.

La Cour d’appel conclut que le juge de première instance a erré dans l’exercice de sa discrétion de ce que constitue l’exercice excessif ou déraisonnable d’un droit. La Cour reconnait qu’en général les tribunaux doivent agir prudemment lorsqu’ils sont saisis d’une requête pour rejet en vertu de l’article 54.1 C.p.c. et ne doivent pas mettre fin prématurément à un recours sur une preuve partielle ou sommaire. Cependant, dans un passage qui risque d’être reproduit à maintes reprises dans le futur, la Cour explique que :

[25] Dans les cas où l’on allègue être en présence d’une poursuite-bâillon, la prudence doit céder le pas à la vigilance du juge qui doit accorder préséance à la volonté du législateur qui est de remédier à l’effet bâillon.

La Cour conclut que le juge de première instance a erré en refusant de considérer les éléments factuels que M. Bérubé avait présentés dans un but de donner un portrait global de la situation et de démontrer que le recours était bel et bien une poursuite-bâillon. Pour la Cour, une telle analyse approfondie est nécessaire puisque « le jugement au fond ne pourra remédier à l’effet bâillon de la poursuite ».

Après avoir analysé les éléments factuels que le juge de première instance a écartés, la Cour conclut que M. Bérubé a réussi à démontrer, de façon sommaire, que la poursuite était abusive ou qu’elle avait pour effet de le bâillonner. Il est intéressant de noter que parmi les éléments dont la Cour soupèse dans son évaluation des remèdes possibles est l’impact que l’action récursoire aura sur le déroulement du procès et sur les défendeurs pour qui M. Bérubé agit comme expert.


[67] (...) il faut également tenir compte du fait que si la mise en cause forcée de Bérubé se poursuit, cela risque fort de faire dérailler ou, à tout le moins, de retarder grandement non seulement le recours récursoire principal, mais aussi la deuxième vague des dossiers de la pyrrhotite. Les entrepreneurs, qui pouvaient compter sur leur expert depuis le début des procédures, perdront ses services et devront recourir à un autre expert, et cela, bien inutilement. Et cela aura aussi comme conséquence de faire attendre encore davantage des centaines de demandeurs qui ont bien besoin de voir leurs recours aboutir.

Friday, 3 June 2016

Now you see me… now you don’t!


By Kurt Johnson

Fraud in the financial services industry has been prevalent in recent years in Quebec. Think NorbourgMount RealEarl Jones…the not so illustrious list is a long one. And so is the line of investors queuing up to the Courts in the hopes of recouping at least some of their hard-earned savings, lost forever as one Ponzi scheme after the next seems to vapourize the nest eggs of unsuspecting investors.

But as quickly as those savings may disappear, so too may the insurance coverage investors are counting on when they hand their portfolios over to financial services representatives and firms duly registered with the Autorité des marches financiers (“AMF”).

 On May 16th, 2016, the Court of Appeal weighed in on what it qualified as a new question in this area: whether mandatory insurance contracted pursuant to the provisions of the Act respecting the Distribution of Financial Products and Services (“DFPSA”) can be annulled on the basis of misrepresentations or concealment of material facts.

The case of Brunet v. AXA Assurances Inc2016 QCCA 832[1]  presented a somewhat unique set of facts where the Appellants had the misfortune of dealing with a financial services representative, Themis Papadopoulos, who also happened to own 50% of the firm where the Appellants’ savings were being managed. As the directing mind of Triglobal Capital Management Inc. (“Triglobal”), Papadopoulos was responsible not only for managing the Appellants’ investments, but also for seeing to the renewal of Triglobal’s comprehensive liability insurance policy required under the mandatory provisions of the DFPSA and its regulations.

Like so many of the other cases of fleeced investors, the Appellants were lured into investing a significant portion of their portfolios into what turned out to be a Ponzi scheme orchestrated by none other than Papadopoulos. As news of the possible fraudulent scheme began to creep into the media, Papadopoulos was aggressively seeking the renewal of his firm’s mandatory insurance, at which time he misrepresented the affairs of Triglobal, and not surprisingly concealed information regarding the Ponzi scheme he himself had been running.

