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Tuesday, 19 January 2016

New Regulations in Court of Appeal – Beware of the 10-page limit!


By Audrey Boctor


The Court of Appeal has adopted new Civil Practice Regulations which came into force on January 14, 2016.  Of note are Rules 27 and 59 that limit all Notices of Appeal / Demandes d'appel (formerly the inscription in appeal) and all “Applications in the Course of a Proceeding” / “Demandes en cours d'instance” (Motions) to 10 pages.

We understand that the Court of Appeal has taken the position that this covers all applications / demandes that are made to the Court, including Applications for Leave to Appeal. The page limit includes the conclusions to the notice or application, even if they are lengthy. The Court has refused filings that exceed 10 pages. 


Those waiting until the last day to file should be particularly vigilant regarding these new Regulations, since article 353 of the new Code of Civil Procedure specifies that “[T]he time limits for appeal are strict time limits, and the right to appeal is forfeited on their expiry.”



Friday, 15 January 2016

Recours collectif : l’inaction sanctionnée

Par Jean-Michel Boudreau

Le requérant qui cherche à obtenir l’autorisation d’exercer une action collective doit prendre garde de verser dans l’immobilisme. En effet, dans l’affaire Cohen c. LG Chem Ltd., (CSM : 500-06-000632-121, 18 décembre 2015), M. Jordan Cohen s’est vu remplacé à titre de requérant au stade de l’autorisation.

En vertu de la règle appliquée au Québec depuis l’arrêt Hotte c. Servier Canada inc., [1999] R.J.Q. 2598 (C.A.), M. Cohen (représenté par Consumer Law Group) ayant été le premier à déposer sa demande d’autorisation pour exercer un  recours collectif contre les manufacturiers de batteries au lithium, sa requête a préséance sur toute autre requête qui viserait à représenter le même groupe. Toutefois, en décembre dernier, la Cour supérieure lui a retiré ce statut privilégié pour lui substituer d’autres requérants, soit M. Patrick Dumoulin et Option consommateurs (représentés par Belleau Lapointe).

S’appuyant sur l’article 1024 de l’ancien Code de procédure civile (voir l’article 589 du nouveau C.p.c.), lequel s’applique également, selon le Tribunal, au stade de l’autorisation en vertu de l’article 1010.1 A.C.p.c., la juge Claudine Roy décide qu’il est justifié, dans les circonstances, d’autoriser un nouveau requérant à agir pour les membres au stade de l’autorisation, puisque M. Cohen ne s’est pas acquitté de sa tâche et s’avère incapable de représenter adéquatement les membres.

La juge Roy note l’avancement limité du dossier depuis le dépôt des procédures en novembre 2012 et le refus de M. Cohen de faire progresser le dossier malgré les avertissements répétés du Tribunal. Elle écrit : « [M. Cohen] empêche le recours d’avancer depuis trois ans et prétend tenter de négocier un règlement au nom des membres. Cette façon de procéder est fautive ». La juge Roy rappelle qu’il est contraire aux intérêts des membres de déposer des procédures dans le but d’occuper le terrain sans réelle intention de faire entendre la cause au Québec, en attendant simplement qu’un recours semblable soit tranché dans une juridiction étrangère. Le Tribunal conclut ainsi :

[69]     La preuve démontre qu’il est impossible que l’affaire survive équitablement si les membres continuent d’être représentés par M. Cohen. Cette preuve démontre que M. Cohen tente uniquement d’occuper le terrain, en attendant un dénouement du recours américain ou du recours ontarien. 
[70]     Certes, il n’est pas nécessaire que le représentant soit le meilleur représentant possible, mais ici, le Tribunal ne peut que constater le manque de motivation de M. Cohen et la façon inadéquate de procéder de son avocat.

[71]     M. Cohen ne défend pas les intérêts des membres du groupe. Il n’y a aucun avantage pour les membres à ne pas faire entendre la requête en autorisation. M. Cohen n’est pas ce mandataire par qui les membres accepteraient d’être représentés si la demande était formée selon l’article 59 C.p.c. 
[72]     À tous les motifs déjà énoncés, le Tribunal ajoute que l’article 4.1 C.p.c. exige que les parties agissent de manière raisonnable dans la conduite de leur dossier. M. Cohen agit ici de manière déraisonnable. 
[73]     Il n’a pas fait avancer son dossier depuis trois ans. Il n’a pas la motivation nécessaire pour poursuivre. Il n’a pas la capacité d’assurer une représentation adéquate des membres. 

Friday, 8 January 2016

SERVICE IN APPEAL: Make Sure You Know Who to Send Your Proceedings To!

by Catherine McKenzie


In the coming months, we will be reporting on decisions related to the changes the new Civil Code of Procedure as they become available. First up is the Court of Appeal's decision in 9256-0929 Québec inc. v. Turcot (2015 QCCA 241) from earlier this year, which while decided under the old CCP is relevant on the issue of service for the new CCP.

