Le 8 juillet 2015, la Cour d’appel
a rendu un jugement dans un dossier de construction où SNC-Lavalin fut condamnée
en première instance à payer des dommages-intérêts de 8 755 143 $
(SNC-Lavalin
inc. c. Société Québécoise des infrastructures, et als., 2015 QCCA
1153). Suite à la construction d’une annexe à un établissement de la CSST à
Trois-Rivières, il s’est révélé que la nouvelle construction s’enfonçait
graduellement dans le sol parce que les fondations étaient inadéquates pour ce
type de sol. SNC-Lavalin, responsable de la conception de la structure et des
fondations, a été condamnée à payer des dommages-intérêts de
8 755 143 $.
Hormis la rectification d’une
seule conclusion, la Cour a rejeté l’appel de SNC, laquelle avait soulevé au
moins sept motifs d’appel.
En plus d’analyser l’appréciation
des faits par la juge de première instance, la Cour d’appel traite en plus de sujets
d’intérêt plus général, dont :
1.
Le
jugement est-il suffisamment motivé ?
La
Cour reconnait que les motifs auraient pu être plus persuasifs :
[34] En
l’espèce, force est de reconnaître que la section du jugement intitulée
« Analyse et décision », qui tient sur huit paragraphes, est plutôt
succincte et un renvoi plus immédiat à la preuve acceptée au soutien des
conclusions aurait contribué à renforcer le caractère persuasif des
motifs.
Cependant, la Cour note que la
juge de première instance a commenté la preuve et le bien-fondé des allégations
des parties dans son résumé des faits. La Cour conclut donc qu’il est possible
de comprendre les fondements du jugement et de le réviser dans le cadre d’un
appel.
2. Est-ce
que le régime de responsabilité de l’article 2118 C.c.Q. s’applique à une firme de génie-conseil agissant par
l’entremise d’une société par actions ?
Bien
que SNC n’a pas inclus cet argument dans son mémoire, elle a plaidé que le
régime de responsabilité de l’ingénieur qui dirige ou surveille les travaux ne
peut pas s’appliquer à une société par actions. Sans décider si l’argument fut
valablement invoqué en appel, la Cour le rejette néanmoins de façon
catégorique.
[82] Certes,
la Loi sur les ingénieurs confère aux membres de cette profession des actes
exclusifs. Elle mentionne aussi qu’un ingénieur peut exercer ses activités
professionnelles au sein d’une société par actions.[1]
La loi ne va cependant pas jusqu’à prévoir que l’ingénieur agissant par
l’entremise d’une personne morale est à l’abri de toute responsabilité
professionnelle. Compte tenu des objectifs de l’article 2118 C.c.Q., la même
logique s’impose – à plus forte raison – à l’égard d’une firme de
génie-conseil qui pose des actes réservés sous le couvert d’un statut
corporatif. La protection conférée par cette disposition vise au premier chef
l’intérêt du client, peu importe le véhicule juridique utilisé pour accomplir
l’acte professionnel à l’origine de la responsabilité alléguée.
3.
La
juge a-t-elle erré en prononçant une ordonnance de type Bullock ?
La
Cour rappelle que le pouvoir discrétionnaire conféré au tribunal par l’article
477 alinéa 1 C.p.c. lui permet
d’émettre une ordonnance de type Bullock.
Par le biais d’une telle ordonnance, le tribunal peut non seulement dégager le
demandeur de sa responsabilité pour le paiement des frais et dépenses de
certains défendeurs exonérés à l’issue du procès, mais peut aussi imposer cette
responsabilité sur un autre défendeur, ce qui fut le cas ici. La Cour conclut
que l’ordonnance Bullock
rendue à l’encontre de SNC est le résultat d’un exercice acceptable du
pouvoir discrétionnaire de la juge puisque la décision de poursuivre une
pluralité de défendeurs était raisonnable et prudente.
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