The policy was ultimately renewed, but less than six months later Papadopoulos’ scheme was fully revealed and Triglobal was eventually shut down by the regulators. The Appellants lost over two million dollars and sought indemnity under Triglobal’s recently renewed insurance policy. Not so fast, said AXA. Just as the Appellants had been duped by Papadopoulos, so too had the insurer. Hence, AXA invoked the nullity of its policy on the basis of Triglobal’s misrepresentations and concealment of material facts pursuant to Article 2410 CCQ.

The Superior Court agreed with AXA, and the Court of Appeal framed the question on appeal as follows:

[19] (…) Le juge de première instance a-t-il erré en droit en déclarant nul ab initio pour cause de fausses déclarations du preneur-assuré le contrat d’assurance requis en vertu de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (la LDPSF)?

Relying on the public order nature of the DFPSA and its recognized purpose of consumer protection[1], the Appellants argued that allowing an insurer to retroactively invoke nullity of what is an otherwise mandatory insurance policy runs afoul the very logic and purpose of the legislative scheme. As such, the general insurance provisions of the CCQ, including notably Article 2410, must be read together in such a manner as to permit injured third persons access to the coverage.

While acknowledging the novelty of the question, the Court of Appeal took little time to dispose of Appellants’ argument, framing the issue as essentially one of statutory construction:

[23] L’assurance, on le sait, est un contrat qualifié d’uberrima fides (maxime latine que l’auteur Albert Mayrand traduit par « la plus abondante (grande) confiance »). Cette idée est codifiée par un article du Code civil du Québec compris dans les Dispositions générales du Chapitre XV consacré aux assurances. Il prévoit ce qui suit :

2410. Sous réserve des dispositions relatives à la déclaration de l'âge et du risque, les fausses déclarations et les réticences du preneur ou de l'assuré à révéler les circon­stances en cause entraînent, à la demande de l'assureur, la nullité du contrat, même en ce qui concerne les sinistres non rattachés au risque ainsi dénaturé.



2410. Subject to the provisions on statement of age and risk, any misrepresentation or concealment of material facts by either the client or the insured nullifies the contract at the instance of the insurer, even with respect to losses not connected with the risks so mis­rep­resented or concealed.

Or, rien dans les règles particulières qu’édictent LDPSF et du RCRASA n’écarte expressément, ni même implicitement, ce principe fondamental qui régit les relations entre assureur et assuré.

[24] Les appelants prétendent que l’article 80 de la LDPSF doit prévaloir sur l’article 2410 C.c.Q., mais cette disposition de la LDPSF ne saurait à elle-seule écarter le principe qu’énonce le Code civil du Québec (il faudrait un texte beaucoup plus spécifique pour parvenir à ce résultat). (…) [internal citations omitted].

Previous decisions of the Court have circled around a similar issue, notably the validity of certain exclusions under mandatory insurance policies issued pursuant to the DFPSA. And despite some contradiction and apparent tension between two of these decisions, the Court chose not elaborate on the issue. Instead, it simply reiterated that the insurance provisions of the CCQ trump the DFPSATo hold otherwise would require far more clear language:

[31] Par ailleurs, rien dans les récents arrêts Guillemette, Audet c. Transamerica Life Canada et Larrivée c. Murphy n’est susceptible d’appuyer la thèse des appelants sur l’interaction entre le Code civil du Québec d’une part, et d’autre part la LDPSF et le RCRASA. Ces textes doivent évidemment s’interpréter les uns avec les autres de manière à les rendre compatibles entre eux, mais il n’existe nulle part dans la législation et la réglementation sur les produits et les services financiers de règle susceptible de supplanter le principe de l’article 2410 C.c.Q., une pierre angulaire du droit des assurances. [internal citations omitted]

The result may very well leave investors in Quebec more nervous than ever. Because while they may think they are covered when dealing with a representative and firm licensed under the DFPSA, the CCQ may say otherwise. Now you’re covered…now you’re not!


[1] Souscripteurs du Lloyd’s v. Alimentation Denis & Mario Guillemette inc. 2012 QCCA 1376





[1] IMK acted in this file.