At issue in that case was whether the motion for permission to appeal had been validly served. The Appellant had served the Motion on the Respondent's attorneys in first instance by fax. The Appellant argued that this was not valid service since it had not been served on the opposing party personally as required by art. 494 CCP. Justice Savard rejected that contention:

[5] La procureure des intimés a raison de souligner que le Code de procédure civile distingue les formalités de signification d’une demande pour permission d’appeler et d’une inscription en appel. En vertu de l’article 495 C.p.c., l’inscription en appel doit être signifiée à la partie adverse ou à son procureur, tandis que, selon l’article 494 C.p.c., la demande pour permission d’appeler doit être signifiée à la partie adverse. La doctrine n’explique pas cette distinction et les parties n’ont recensé aucune décision sur cette question.

[6] L’article 499 C.p.c. énonce que, avant la comparution au greffe des appels, les actes de procédure peuvent, en certaines circonstances, être signifiés au procureur qui représentait l’intimé en première instance :
499. L'intimé doit produire un acte de comparution au greffe des appels dans les 10 jours qui suivent la réception de l'inscription par ce greffe ou, suivant le cas, dans les 10 jours qui suivent la réception par l'intimé de la copie du jugement autorisant l'appel.


Avant cette comparution, les actes de procédure destinés à l'intimé peuvent être signifiés au procureur qui représentait l'intimé en première instance, à moins d'une disposition qui exige la signification à la partie elle-même.

[Je souligne]

499. Within 10 days following receipt at the Appeals Office of the inscription or, as the case may be, within 10 days following receipt by the respondent of the copy of the judgment authorizing the appeal, the respondent must file a written appearance with the Appeals Office.

Before such appearance, the proceedings intended for the respondent may be served upon the attorney who represented the respondent in the court of first instance, failing a provision of law which requires service on the party himself.
[7] Selon le premier alinéa, cette règle vise les dossiers formés par une inscription en appel et ceux qui découlent d’une permission d’appeler. Dans le premier cas, c’est le dépôt de l’inscription au greffe de première instance qui enclenche le processus d’appel et qui rend applicables les règles de procédure propres à l’appel[1]. Dans le deuxième cas, c’est le jugement qui autorise l’appel qui tient lieu de l’inscription en appel (art. 494, al. 4 C.p.c.). Vu le libellé du premier alinéa, l’application du second alinéa de l’article 499 C.p.c. me semble limitée aux seuls actes de procédure déposés une fois le processus d’appel enclenché et ne vise donc pas la requête pour permission d’appeler.

[8]  Dans ce dernier cas, soit avant que le processus d’appel ne soit enclenché, je suis d’avis que l’article 78 C.p.c. trouve application. Cet article, que l’on retrouve au chapitre des règles générales de la procédure écrite, énonce :
78. À moins d'une disposition contrairetout acte de procédure d'une partie doit être signifié aux procureurs des autres parties, ou aux parties elles-mêmes si elles n'ont pas de procureur, sans quoi il ne peut être régulièrement produit; s'il contient une demande qui doit être présentée à un juge ou au tribunal, il doit être accompagné d'un avis de la date de cette présentation, et la signification doit en avoir été faite au moins un jour juridique franc avant cette date sauf au cas d'urgence où le juge peut abréger le délai.


[Je souligne]

78. Failing provision to the contrary, any written proceeding of a party must be served upon the attorneys of the other parties, or upon the parties themselves if they have no attorney, otherwise it cannot be regularly filed; if it contains a demand which must be presented to a judge or to the court, it must be accompanied by a notice of the date of such presentation, and the service must have been made at least one clear juridical day before such date, except in a case of urgency when the judge may allow a shorter time.
[...]
[9] Notons que le juge Hilton, dans un autre contexte, a lui aussi renvoyé aux formalités prévues à l’article 78 C.p.c. alors qu’il analyse la date de production d’une requête pour permission d’appeler. Il écrit :

[15] I frankly doubt that even the Court could adopt a rule of practice to the same effect as the Registry’s practice, let alone the Registry itself, since to do so is in conflict with what the Code of Civil Procedure provides. Accordingly, the Registry must henceforth apply the requirements for the service and filing of written proceedings in compliance with the requirements of article 78 C.C.P. and, where it is sought to file motions for leave to appeal, with the third paragraph of article 494 C.C.P.[2]

[Je souligne]

[10] Selon moi, on ne peut interpréter l’article 494 C.p.c. comme constituant « une disposition contraire » au sens de l’article 78 C.p.c. qui obligerait la signification à la partie elle-même de la requête pour permission d’appeler.

[11] D’abord, en matière de déchéance de droit, il est raisonnable d’interpréter les dispositions du Code de procédure civile de manière à protéger les droits du justiciable[3].

[12] Ensuite, dans Proulx c. Côté[4], la Cour décide qu’une requête en rétractation de jugement en vertu de l’article 484 C.p.c. peut être valablement signifiée aux procureurs de la partie bien qu’il énonce qu’une telle requête doit être signifiée « à toutes les parties en cause ». Selon le juge Mayrand, seule la mention d’une signification « à la partie elle-même »[5] aurait constitué une « disposition contraire » au sens de l’article 78 C.p.c. Il ajoute :

[…] Il ne serait pas logique d’être plus exigeant pour reprendre un procès en partie que pour en appeler de ce jugement. Or, l’inscription en appel peut être signifiée à l’avocat plutôt qu’à la partie (C.p.c., art. 495, 1er alinéa).

[13] La même logique s’applique à l’égard de la requête pour permission d’appeler : rien ne justifie d’être plus exigeant pour requérir une permission d’appeler que pour en appeler de plein droit d’un jugement, d’autant que cela ne cause aucun préjudice.

[14] Le fait que l’article 494 C.p.c. limite la signification de la requête pour permission d’appeler « à la partie adverse » alors que l’article 495 C.p.c. permet la signification de l’inscription en appel « à la partie adverse ou à son procureur » n’est pas incompatible avec une telle conclusion et, compte tenu de l’ensemble des textes, on ne peut y voir qu’une inattention du législateur.

[15] Également, je ne peux retenir l’argument de la procureure des intimés voulant que la requête pour permission d’appeler soit assimilée à une requête introductive d’instance; ce n’est pas la requête qui tient lieu d’inscription d’appel, mais le jugement autorisant l’appel (art. 494, al. 4 C.p.c.). Elle ne constitue pas la « requête introductive d’instance » de l’appel. Dès lors, sans me prononcer sur son bien-fondé, la jurisprudence citée par la procureure des intimées selon laquelle une requête introductive d’instance ne peut être signifiée au procureur d’une partie par télécopieur n’est d’aucun secours[6].

[16] Je terminerai cette section en soulignant que la distinction actuelle entre les formalités de signification prévues aux articles 494 et 495 C.p.c. ne tiendra plus sous le nouveau Code de procédure civile puisque l’article 358 prévoit que, tant la déclaration d’appel que la demande de permission d’appeler, devront être signifiées à l’intimé et notifiées à l’avocat qui le représentait en première instance :


358. La déclaration d’appel, y compris, le cas échéant, la demande de permission, est signifiée à l’intimé et notifiée à l’avocat qui le représentait en première instance avant l’expiration du délai d’appel. Elle est également notifiée dans ce même délai aux personnes intéressées à l’appel à titre d’intervenant ou de mis en cause.
358. The notice of appeal, including, if applicable, the application for leave to appeal, is served on the respondent and notified to the lawyer who represented the respondent in first instance before the expiry of the time limit for appeal. It is also notified, before the expiry of that time limit, to persons with an interest in the appeal as intervenors or impleaded parties.
[Our emphasis] 
[...]

So the lesson for the new code: all originating procedures in appeal must be served on the respondent (and service means served by bailiff) and notified to the opposing counsel (by fax or by otherwise) if there is one.



[1]     Watier c. Watier, [1990] R.D.J. 364, 370 (C.A.).
[2]     Droit de la famille – 132870, 2013 QCCA 1797 (j. Hilton).
[3]     Denis Ferland et Benoît Émery, Précis de procédure civile du Québec, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 2003, p. 60.
[4]     Proulx c. Côté, [1978] C.A. 536.
[5]     L’article 407 C.p.c. est un exemple d’une telle disposition.
[6]     Chambre des huissiers de justice du Québec c. Milunovic, 2010 QCCQ 3516; Ghanotakis c. Clôt et Associés, 2006 QCCQ 13638.


Nouveau Code de procédure civile : une requête introductive d’instance signifiée avant le 1er janvier 2016, mais présentable après, est-elle assujettie au nouveau protocole d’instance ? La réponse est non.

Par Raphael Lescop

Selon l’article 833 al. 2 du Nouveau Code de procédure civile, le « Code est, dès son entrée en vigueur, d'application immédiate ». Toutefois, ce principe est assujetti à des exceptions, la première concernant les ententes sur le déroulement de l’instance. Ainsi, selon l’article 833, al. 2 par. 1 « en première instance, les demandes introductives d'instance déjà déposées demeurent régies par la loi ancienne en ce qui concerne uniquement l'entente sur le déroulement de l'instance et sa présentation au tribunal et les délais pour y procéder ».

Dans le nouvel ouvrage des Éditions Yvon Blais sur le Nouveau Code de procédure civile, Le Grand Collectif, vol. 2, à la p. 2911, on indique que cette disposition signifie que « les demandes introductives d’instance déposées avant l’entrée en vigueur du nouveau Code sont régies par les anciennes dispositions uniquement quant au contenu de l’entente, au délai pour en convenir et au délai pour la présentation de la demande introductive d’instance ».

Le 5 janvier 2015, la juge Claudine Roy a eu à déterminer si une requête introductive d’instance déposée le 2 décembre 2015, mais présentable le 5 janvier 2016, était assujettie au nouveau protocole de l’entente ou si les parties pouvaient déposer une entente sur le déroulement de l’instance établies selon les règles de l’ancien Code de procédure civile. Appliquant l’article 833 al. 2, par. 1 N.C.p.c., la juge Roy conclut qu’elle était autorisée à entériner une entente sur le déroulement de l’instance. Elle écrit ce qui suit dans  Poppy Industries Canada inc. c. Diva Delights Ltd, C.S. 500-17-091675-150, 5 janvier 2016 :

CONSIDÉRANT que l’art. 833 du Nouveau Code de procédure civile prévoit au premier paragraphe du deuxième alinéa, que les demandes introductives d’instance déjà déposées demeurent régies par la loi ancienne, en ce qui concerne l’entente sur le déroulement de l’instance et sa présentation; considérant que la demande a été déposée le 2 décembre 2015, qu’il s’agit d’une première présentation, et que cette présentation respecte les délais.

ENTÉRINE l’entente sur le déroulement de l’instance signée le 5 janvier 2015 et ordonne aux parties de s’y conformer.

Dans son jugement, la juge Roy semble toutefois insister sur le fait qu’il s’agisse de la première entente conclue par les parties, par opposition à une deuxième ou une troisième entente présentée au tribunal après le 1er janvier 2016 dans le cadre d’une requête pour prolongation du délai d’inscription. À la lumière de ce jugement, il n’est donc pas certain si les parties qui demandent une prolongation du délai d’inscription d’un dossier déjà entamé sous l’ancien Code de procédure civile doivent, ou non, présenter au tribunal une entente sur le déroulement de l’instance amendée ou un protocole d’instance.

Les tribunaux répondront certainement très rapidement à cette question.

Nous croyons toutefois que le jugement de la juge Roy devrait s’appliquer non seulement aux dossiers dont c’est le premier échéancier qui est produit, mais également à ceux déjà entamés sous l’ancien Code de procédure civile. En effet, nous voyons difficilement comment on pourrait justifier que des parties dont ils restent une seule échéance à accomplir à leur entente sur le déroulement de l’instance avant l’inscription et qui demandent une prolongation de délai après le 1er janvier 2016 devraient être tenues de préparer un protocole d’instance, alors les parties dont c’est la première entente sur le déroulement de l’instance n’ont pas à le faire. Nous trouvons appui à cette position notamment dans le régime même du protocole d’instance prévu aux articles 148 à 152 N.C.p.c. qui prévoit que le protocole d’instance est négocié et est établi par les parties au début d’un dossier, qu’il est produit au tribunal dans les 45 jours de l’avis d’assignation initial et qu’il est examiné dans les 20 jours suivants par le tribunal qui choisit de l’entériner ou de convoquer les parties. Certes, il est possible dans le cadre d’un avis de gestion de demander au tribunal de modifier le protocole d’instance, mais encore faut-il qu’il y ait un protocole d’instance qui ait d’abord été négocié et établi au tout début du dossier conformément aux articles 148 à 152 N.C.p.c. Or, tel n’est pas le cas des dossiers déjà entamés sous l’ancien Code de procédure civile et qui, par exemple, requièrent une prolongation d’un mois supplémentaire de l’entente sur le déroulement de l’instance, entre le 15 janvier 2016 et le 15 févier 2016, afin d’obtenir des réponses à des engagements souscrits lors d’un interrogatoire préalable.   


Friday, 18 December 2015

L’aide médicale à mourir, où en sommes-nous rendus?



Par Francis Legault-Mayrand


Aujourd’hui a lieu l’audition de l’appel de la décision du 1er décembre 2015 rendue par l’honorable Michel A. Pinsonnault de la Cour supérieure déclarant inopérants les articles 26 à 32 de la Loi concernant les soins de fin de vie, R.L.R., c. S-3.0001 (la « Loi ») jusqu’à prise à effet de la déclaration d’invalidité de certains articles du Code criminel prononcée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Carter c. Canada (Procureurgénéral), 2015 CSC 5 (« Carter »).

En bref, entrée en vigueur le 10 décembre dernier, le régime québécois encadrant l’aide médicale à mourir a été déclaré inopérant par la Cour supérieure jusqu’au moment que l’invalidité des dispositions du Code criminel en conflit avec ce régime entre en vigueur. L’appelante, la Procureure générale du Québec, cherche à casser cette décision.

Cette décision a fait couler beaucoup d’encre depuis les dernières semaines et nous espérons avec ce billet jeter de la lumière sur les enjeux soulevés par cet appel par un survol de la décision sur la permission d’appeler du 9 décembre 2015 dans Québec (Procureure générale) c. D’Amico, 2015 QCCA 2058.

Commençons avec quelques mots sur la décision de première instance. Le juge Pinsonneault dans D’Amico c. Québec (Procureure générale), 2015 QCCS 5556 (« D’Amico CS »), a rejeté la demande d’injonction interlocutoire provisoire présentée par les demandeurs madame Lisa D’Amico, une personne gravement handicapée, et le docteur Paul Saba, un médecin.

Malgré sa décision que Mme D’Amico ne rencontre pas les critères pour l’émission d’une injonction provisoire interlocutoire, le juge de la Cour supérieure « suspend » les dispositions attaquées de la Loi. Il se dit en présence d’un conflit entre des dispositions fédérales (du Code criminel) et provinciales (de la Loi), toutes deux présumées valides (D’Amico CS, para. 144).

Il conclut que les dispositions fédérales ont préséance sur les dispositions provinciales en vertu de la doctrine de la prépondérance fédérale en droit constitutionnel. C’est ainsi qu’il déclare inopérantes les dispositions provinciales de la Loi « jusqu’à ce que l’incompatibilité disparaisse ». On fait bien sûr référence ici au délai octroyé dans l’affaire Carter.

Bien que le juge de la Cour supérieure ait rejeté la demande d’injonction provisoire pour la « suspension » des articles 26 à 32 de la Loi, il rend un jugement déclaratoire, lequel rend « inopérantes » ces mêmes dispositions.

Donc même si la demande d’injonction provisoire n’a pas été accordée, les demandeurs ont obtenu ce qu’il recherchait, et ce, sans les inconvénients associés à une demande d’injonction provisoire! Je fais référence ici à la durée limitée de 10 jours d’une telle ordonnance et le fardeau de prouver que les conditions d’octroi de l’ordonnance sont remplies.

Malgré cette nuance dans le jugement en première instance, la procédure d’appel est la même dans les deux cas. En effet, voici comment le juge Robert M. Mainville, J.C.A., qualifie cette décision (Québec (Procureur générale) c. D'Amico, 2015 QCCA 2058 ("D'Amico CA") :

[4]           Depuis longtemps, la jurisprudence prend pour acquis qu’un jugement se prononçant sur une requête pour l’obtention d’une injonction provisoire est un jugement qui ne peut être porté en appel que sur permission d’un juge de la Cour d’appel, conformément à l’article 511 du C.p.c. lorsqu’il estime qu’il s’agit d’un cas visé à l’article 29 du C.p.c. et que les fins de la justice requièrent d’accorder la permission.

[5]           Cependant, le jugement de première instance contient aussi des conclusions par lesquelles le juge de première instance déclare que, jusqu’à la prise d’effet de la déclaration d’invalidité des articles 14 et 241b) du Code criminel prononcée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Carter, ces articles du Code criminel rendent inopérants les articles 26 à 32 de la Loi concernant les soins de fin de vie, ainsi que l’article 4 de cette Loi, dans la mesure où les dispositions de cet article visent ou touchent l’aide médicale à mourir. Ces conclusions ne modifient pas la nature du jugement en cause qui demeure un jugement interlocutoire soumis aux prescriptions des articles 29 et 511 du C.p.c. quant à l’appel.

[6]           En effet, le jugement qui prononce de façon provisoire la suspension de l’application d’une disposition législative dont la constitutionnalité est contestée est assimilé, aux fins d’un appel, à l’injonction interlocutoire provisoire. Que cette suspension soit ordonnée par injonction provisoire ou qu’elle résulte d’une déclaration judiciaire rendue dans le cadre d’une procédure visant un remède provisoire ne change rien à la nature du jugement aux fins de l’appel. Il s’agit, dans les deux cas, d’un jugement visé par les articles 29 et 511 du C.p.c. L’appel d’un tel jugement ne peut avoir lieu sans la permission d’un juge de la Cour d’appel.

Selon le juge de la Cour d’appel, il existe un droit d’appel, car le jugement de première instance ordonne que soit faite une chose à laquelle le jugement final ne pourra remédier (D’Amico CA, para. 14; art. 29 C.p.c.). Voici ce qu’il écrit :

[16]        Ainsi, les personnes qui sont en fin de vie, qui sont atteintes d’une maladie incurable, dont la situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de leurs capacités, qui éprouvent des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elles jugent tolérables, ne pourront se prévaloir de l’aide médicale à mourir lors de l’entrée en vigueur de la Loi le 10 décembre 2015. Il s’agit là, à ne pas en douter, d’une « chose à laquelle le jugement final ne pourra remédier » au sens de l’article 29 du C.p.c.

[21]        Compte tenu des circonstances, l’appel doit être entendu de façon urgente.

S’oppose à cette thèse celle du juge de première instance :

[55]        Enfin, Saba souligne que tant et aussi longtemps que l’Aide médicale à mourir sera considérée comme un acte criminel au sens de l’article 241b) du Code criminel et que le consentement du patient à mourir ne pourra constituer une défense valable, selon l’article 14 du Code criminel, il est illégal pour le gouvernement du Québec de demander aux médecins de poser un tel geste de nature clairement criminelle, d’autant plus que la Loi ne leur offre aucune immunité à cet égard.

[56]        Quoique la présente Requête en jugement déclaratoire dépasse largement l’aspect criminel lié à l’Aide médicale à mourir à l’heure actuelle, le Tribunal comprend de la position du demandeur qu’à tout le moins, la prohibition recherchée de mettre en œuvre les dispositions de la Loi ayant trait à l’Aide médicale à mourir doit nécessairement couvrir la période de suspension de l’application de la déclaration d’invalidité constitutionnelle des articles 14 et 241b) du Code criminel prononcée par la Cour suprême du Canada (la « Cour suprême »), le 6 février 2015, dans l’arrêt Carter[7]. En effet, dans cet arrêt, la Cour suprême a spécifiquement suspendu pour une période de douze mois venant à échéance le 6 février 2016, la déclaration d’invalidité desdits articles. Ceux-ci demeurent donc pleinement valides et en vigueur jusqu’à cette date ou à toute date antérieure si le parlement fédéral légiférait relativement à ces deux articles en fonction des paramètres constitutionnels établis par la Cour suprême sur les aspects criminels de l’Aide médicale à mourir, le cas échéant.

[57]        Avant cette échéance, la mise en œuvre de l’acte médical létal de l’Aide médicale à mourir qui constitue l’euthanasie de l’être humain sera impossible sans risque de poursuite criminelle contre le médecin qui, en ce faisant, aura commis un acte criminel en fonction du libellé actuel des articles 14 et 241b) du Code criminel.


[65]        Il ne fait aucun doute non plus dans l’esprit du Tribunal que dès l’entrée en vigueur de la Loi, le 10 décembre 2015, tous les médecins habilités à pratiquer la médecine au Québec et, par conséquent administrer l’Aide médicale à mourir, seront directement affectés par la question soulevée par Saba quant au conflit entre la Loi et le Code criminel.

La Cour d’appel aura à trancher ce débat et à déterminer qui devra subir les inconvénients du conflit entre les dispositions provinciales et fédérales. 

La Cour d'appel dans son jugement (2015 QCCA 2138) a donné raison à l'appelante et a conclu qu'il n'existait aucun conflit entre les dispositions fédérales et provinciales. 


Friday, 11 December 2015

Can you meet someone without having contacted them? Yes, if you are being accused of contempt

By Janet Michelin

The decision in BMO Harris Gestion de Placements Inc. v. Rainville, 2015 QCCS 5368 shows that no matter how hard attorneys try to draft injunctive orders that are clear and cover all the bases, there is often still room for interpretation and therefore ambiguity.

In this case, the Defendant Rainville resigned from BMO to work for a competitor. He was not bound by a non-competition agreement. BMO sought a provisional injunction to prevent him from soliciting clients. On January 23, 2013, a provisional injunction was issued for a period of 2 days ordering Mainville to:

a) CESSER tout contact que ce soit à des fins de sollicitation ou à des fins professionnelles ou d’affaires, par voie téléphonique, par lettres, en personne, ou de quelque autre façon que ce soit avec les clients référés par BMO Groupe Financier et/ou BMO Banque Privée Harris (ci-après collectivement désignée « BMO ») (P-15), sauf par des moyens usuels de publicité adressée de façon générale à la population, tel que par voie de journaux, radio ou télévision, exception faite des clients déjà transférés;
c)  CESSER ET EMPÊCHER les défendeurs de conseiller les clients de BHGP relativement à la suite de la gestion de leurs comptes et aux instructions qu’ils doivent donner à BHGP, entre autres afin de résilier l’Énoncé de politique de placements et Convention de gestion discrétionnaire qui les lie à BHGP. [Underlining in the Judgment]

The parties were back in court on January 25, 2013, during which time Rainville's lawyer explained to the Court that clients had learned through social networks that he had left BMO and were communicating with him to say they wanted to follow him. The judge and attorneys acknowledged that the clients were free to do so. The attorneys then negotiated and agreed to the following order which was issued by the judge:

a)  CESSER tout contact que ce soit à des fins de sollicitation ou à des fins professionnelles ou d’affaires, incluant donner des conseils, par voie téléphonique, par lettres, en personne, ou de quelque autre façon que ce soit avec les clients de BMO Groupe Financier et/ou BMO Banque Privée Harris (ci-après collectivement désignées «BMO» (P-15), sauf par des moyens usuels de publicité adressée de façon générale à la population, tel que par voie de journaux, radio ou télévision, exception faite des clients déjà transférés;
b) ORDONNER aux défendeurs de répondre à tout client de BMO Groupe Financier et/ou BMO Banque Privée Harris (ci-après collectivement désignées « BMO ») (P-15) qui entrerait en contact avec eux pour savoir comment procéder au transfert de son ou ses comptes de communiquer avec un représentant de la demanderesse. [Underlining in the Judgment]

Rainville's lawyer explained to him that he could meet with clients with whom he had already scheduled appointments but could not schedule new appointments. If a client said she wanted to follow Rainville, Rainville had to refer her to BMO so that BMO could try to retain the client.

On January 27 and 28, Rainville met with several clients whose meetings had been scheduled prior to January 25. On January 29, during his examination, Rainville admitted to having met with 4 clients in the previous two days, believing it was fine because the meetings had been scheduled prior to the January 25th order. BMO brought contempt of court proceedings against him. 

Madam Justice Turcotte reviewed the criteria for contempt. Firstly, the order must clearly state what can and cannot be done. In this case, it appeared that Mainville and even the judge who issued the provisional order considered that Mainville was permitted to meet with clients as long as he had not solicited them. While Mainville could not solicit the clients and if they contacted him, he was required to refer them back to BMO, nothing in the January 25th order specifically prohibited Mainville from meeting with them. The contempt proceedings alleged that he had violated the order by meeting with them but the order was for him to cease all contact (cesser tout contact). 

Madam Justice Turcotte looked at the definitions of "contact" and "rencontrer" to justify her decision that Mainville had not violated the order. To the extent that there was room for interpretation, the order lacked clarity and the doubt had to be resolved in favour of the accused, Mainville.

The second criteria for contempt, knowledge of the order, was clearly met in this case. 

As for the third criteria, intent, it was not met. The evidence established that Mainville had been careful to try to respect the order. BMO did not prove that he had intended to violate it.



Friday, 4 December 2015

URGENCY BY ANY OTHER NAME, or a useful review of the criteria for the issuance of safeguard orders from the Court of Appeal



In her September 21, 2015 post, Catherine McKenzie blogged about a decision granting leave to appeal from a safeguard order that had been issued in order to prevent a company from soliciting another company’s clients.  

At first instance, the Plaintiffs had not sought a provisional injunction (art. 753 C.c.p., valid for a maximum of 10 days), but rather directly requested an interlocutory and permanent injunction.

Then, shortly before the first date of presentation, the Plaintiffs served a request for a safeguard order.

The Defendants opposed the request for a safeguard order, arguing that the urgency criterion had not been met since Plaintiffs had known about the alleged wrongdoing for several months.

The first judge issued the requested safeguard order. He held, inter alia, that the urgency criterion for safeguard orders differed from the urgency criterion for provisional injunctions.

Justice Marie-Josée Hogue granted leave to appeal, notably on the basis of the first judge’s analysis of the urgency criterion for the issuance of safeguard orders.

As Catherine put it: “The Court of Appeal Will Decide If Urgency Means Urgency”.

The Court of Appeal has now rendered its decision and overturned the first instance judgement.

It appears that urgency does indeed mean urgency, and that this holds true for safeguard orders as well as for provisional injunctions!

In his reasons rendered from the bench, Justice Vézina states that under the guise of the safeguard order, the first judge in fact granted the interlocutory injunction sought by the Plaintiffs. Justice Vézina goes on to remark that calling the order a safeguard order meant that the 10 day limit applicable to provisional injunctions was ignored:

[4] Sous l’appellation d’ordonnance de sauvegarde, le juge de première instance a prononcé l’injonction interlocutoire recherchée par les demanderesses. Il a reproduit dans son jugement les conclusions mêmes de la requête. L’objectif d’une ordonnance de sauvegarde est la protection des droits de toutes les parties. Les conclusions du jugement protègent les droits des demanderesses, mais ne permettent pas de conclure que les droits des autres parties sont concrètement protégés.
[5L’appellation d’ordonnance de sauvegarde a pour conséquence que la limite légale de dix jours de l’injonction interlocutoire provisoire a été ignorée, et ce, au détriment des défendeurs. Heureusement, l’affaire doit être revue par la Cour supérieure dans les prochains jours alors que le dossier est maintenant plus complet et comprend entre autres des interrogatoires de diverses personnes intéressées. [emphasis added]

Justices Marcotte and Hogue wrote additional reasons, focusing on the urgency criterion for the issuance of a safeguard order.

They explain that a safeguard order under art 752.1 C.c.p.  is an exceptional discretionary measure that should only be granted with caution in urgent situations given that it is requested outside the normal procedural channels at a moment when the respondent party has not had a chance to fully present its position.

Justices Marcotte and Hogue emphasize the fact that a safeguard order must fulfill the same criteria as a provisional injunction, meaning urgency, apparent right, irreparable harm and balance of inconvenience:

[10]  Il paraît utile de rappeler que l’ordonnance de sauvegarde de l’article 754.2 C.p.c. est une mesure judiciaire, discrétionnaire, émise pour des fins conservatoires, dans une situation d’urgence, pour une durée limitée et au regard d’un dossier où la partie intimée n’a pas pu encore introduire tous ses moyens. Elle n’est prononcée que dans les cas urgents et exceptionnels.  Elle répond aux mêmes critères que l’injonction interlocutoire provisoire, à savoir l’urgence, l’apparence de droit, le préjudice irréparable et la balance des inconvénients[references omitted]

Justices Marcotte and Hogue recognize that urgency may arise from the need to maintain the status quo or the equilibrium between the parties. Nonetheless, they declare that the urgency criterion must be applied strictly and rigorously, since the hearing is held on the basis of an incomplete file, without the usual protections:

 [11]  Même s’il est vrai que, dans certaines circonstances, l’urgence peut également découler de la nécessité de maintenir le statu quo ou l’équilibre des parties durant l’instance, le critère de l’urgence doit néanmoins être apprécié de manière stricte et rigoureuse, puisque l’affaire procède de manière sommaire sur la base d’un dossier incomplet et que l’ordonnance de sauvegarde n’offre pas les garanties juridiques habituelles.  C’est ce qu’a souligné la Cour dans 176283 Canada inc. c. St-Germain:

[9]      Dans pareil contexte, et précisément parce que le véhicule procédural n'offre pas les garanties juridiques usuelles, les critères de l'urgence et du préjudice irréparable revêtent une grande importance, car c'est par eux que se justifie qu'on procède de manière sommaire à la délivrance de l'ordonnance de sauvegarde. Ce n'est pas dire que l'apparence de droit et la prépondérance des inconvénients soient sans intérêt, ce qui n'est évidemment pas le cas, mais l'absence d'urgence ou l'absence de préjudice irréparable (c'est-à-dire grave), à eux seuls, militent ordinairement contre la délivrance d'une telle ordonnance (on renverra alors les parties à l'interlocutoire ou au fond), tout comme l'urgence et la présence d'un préjudice grave militent en faveur d'une telle ordonnance.
[je souligne]
[references omitted, the Court of Appeal’s emphasis]

A safeguard order must not be used to bypass the requirements for a provisional injunction, though the judge may consider the need to maintain the status quo or to re-establish the equilibrium between the parties:

[12De la même façon, s’il est vrai que la nécessité de maintenir le statu quo ou de rétablir l’équilibre entre les parties durant l’instance peut être considéré par le juge saisi d’une demande d’ordonnance de sauvegarde dans certaines circonstances, ce ne doit pas être l’occasion de court-circuiter les exigences requises pour l’émission provisoire d’une injonction interlocutoire et d’éviter les conditions d’un tel octroi, tel que le signalait le juge Delisle dans la décision Aubut c. Québec (Ministère de la Santé et des Services sociaux) :
[6] Le simple fait de signifier une procédure d'injonction n'entraîne pas le droit à des ordonnances de sauvegarde. Ce serait là court-circuiter les exigences requises pour l'émission provisoire d'une injonction interlocutoire et éviter les conditions d'un tel octroi.
[7]Il est encore moins question de présenter tout simplement un dossier incomplet pour enclencher le droit à une ordonnance de sauvegarde

[references omitted]

In other words, litigants cannot use safeguard orders to circumvent the urgency criterion of provisional injunctions, i.e. do indirectly that which they cannot do directly.

Finally, Justices Hogue and Marcotte remind us that safeguard orders are not an obligatory step in injunction proceedings and that treating them as such is a departure from their intended purpose:


[13] La Cour n’a d’ailleurs pas manqué de souligner la fâcheuse tendance qu’ont les plaideurs de considérer l’ordonnance de sauvegarde comme « une étape obligée dans le cheminement d’un dossier ». Le juge Morissette a également dénoncé cette tendance en signalant qu’elle avait pour effet « de détourner la procédure de sauvegarde de sa finalité d’origine et de la traiter comme une procédure d’injonction interlocutoire avant la lettre ».